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Les enfants de SDF sont-ils condamnés à ne pouvoir être scolarisés ? Par Patricia Cousin, Avocat et Anamaria Cepraga, Etudiante
Parution : vendredi 28 octobre 2011
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La France, pays des Droits de l’Homme, peut-elle accueillir des enfants et, par ailleurs, refuser de les scolariser et de les soigner violant ainsi :

-  la Convention Internationale des droits de l’Enfant qu’elle a ratifiée ;
-  le principe de scolarité obligatoire ?

Ce texte est un cri d’alarme à l’indifférence générale qui gagne à l’encontre des personnes les plus démunies.

Avec l’extension de l’Union Européenne et le droit à la libre circulation à l’intérieur de l’UE, de nombreuses personnes à la recherche de conditions d’une vie meilleure ont rejoint la France en ayant une vision idyllique de notre pays. Mais la France est un pays qui n’est pas à l’abri de problèmes économiques et sociaux et ceux-ci ne mettent personne à l’abri du chômage, de la précarité et de la pauvreté. C’est la raison pour laquelle la plupart des arrivants deviennent des SDF et peuvent se retrouver contraints à la mendicité.

C’est notamment le cas de cette communauté de Roms de Roumanie, dont nous avons choisie d’évoquer la situation. Elle s’est récemment installée sur un terrain de la commune de Stains dans des conditions de précarité extrêmes, sans eau ni électricité : c’est un véritable bidonville.

Comment sommes nous arrivés à nous intéresser à ces personnes ? C’est Patricia Cousin qui, à titre individuel et de manière isolée et perlée, assiste depuis plus de cinq ans un membre de cette communauté et qui nous a alertés à la suite de sa découverte progressive de la gravité de la situation sanitaire.

C’est ainsi que dimanche 22 octobre 2011, nous sommes allés sur le terrain afin de rencontrer ces personnes et de prendre la mesure de leurs besoins : visite insolite qui s’est révélée être une véritable descente aux enfers. Les photos jointes parlent d’elles-mêmes. Une centaine d’hommes et de femmes vivent avec leurs enfants dans des conditions qui dépassent largement les limites de la dignité.

Le plus choquant : 40 enfants, entre 6 mois et 16 ans, non vaccinés, vivant dans un milieu malsain, se retrouvent condamnés à vivre le même sort que leur parents, contraints à mendier et confrontés à l’impossibilité d’intégrer la société française et à devenir des citoyens autonomes dignes de ce nom.

Après examen de la situation, il apparaît que l’inscription de ces enfants dans les écoles de la République est rendue difficile, sinon impossible, pour des raisons administratives plus ou moins claires. Concrètement, un enfant dont les parents sont SDF ne peut pas être inscrit dans une école. Il lui faut disposer d’une adresse. Et pour obtenir légalement une adresse, il est nécessaire de faire appel à des associations de domiciliation qui sont débordées et contraintes de refuser ces inscriptions sous prétexte qu’elles ne disposent d’aucune place. On est ainsi face à un blocage qui a pour effet de refuser à un enfant le droit à l’éducation, droit prévu explicitement au point 1 de l’article 28 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, dite Convention de New York, ratifiée par la France le 2 septembre 1990.
De fait, les autorités administratives françaises se retrouvent en situation de viol d’une Convention qu’elles s’étaient pourtant engagées à respecter, en entravant, de fait, le droit à la scolarisation par la simple imposition de conditions administratives draconiennes (notamment le fait de disposer d’une adresse légale en France).

Il faut donc rappeler ce droit fondamental qui est le droit à l’éducation et aux soins à ces enfants et agir de telle manière qu’il soit appliqué.

Patricia Cousin, Avocat de la Cour d'appel de Paris Anamaria Cepraga, étudiante en Master 2 Sociologie du droit à Panthéon-Assas (Membres du collectif)