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Droit du travail anglais. Par Alain-Christian Monkam, Avocat
Parution : lundi 17 octobre 2011
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Vue d’ensemble :

Le droit du travail anglais est considéré par les entreprises françaises comme souple, flexible et à l’écoute des réalités économiques. En revanche, les salariés français observent avec crainte le droit du travail anglais, perçu comme au service du capitalisme sauvage.

Ces deux visions, bien qu’opposées, correspondent à une certaine réalité, au regard des principales caractéristiques du droit du travail anglais.

1. Des textes récents et peu nombreux :

Il n’existe pas de code du travail anglais ; cela correspond à la tradition juridique anglaise selon laquelle un code de lois symbolise une rigidité inefficace alors que le droit est censé s’adapter aux éléments factuels de chaque cas d’espèce.

Afin de faciliter le travail des juristes, des éditeurs privés (en particulier Blackstone) ont tout de même rassemblé les textes de droit du travail anglais sur 500 pages (à comparer avec les 3.000 pages du code du travail français).

Outre la transcription de directives européennes, nombreux de ces textes résultent des mesures sociales prises par les gouvernements Blair/Brown (1997-2010) : salaire minimum, protection des femmes enceintes, protection du droit de grève, information et consultation dans les entreprises, non-discrimination des travailleurs intérimaires, à temps partiels, CDD etc…

Il convient également d’observer que les textes de droit du travail anglais font une place importante à la lutte contre les discriminations : sexe, race, orientation sexuelle, religion, handicap, âge. Ces textes reçoivent une abondante application pratique, les discriminations étant très sévèrement sanctionnées par les juridictions anglaises (contrairement au droit du travail français).

2. Suprématie de la jurisprudence :

La jurisprudence joue un rôle primordial en droit anglais en général, et en droit du travail anglais en particulier. Il est rappelé qu’en vertu du principe du « precedent » hérité de la Common Law, les juridictions sont liées par les décisions rendues par les juridictions supérieures, étant observé que la procédure prud’homale anglaise est caractérisée par 4 degrés de juridictions : Employment Tribunal, Employment Appeal Tribunal, Court of Appeal, Supreme Court.

Il en résulte une très grande souplesse du droit du travail anglais qui est rendu en fonction des particularités de chaque cas d’espèce. Il en résulte aussi une incertitude et un aléa car la décision du juge varie d’un cas d’espèce à l’autre.

3. Rôle prépondérant de la « soft law » :

Un organisme public, ACAS, édite des guides de bonnes conduites qui couvrent des domaines variés du droit du travail anglais tels que : l’exécution des contrats de travail, l’hygiène et la sécurité, la vie en entreprise, la procédure disciplinaire, la procédure de licenciement, les absences des salariés, l’égalité et les discriminations, les licenciements économiques. Bien que ces guides n’aient pas force de texte de loi, les juges tiennent largement compte de leurs prescriptions dans le cadre des contentieux.

4. Une place modeste des relations collectives de travail :

Depuis la fin du XIXè siècle, le droit du travail anglais démontre une grande méfiance à l’égard des syndicats, lesquels sont jugés comme perturbateurs et nuisibles à la prospérité économique.

C’est ainsi que théoriquement, il n’existe pas de droit de grève en Grande-Bretagne, mais plutôt une immunité de la responsabilité civile des syndicats organisateurs d’une action collective. De même, les conventions collectives n’ont pas de force obligatoire dans les relations entre l’employeur et le salarié (même si la jurisprudence incorpore au contrat de travail les clauses dites « aptes » d’une convention collective).

Il est également à noter que les délégués du personnel et les comités d’entreprise n’existent pas en Angleterre. Sous l’impulsion de l’Union Européenne, un récent décret gouvernemental de 2004 oblige cependant les entreprises de 50 salariés et plus à mettre en place des « mécanismes » d’information et de consultation des salariés (notamment en matière de marche générale de l’entreprise, gestion prévisionnelle de l’emploi, transfert d’entreprise ou de licenciements économiques). Les syndicats exercent traditionnelle le rôle informatif et consultatif en entreprise.

En conclusion, le droit du travail anglais offre la qualité première de souplesse et flexibilité. Mais, il serait erroné de croire que les droits des salariés sont passés par perte et profit, comme nous le verrons dans des articles ultérieurs.

Alain-Christian Monkam Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris https://monkam.uk/