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L’exercice des droits sociaux indivis. Par Guillaume Fort
Parution : lundi 26 septembre 2011
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Un indivisaire est-il un actionnaire comme un autre ? La question est récurrente en pratique et mérite d’être approfondie dans les lignes qui vont suivre. En cas d’indivision des droits sociaux, à la suite d’une succession, de la dissolution d’un régime de communauté, de la conclusion d’un PACS ou encore de l’acquisition conjointe de droits sociaux, chacun des indivisaires a la qualité d’associé. La situation de l’indivisaire-associé diffère cependant de celle de celle des titulaires privatifs de droits sociaux, avec d’importantes limites aux prérogatives d’associé, notamment lors des assemblées. Dès lors, il convient de distinguer dans la panoplie des prérogatives attachées à la qualité d’associé, celles qui relèvent des indivisaires pris isolément et celles qui ne peuvent être exercées qu’avec l’accord de tous.

Un indivisaire est-il un actionnaire comme un autre ? La question est récurrente en pratique et mérite d’être approfondie dans les lignes qui vont suivre.

Au préalable, il convient de rappeler que l’indivision se définit comme la coexistence de droits réels identiques sur une même chose ou sur un même ensemble de choses. Elle se démarque fondamentalement des démembrements de propriété puisqu’elle implique une concurrence de droits identiques et non pas une complémentarité. L’actionnaire, quant à lui, est le propriétaire d’une fraction d’une entreprise ayant un statut de société commerciale. Tout actionnaire a le droit de participer aux assemblées générales, les statuts ne pouvant déroger à cette règle. Il s’agit d’un droit essentiel, protégé pénalement.

En cas d’indivision des droits sociaux, à la suite d’une succession, de la dissolution d’un régime de communauté, de la conclusion d’un PACS ou encore de l’acquisition conjointe de droits sociaux, chacun des indivisaires a la qualité d’associé.

La situation de l’indivisaire-associé diffère cependant de celle de celle des titulaires privatifs de droits sociaux, avec d’importantes limites aux prérogatives d’associé, notamment lors des assemblées.

Dès lors, il convient de distinguer dans la panoplie des prérogatives attachées à la qualité d’associé, celles qui relèvent des indivisaires pris isolément et celles qui ne peuvent être exercées qu’avec l’accord de tous.

I. Les prérogatives individuelles des indivisaires-associés

Le droit d’être convoqué aux assemblées est retenu à chaque indivisaire pris individuellement. Pour cela, il est nécessaire que le droit de l’indivisaire soit constaté depuis un mois au moins à la date de l’avis de convocation par une inscription nominative dans les comptes de titres tenus par la société.

De plus, tout indivisaire a le droit d’être individuellement informé de la tenue des assemblées générales, de l’ordre du jour et des projets de résolutions. Il a en outre la possibilité de consulter les comptes sociaux.

Un défaut d’information à ce sujet lui ouvre une action en réparation du préjudice subi personnellement.

Cependant, les prérogatives individuelles des indivisaires-associés demeurent plutôt réduites, comparées à qu’ils peuvent exercer collectivement.

II. Les prérogatives collectives des indivisaires-associés

Elles intéressent principalement le droit de vote et son application.

L’indivision s’exerçant sur une même action et donc sur un même droit de vote, comment la loi concilie-t-elle la pluralité propre à l’indivision avec l’unicité applicable à l’exercice du droit de vote ?

Dans cette situation, le législateur a prévu une règle simple.

Le droit de vote attaché à l’action étant indivisible, les indivisaires sont tenus, s’ils veulent participer aux votes, de se faire représenter aux assemblées par un mandataire unique. Ce dernier peut être l’un d’entre eux, un actionnaire ou un tiers.

Une petite subtilité doit être relevée au regard de la nature des décisions adoptées lors des assemblées. En effet, si le vote porte sur un acte d’administration (c’est-à-dire un acte qui relève de l’exploitation normale des biens indivis) le mandataire devra recueillir la majorité des deux tiers des voix des indivisaires. En revanche, les actes de disposition (qui permettent de céder ou d’aliéner le bien, telle que la réduction du capital, la fusion ou la dissolution de la société) requièrent l’unanimité des indivisaires afin de désigner un mandataire spécial.

A noter que si un désaccord survient concernant la désignation du représentant, celui-ci est nommé par décision de justice à la demande du copropriétaire le plus diligent. La demande est portée devant le président du tribunal qui statue sous la forme de référé.

Le désaccord peut porter sur le sens du vote que le mandataire devra émettre au nom des indivisaires. La loi n’a rien prévu à cet égard, mais il semble que le juge des référés, saisi de la question par les indivisaires, pourra en tenant compte des intérêts de la société et de celles des indivisaires donner des directives au mandataire soit pour voter dans un sens déterminé, soit pour s’abstenir.

Si l’un des indivisaires s’oppose aux décisions du mandataire de justice, il pourra toujours demander à sortir de l’indivision. Dans ce cas, on procédera à la détermination de la valeur des droits indivis et au remboursement de la quote-part individuelle de celui qui souhaite se retirer. Par ailleurs, l’indivisaire peut toujours demander le partage, ce qui provoquera la fin de l’indivision.

Enfin, précisions qu’un mandat tacite de représentation peut être admis dès lors que l’un des indivisaires agit pour le compte des autres et sans opposition de leur part. Toutefois, ce mandat ne couvre que les actes d’administration et non les actes de disposition[1].

Nota Bene : [1] Un vote sur la dissolution de la société, sur la prorogation de sa durée, sur la liquidation des actions indivises ou le changement de leur destination tel que la fusion, la scission ou un apport de titres, ou un une augmentation des engagements des indivisaires, ne relève pas du mandat tacite.

Par Guillaume Fort www.jurispilote.fr