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Agressions sexuelles, harcèlement : qui est responsable ? Par Claudia Canini, Avocat
Parution : lundi 30 mai 2011
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Certaines affaires médiatisées conduisent à rappeler les contours et limites des atteintes portées à la dignité de toute personne ainsi qu’à la liberté sexuelle de chacun. Que ces atteintes se déroulent dans un contexte professionnel ou en dehors de l’entreprise, elles caractérisent des troubles à l’ordre public pénalement répréhensibles.

Les infractions sexuelles dans le Code pénal français se différencient à partir du critère de l’absence ou de l’existence d’un consentement à avoir des relations sexuelles, c’est-à-dire en fonction de l’usage ou non de violence, contrainte, menace ou surprise.

I. LE VIOL

Le viol se distingue des autres agressions sexuelles en ce qu’il s’entend de tout acte de pénétration sexuelle imposé à la victime, il s’agit d’un crime.

Le viol est donc une agression sexuelle qui implique la violence, la menace, la contrainte ou la surprise.

Notons que pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, la fellation imposée à la victime constitue un viol (Cass. crim., 12 janv. 2000).

Le viol suppose en outre une intention coupable, c’est-à-dire que l’auteur doit être conscient d’imposer à la victime des rapports sexuels non désirés par elle.

Jugé qu’il n’y a pas de viol lorsque le prévenu a pu considérer que la remise d’un sous-vêtement par la plaignante était une invitation à un rapport sexuel (Cass. crim., 20 oct. 1999).

En vertu de la présomption d’innocence, il incombe au ministère public de prouver l’existence d’une intention coupable.

• Sanctions pénales

Peine du viol simple : le viol simple est puni de 15 ans de réclusion criminelle (C. pén., art. 222-23).

Il existe plusieurs catégories de circonstances aggravantes du viol (C. pén., art. 222-24) :

- tenant à la victime (vulnérabilité),

- à l’auteur (personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions),

- aux circonstances de l’infraction (usage ou menace d’une arme),

- ainsi qu’au résultat de l’acte (mutilation, infirmité permanente..).

Peine du viol aggravé : tous les viols aggravés rendent leurs auteurs justiciables d’une peine de sûreté.

- réclusion criminelle encourue : 20 ans (C. pén., art. 222-24).

- en cas de mort de la victime découlant des faits : 30 ans (C. pén., art. 222-25).

La réclusion criminelle à perpétuité sanctionne le viol précédé, accompagné ou suivi d’actes de torture et de barbarie (C. pén., art. 222-26).

II. LES AGRESSIONS SEXUELLES

Les agressions sexuelles proprement dites se caractérisent comme étant tout acte impudique, directement exercé sur une personne de l’un ou l’autre sexe, sans qu’elle y ait consenti et sans pénétration de sa personne ; il s’agit de délits.

L’agression sexuelle exige également une intention coupable consistant dans la connaissance du fait de commettre un acte immoral ou obscène contre le gré de la victime.

La majorité des agressions sexuelles sont constituées par des attouchements ou des caresses du sexe, des fesses, des cuisses, de la poitrine éventuellement accompagnés de baisers sur le corps ou la bouche (CA Metz, 11 mars 1993. – CA Limoges, 19 janv. 1994. – CA Pau, 4 mai 1994).

• Sanctions pénales

Peine de l’agression sexuelle simple

- commises à l’égard d’une victime ordinaire (C. pén., art. 222-27) : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ;

- commise sur une victime vulnérable (C. pén., art. 222-27) : 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.

Effet des circonstances aggravantes de l’agression sexuelle : remonter les peines d’un degré dans l’échelle des peines correctionnelles.

L’infraction commise sur toute victime devient ainsi punissable de 7 ans et 100 000 € et celle commise sur une victime vulnérable devient un délit punissable de 10 ans et 150 000 €.

En l’absence de contact physique entre l’auteur et la victime, les faits pourraient être qualifiés de harcèlement sexuel.

III. AUTRES VIOLENCES SEXUELLES OU MORALES

• Harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est constitué comme des actes de toute nature, dés qu’ils visent à l’obtention de faveurs de nature sexuelle.

Il n’est pas nécessaire que ces faveurs aient été effectivement obtenues mais la volonté d’atteindre cet objectif doit être caractérisée.

Les manifestations du harcèlement sexuel sont souvent les mêmes : la lourdeur et la grossièreté.

- Les juges ont pu retenir les propos grivois, des attouchements déplacés, les sollicitations graveleuses par téléphone ou par courriers électroniques ou papiers.

- Des cadeaux peuvent également caractériser le harcèlement : le fait d’offrir des sous-vêtements à la victime, par exemple (CA Aix-en-Provence, 5 févr. 2001 ; les juges n’ont relaxé l’employeur dans cette affaire que parce qu’aucun abus d’autorité n’avait pu être caractérisé, ce qui n’est plus exigé aujourd’hui).

- L’impression causée par un uniforme militaire (Cass. crim., 12 juin 2002),

- Les promesses de promotions, de meilleures conditions de travail ou autres avantages en échange de rapports sexuels (Cass. crim., 20 nov. 2002),

- Les menaces de licenciement ou de renvoi, l’affectation à des tâches pénibles ou considérées comme dégradantes dans l’entreprise (Cass. crim., 18 févr. 2004).

Cependant, une simple coloration sexuelle ne suffit pas. Il faut encore un certain degré d’inconvenance.

Les manifestations du harcèlement sexuel ont en commun leur violence et la négation du désir et de la dignité de la victime, ravalée au rang d’objet ; c’est le cas lorsque :

- l’auteur refuse de tenir compte de manifestations de “refus clair et dénué d’ambiguïté” de la victime, et se livre à des gestes et contacts “non désirés par elle” et “contre sa volonté” (Cass. crim., 21 nov. 2007),

- l’employeur qui exerce sur ses salariées une pression quasi quotidienne par ses allusions à connotation sexuelle et ses gestes déplacés pour obtenir des faveurs de nature sexuelle (Cass. crim., 30 sept. 2009).

En l’absence de coloration sexuelle certains agissements peuvent aussi être qualifiés de harcèlement moral.

• Harcèlement moral

L’article 222-33-2 incrimine le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles, notamment, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Exemple : employeur faisant en permanence usage de termes de dénigrement, de hurlements et proclamant ouvertement une prétendue incompétence de certaines salariées.

Il en résulte une crainte et une angoisse permanente chez les salariées aboutissant à un arrêt de travail prescrit par un médecin.

Les juges ont donc considéré que l’employeur a outrepassé les limites de l’exercice de son pouvoir de direction et a compromis l’avenir professionnel des salariées.

• Sanctions pénales communes

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, les sanctions des faits de harcèlement moral et sexuel, prévues à la fois par le Code pénal (C. pén., art. 222-33 et 222-33-2) et par le Code du travail (C. trav., art. L. 1155-2) sont désormais harmonisées :

- le montant de l’amende prévue par l’article L. 1155-2 du Code du travail est porté à 15 000 €,

- la peine d’emprisonnement est fixée à un an,

- la possibilité d’ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage ou la diffusion du jugement condamnant la personne pour des faits de harcèlement est insérée dans le Code pénal (C. pén., art. 222-50-1 nouveau).

IV. ACTES COMMIS DANS LE MILIEU PROFESSIONNEL

Bien qu’en droit pénal les incriminations dépassent le contexte professionnel, le harcèlement moral ou sexuel existe fréquemment dans l’enceinte de l’entreprise.

Ces infractions pénales peuvent concerner directement l’employeur et/ou la hiérarchie mise en place par ses soins dans l’organisation du travail.

Il s’ensuit de graves répercussions sur la santé des salariés victimes de tels actes.

Désemparées, les victimes ne savent pas comment réagir.

Doivent-elles porter plainte auprès du procureur de la République et/ou saisir le conseil de prud’hommes ?

Quelles sont les incidences sur la poursuite du contrat de travail ?

Sur le plan de la responsabilité civile, il pèse sur chaque employeur une obligation de santé – résultat à l’égard de tous les salariés de l’entreprise.

Dés lors qu’il pourrait être constaté que la santé physique et/ou mentale des salariés est altérée à l’occasion du travail, l’employeur serait présumé responsable.

Pour les tribunaux, l’employeur est obligatoirement fautif lorsque le résultat (le bien être du salarié) n’est pas atteint.

Des moyens existent pour lutter contre ces actes nuisibles à la santé des salariés ainsi qu’au bon fonctionnement des entreprises.

Voir : Interview dans Le nouvel Observateur du 26 mai au 1er juin 2011 ("HOMMES-FEMMES : CE QUE CHANGE L’AFFAIRE DSK ?")

Claudia Canini Avocat au Barreau de Toulouse Droit des majeurs protégés www.canini-avocat.com