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Contestation du licenciement : connaissez-vous vos moyens de preuve ? Par Judith Bouhana, Avocat
Parution : mercredi 14 septembre 2011
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SMS, courriel, document confidentiel à l’entreprise…
La preuve en justice se diversifie au gré des évolutions technologiques.
Tous les moyens de preuve se valent-ils ?
Toutes les preuves sont-elles acceptées par les tribunaux ?

Les juges du fond (conseil de prud’hommes et cour d’appel) sont souverains pour apprécier la valeur des preuves qui leur sont soumises dans les procédures judiciaires, sous la surveillance de la Cour de cassation qui est venue récemment renforcer les droits des salariés (voir ci-dessous : les documents internes à l’entreprise).

Il s’agit ici de dresser un panorama des principaux moyens de preuve du salarié :

L’attestation

Elle doit respecter les dispositions de l’article 202 du Code de procédure civile :
« L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.
Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.
Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.
L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature ».

Les juges du fond sont souverains pour apprécier la validité d’une attestation non conforme aux conditions prescrites par l’article 202 du CPC.

Les SMS

Depuis un arrêt du 23 mai 2007 n°06-43209 la chambre sociale de la Cour de cassation a admis ce moyen de preuve considérant que l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil recevant les SMS.

La Cour consacre ici sa jurisprudence sur l’enregistrement des conversations téléphoniques selon laquelle seule une conversation téléphonique enregistrée avec le consentement de ses participants est recevable comme moyen de preuve en justice (arrêt du 7 octobre 2004 n°03-12653).

Les courriels

Les juges considèrent que seuls les courriers électroniques dont il est établi qu’ils ont été réceptionnés par le destinataire constituent des preuves recevables. les juges considèrent à juste titre que le courriel peut avoir été crée de toutes pièces par celui qui l’invoque (arrêt du 22 mars 2011 n° : 09-43307) :

« Mais attendu que pour rejeter des débats les courriels électroniques prétendument adressés par M. Y..., supérieur hiérarchique de M. X... à divers salariés de l’entreprise, la cour d’appel ne retient pas seulement que l’intéressé ne justifie pas des conditions dans lesquelles il les avait obtenus, mais aussi que ces documents n’apparaissent pas dans la " boîte mail de M. Y... " et qu’il est possible de " modifier un mail existant ou de créer de toutes pièces un mail anti-daté " ; qu’ayant ainsi, dans son pouvoir souverain d’appréciation de la portée des pièces qui lui étaient soumises, estimé que ces courriels dont l’authenticité n’était pas avérée, n’étaient pas probants, la cour d’appel a, par ce seul motif dépourvu de caractère hypothétique, statué à bon droit ».

En pratique, les courriels sont rarement écartés par les juges du fond sans contestation étayée de la partie adverse.

Les documents internes à l’entreprise

La règle désormais établie par les juges est la suivante :
Les droits de la défense priment sur la confidentialité voir le secret professionnel revendiqués par l’employeur sur les documents produits par le salarié en justice à la double condition :

- d’une part que les documents produits par le salarié soient strictement communiqués pour les besoins de sa défense et qu’ils soient indispensables à la défense de ses intérêts dans la procédure engagée ;
- d’autre part que le salarié en ait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Lorsque le salarié produit des documents confidentiels c’est à l’employeur de démontrer que ces deux conditions ne sont pas réunies (Cour de cassation arrêt du 19 juin 2008 n°07-40939).

La Cour de cassation admet même dans ces conditions :
- la sortie des documents de l’entreprise par exemple par la messagerie personnelle du salarié et ce même avant son licenciement (arrêt du 11 mai 2004 n°03-80254) ;
- et la communication de ces documents à un tiers sans autre utilisation que la défense des droits du salarié ( arrêt précité du 19 juin 2008).

Preuve par enquête du bureau de conciliation

Peu utilisé mais s’avérant souvent très efficace pour celui qui l’invoque, le pouvoir d’instruction des juges prud’homaux prévu par les articles R 1454-14 et R 1454-15 du Code du travail.

Le bureau de conciliation peut ordonner d’office ou à la demande d’une partie une mesure d’enquête ou de conservation de preuve.
En pratique et sauf saisine d’office, il s’agira de convaincre les juges de la nécessité d’ordonner une mesure d’instruction (déplacement du conseil dans l’entreprise, questions posées aux témoins, dirigeants, salariés…).

Judith Bouhana Avocat spécialiste en droit du travail www.bouhana-avocats.com