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La trêve hivernale des expulsions : comment ça marche ? Par Laurent Gourlay, Juriste
Parution : jeudi 3 novembre 2011
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Chaque année, l’arrivée de l’hiver marque le début de la trêve hivernale. Celle-ci commence le 1er novembre d’une année et se termine le 15 mars de l’année suivante. Elle interdit, sous peine de sanctions, les expulsions de locataires défaillants et autres occupants illégitimes de locaux d’habitation. Certaines exceptions sont cependant prévues par la loi.

Portée de la trêve hivernale

La trêve hivernale est prévue à l’article L613-3 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).
Elle vise aussi bien les locaux d’habitation que les locaux loués dans le cadre d’un bail mixte (habitation + local professionnel ou commercial).
Elle s’applique aussi aux logements de fonction, et de manière plus générale aux logements fournis dans le cadre d’un contrat de travail.
Elle concerne également les locations meublées à titre d’habitation principale autre que celle situées dans les hôtels de tourisme homologués (article L613-5 du CCH).
Elle signifie que tout jugement ordonnant l’expulsion d’un locataire, devenu définitif, ne peut être exécuté de force pendant cette période de grâce, sachant qu’un jugement ne devient définitif que lorsque les délais d’appel sont expirés.
La trêve hivernale s’applique même si le juge a ordonné des délais pour exécuter l’expulsion et que ces délais ont expiré.
En revanche, elle n’interdit pas aux propriétaires de demander et d’obtenir un jugement d’expulsion, ni même de signifier au locataire le commandement de quitter les lieux. En effet, seules les mesures d’exécution « physique » de l’expulsion sont suspendues.

Sanctions en cas de violation de la trêve hivernale

Le non-respect de la trêve hivernale constitue un délit, même si les occupants ont fait l’objet d’une procédure d’expulsion. Ce délit est sanctionné différemment pour les propriétaires et pour les huissiers de justice et les agents de la force publique ayant participé à l’expulsion. Ces sanctions peuvent être complétées par la condamnation des fautifs à des dommages et intérêts.

- Les propriétaires
Les propriétaires qui ne respectent pas la trêve hivernale risquent jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende (article 226-4 du Code pénal).

- Les huissiers de justice et les forces publiques
L’article 432 du Code pénal punit d’une peine maximale de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende les personnes qui s’introduisent ou tentent de s’introduire dans le domicile d’une personne contre son gré.
Les personnes concernées par ces sanctions sont les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ou de leur mission. Il s’agit essentiellement des huissiers de justice qui, pendant la trêve hivernale, participeraient à l’expulsion, et des forces de l’ordre qui les assisteraient.

Exceptions à la trêve hivernale

Certaines situations exceptionnelles excluent l’application de la trêve hivernale. Ces exceptions sont prévues par la loi ou ont été instaurées par les décisions des tribunaux.

- Les occupants relogés
La première cause justifiant la non-application de la trêve hivernale est celle où les personnes intéressées ont été relogées dans des conditions respectant suffisamment l’unité et les besoins de la famille (article L613-3 1er alinéa du CCH).
C’est le juge des référés du tribunal d’instance qui est compétent pour apprécier si le relogement répond ou non aux conditions exigées.

- Les squatters
La trêve hivernale ne s’applique pas lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait (article L613-3 2ème alinéa du CCH).
Cela vise les squatters et, d’une manière générale, toutes les personnes qui sont entrées dans les lieux sans l’accord du propriétaire et sans être titulaire d’un bail.

- Les immeubles dangereux
Sont aussi exclus les occupants de locaux situés dans un immeuble représentant un danger pour les occupants ou les passants pour lequel un arrêté de péril a été pris par la mairie (article L613-3 2ème alinéa du CCH).

- Les résidences universitaires
Les occupants de résidences étudiantes peuvent être expulsés pendant la trêve hivernale lorsque le motif de l’expulsion est qu’ils ne répondent plus aux critères qui ont justifié l’attribution du logement (article L613-4 du CCH).
Cela sera le cas par exemple si le locataire a terminé ses études.

- Les logements inoccupés
La trêve hivernale ne s’applique pas en cas d’inoccupation prolongée des locaux (Cour de cassation 3ème chambre civile, 20 novembre 1991 N° 90-12491).
C’est bien évidemment le cas lorsqu’il s’agit des locaux abandonnés par leurs occupants.

- Les conjoints
La trêve hivernale ne concernant que les relations propriétaires bailleurs / locataires, les expulsions du domicile conjugal prononcées dans le cadre des relations entre époux n’en bénéficient pas.
C’est ainsi que l’expulsion d’un époux violent prévue à l’article 220-1 du Code civil peut être exécutée pendant la trêve hivernale.
C’est aussi le cas des expulsions prononcées dans le cadre d’une procédure de divorce.

Laurent Gourlay Directeur éditorial adjoint de Droitissimo.com, ancien avocat au barreau de Paris, ancien conseil juridique, ancien inspecteur des impôts [->http://www.droitissimo.com]