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Contrefacon de marque – usage dans la vie des affaires. Par Patricia Cousin, Avocat
Parution : mercredi 6 juillet 2011
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L’utilisation hors la vie des affaires, d’une marque sans l’accord du titulaire, est-elle constitutive du délit de contrefaçon ? Telle est la question qui s’est posée à la Cour de Cassation le 10 mai 2011.

Dans cet arrêt la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation confirme l’interprétation de l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose :

« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires ceux désignés dans l’enregistrement ;
b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
 »

Ce texte étant analysé à la lumière de l’article 5-1 de la directive du Conseil 2008/95 du 22 octobre 2008 qui prévoit :

« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son
consentement, de faire usage dans la vie des affaires :

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ;

b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ;

c) de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. »

Le litige opposait deux fédérations syndicales du secteur notarial utilisant pour leurs publications, des marques nominales très rapprochées(La Basoche/La Bastoche) de sorte que le premier déposant avait formé une action en contrefaçon. Il a été débouté par la Cour d’Appel de Paris,le 12 mars 2010, par application de l’article 5-1 de la directive du Conseil 2008/95 du 22 octobre 2008, qui prévoit que le délit de contrefaçon est constitué quand l’usage de la marque sans consentement du titulaire est fait dans la vie des affaires. Tel n’est pas le cas en l’espèce, la lettre d’information publiée par le défendeur sous la marque La Bastoche ayant comme objet l’information sur les conditions de travail. La Cour d’Appel vient préciser la notion d’usage dans la vie des affaires comme étant celui qui tend à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique, définition ni prévue par le texte européen ni développée par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

L’arrêt de la Cour de Cassation, publié au bulletin, manifeste d’une part un intérêt dans la mesure où la jurisprudence antérieure ne retenait pas systématiquement l’usage de la marque dans la vie des affaires comme une condition nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon (CA Paris, 19 avril 2003, Dalloz 2000, act. Juris p 303 p.13) et d’autre part en ce qu’elle a consacré la définition de l’usage dans la vie des affaires ainsi qu’elle a été donnée par la Cour d’Appel de Paris.

Sources :
Cour d’Appel de Paris, 12 mars 2010
Cass. Com. 10 mai 2011, N° 10-18173

Patricia Cousin CABINET COUSIN Avocats au Barreau de Paris [->avocat.cousin@orange.fr]