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Affaire du placement PHOENIX : l’indemnisation du capital placé et de la perte de chance de faire fructifier les sommes perdues. Par Stéphane Andreo, Avocat
Parution : mardi 17 mai 2011
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La Cour d’Appel de Chambéry indemnise la perte du capital placé par des épargnants sur le placement PHOENIX et la perte de chance d’avoir pu faire fructifier ce capital.

Les épargnants français qui ont souscrit au placement PHOENIX ont perdu la totalité des fonds placés, du fait de la déconfiture de la société de droit allemand PHOENIX Kapitaldienst GmbH qui en assurait la gestion.

Dès 1998, l’Autorité française de régulation des marchés financiers, encore appelée COB, avait pourtant alerté les professionnels des placements financiers de méthodes de commercialisation "agressives".

Il a néanmoins fallu attendre le 11 mars 2005 pour que la société PHOENIX Kapitaldienst GmbH se voit interdire, par l’Office fédéral allemand de surveillance des prestataires de services financiers (BaFin), de poursuivre son activité commerciale. De ce fait, les derniers relevés de comptes reçus par les souscripteurs français sont datés du mois de février 2005.

Le 15 mars 2005, l’Office fédéral allemand de surveillance des prestataires de services financiers a dressé un constat de sinistre concernant la société PHOENIX Kapitaldienst GmbH, qui a été publié au journal officiel allemand le 18 mars 2005, constatant que cette société ne disposait plus des moyens financiers suffisants pour pouvoir exécuter ses obligations nées d’opérations sur des titres de valeur.

Le 16 mars 2005, la procédure d’insolvabilité provisoire applicable en Allemagne a été ouverte à l’encontre de la société PHOENIX Kapitaldienst GmbH par le Tribunal de Première Instance (Amtgericht) de FRANCFORT, un administrateur judiciaire ayant alors été désigné.

Cette procédure d’insolvabilité provisoire a été confirmée le 1er juillet 2005 par le même Tribunal, permettant aux quelques 30.000 particuliers identifiés et lésés de procéder à une déclaration de perte auprès du mandataire judiciaire, en vue d’être indemnisés dans le cadre de la loi allemande sur la garantie des dépôts et l’indemnisation des investisseurs (Einlagensicherungs und anlegerentschädigungsgesetz – EAG).

Les souscripteurs identifiés ont alors été invités à déclarer leur perte auprès du fonds EDW, afin de garantir leurs droits.

Ceci étant, il s’est avéré depuis lors que le fonds d’investissement EDW, dont la garantie est en toutes hypothèses limitée à 20.000 euros, ne procéderait selon toute vraisemblance à aucune indemnisation ou à une indemnisation très limitée, du fait du caractère frauduleux du placement considéré.

En effet, pour que ce fonds de garantie intervienne, encore fallait-il que des fonds soient réellement placés, ce qui n’a manifestement pas toujours été le cas dans le cadre du placement dénommé PHOENIX, l’argent des uns servant manifestement à satisfaire les demandes de remboursement des autres, suivant un système classique de cavalerie.

Les espoirs d’indemnisation de la part du fonds EdW sont donc à ce jour totalement hypothétiques, cette garantie étant en toutes hypothèses plafonnée à 20.000 euros et ne pouvant concerner que les seules sommes qui auraient été effectivement placées.

La Cour d’Appel de Chambéry avait déjà rendu une décision (arrêt du 16 mars 2010) dans le cadre de l’affaire du placement PHOENIX, particulièrement intéressante pour les souscripteurs lésés.

En effet, la Cour avait considéré que le préjudice subi devait être indemnisé par le conseil en gestion de patrimoine fautif et par son assureur à hauteur de l’intégralité du capital placé et non à hauteur d’une fraction seulement de ce capital, comme cela est habituellement le cas lorsqu’est appliquée la notion de perte de chance.

La Cour a en effet tenu compte du caractère manifestement frauduleux du placement et avait considéré que :

"Le premier juge a ordonné à bon droit la restitution d’une somme équivalente au capital placé dont la perte totale est liée non pas au risque inhérents aux marchés financiers mais aux escroqueries commises par la société Phoenix censée gérer les fonds et dont la société xxxx qui les lui a remis aurait pu et dû raisonnablement suspecter la possible commission."

Rappelons en effet que les victimes du placement PHOENIX étaient "appâtées" au moyen de graphiques présentant les performances du placement PHOENIX depuis 1992, lesquelles étaient tout à fait convaincantes et faisaient état de rendements annuels supérieurs à plus de 20 %.

Si de tels rendements pouvaient paraître tout à fait crédibles, au regard des performances passées du CAC 40 par exemple, il résultait néanmoins de ce document que les rendements afférents aux trois premières années du placement (soit de 1992 à 1994) n’étaient pas mentionnées.

Or, pour que la performance globale annoncée sur la période globale soit atteinte, il aurait fallu que le placement réalise une performance supérieure à 50 % sur les trois premières années, ce qui n’aurait pas manqué d’être indiqué aux souscripteurs si un tel résultat avait correspondu à la réalité.

Le fait que de telles performances n’aient jamais été mentionnées ne pouvait donc qu’inciter à la prudence et au plus grand scepticisme.

C’est ce que la Cour avait alors sanctionné, au motif qu’il appartenait au Conseil en gestion de patrimoine de vérifier les informations reçues de l’organisme gestionnaire du placement et ensuite répercutées au client souscripteur.

La Cour de Cassation confirme en effet, qu’en toutes matières, le fait de ne pas vérifier l’exactitude de l’information communiquée constitue une faute (Cass. Civ. 2ème, 19/06/1996, D1996, IR p. 187).

Cette solution est sans nul doute transposable à tous les épargnants qui ont souscrit au placement PHOENIX sur la base de graphiques avantageux laissant entrevoir un rendement sur une période donnée, sans toutefois mentionner les rendements supposés au titre des années 1992, 1993 et 1994.

Pour autant, la Cour n’avait accordé qu’une indemnisation limitée au seul capital placé, refusant toute indemnisation des intérêts qui auraient pu être perçus.

De ce fait, les épargnants avaient donc vu leur capital immobilisé inutilement pendant plusieurs années et subir l’érosion monétaire, sans être indemnisés de la perte de chance d’avoir pu placer ce capital sur un autre placement.

Par une nouvelle décision du 19 avril 2011, la Cour d’Appel de Chambéry a confirmé la solution précédemment adoptée, s’agissant du capital placé et perdu, mais a cette fois-ci également indemnisé les épargnants de la perte de chance d’avoir pu placer leur argent sur un autre placement.

La Cour a ainsi relevé que les épargnants "font valoir à juste titre qu’ils auraient pu placer cet argent sur des placements sécurisés, qui leur auraient rapporté au minimum l’intérêt légal" et a donc indemnisé cette perte de chance en faisant courir le taux d’intérêt légal sur les sommes placées, à compter des différentes dates de souscription.

Stéphane ANDREO, Avocat [->www.stephaneandreo.fr]