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La réforme de la fiscalité du patrimoine. Par Nicolas Marguerat, Avocat
Parution : mercredi 18 mai 2011
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Le projet relatif à la fiscalité du patrimoine a été adopté en Conseil des Ministres le 11 mai 2011.

Pendant plusieurs mois, on s’est interrogé sur la suppression concomitante de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (qui concerne environ 550.000 contribuables) et du bouclier fiscal (qui bénéficie à environ 20.000 contribuables).

Depuis, désormais près de deux mois, l’on savait que l’ISF ne serait qu’allégé pour des raisons tant budgétaires qu’électorales puisque sa suppression aurait coûté au budget de l’Etat près de 4 milliards d’euros alors que la suppression du bouclier fiscal n’aurait rapporté que 700 millions d’euros.

Ce toilettage de l’ISF et cette suppression du bouclier fiscal s’accompagnent d’un alourdissement des droits de donation et de succession et de la création d’une « exit tax ».

En effet, les principales mesures qui seront soumises au Parlement courant juin sont au nombre de quatre :
- allègement de l’ISF,
- suppression du bouclier fiscal,
- alourdissement des droits de donation et de succession,
- création d’une «  exit tax ».

1) La réforme de l’ISF

Le seuil de taxation serait porté de 800.000 euros à 1.300.000 euros.

Cette augmentation du seuil d’entrée à l’ISF bénéficierait à environ 300.000 contribuables qui ne seraient donc plus redevables de cet impôt.

Les patrimoines compris entre 1.300.000 et 3.000.000 d’euros seraient taxés au taux de 0,25 % et ceux supérieurs à 3.000.000 d’euros seraient taxés au taux de 0,50 %.

Le taux d’imposition serait un taux proportionnel (et non progressif) frappant l’intégralité du patrimoine dès lors que le seuil est dépassé. Cependant, pour limiter l’effet de seuil, un système de décote serait prévu pour les patrimoines compris entre 1.300.000 et 1.400.000 euros et entre 3.000.000 et 3.200.000 euros.

La suppression de l’ISF pour les patrimoines inférieurs à 1.300.000 euros s’appliquerait dès cette année étant précisé que le délai de déclaration serait repoussé du 15 juin au 30 septembre pour l’année 2011 pour ayant les contribuables un patrimoine supérieur à 1.300.000 euros.

Les autres modifications ne prendraient effet qu’à compter de 2012 et donc les redevables imposables 2011, c’est-à-dire les quelques 250.000 contribuables ayant un patrimoine supérieur à 1.300.000 euros, resteraient imposables selon le barème actuel.


2) Suppression du bouclier fiscal

Le bouclier fiscal serait supprimé à compter de 2012 et certains aménagements seront mis en œuvre pour sa dernière année d’application notamment pour les redevables de l’ISF.

Toutefois, en contrepartie de cette suppression, un mécanisme de plafonnement de la taxe foncière afférente à l’habitation principale serait mis en place à compter de 2012.

En effet, la taxe foncière afférente à l’habitation principale ne pourrait excéder 50 % des revenus disponibles.

3) Donations et successions

Les taux d’imposition des deux dernières tranches des barèmes d’imposition applicables en ligne directe (successions et donations) et entre époux et pacsés (donations seulement, les successions n’étant pas taxées) seraient portés de 35 % à 40 % (de 902.838 à 1.805.677 euros) et de 40 % et 45 % (au-delà de 1.805.677 euros).

Les réductions des droits de donation (de 10 à 50% du montant des droits) applicables en fonction de l’âge du donateur et de la nature de la donation (pleine propriété, usufruit ou nue-propriété) seraient supprimées pour toutes les donations.

Le délai au-delà duquel les donations ne doivent plus être fiscalement rapportées lors d’une nouvelle donation ou lors d’une succession serait porté de six à dix ans.

Ces dispositions seraient applicables à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

4) Création d’une « exit tax  » sur les plus-values latentes

Un dispositif de taxation à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux concernant les plus-values latentes sur droits sociaux serait instauré pour les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France alors qu’ils détiennent des participations significatives dans des sociétés.

L’impôt serait restitué dès lors que le contribuable rapatrie son domicile fiscal en France ou, dans certains cas, lorsque la cession intervient plus de huit ans après le départ à l’étranger, un dispositif de sursis de paiement étant également mis en place sous certaines conditions.

Attention, cette mesure s’appliquerait rétroactivement aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011.

Nicolas MARGUERAT Avocat à la Cour [->nmarguerat.avocat@orange.fr]