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Une nouvelle condamnation dans l’affaire du placement PHOENIX. Par Stéphane Andreo, Avocat
Parution : vendredi 13 janvier 2012
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Le Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY, par un jugement du 9 janvier 2012, a condamné le conseil en gestion de patrimoine et son assureur de responsabilité civile à indemniser des épargnants lésés par le placement PHOENIX, du fait d’un manquement au devoir de conseil et d’information ayant concouru au préjudice subi.

Le placement PHOENIX a défrayé la chronique juridique et financière depuis le 11 mars 2005, date à laquelle la société PHOENIX Kapitaldienst GmbH s’est vue interdire par l’Office fédéral allemand de surveillance des prestataires de services financiers (BaFin), de poursuivre son activité commerciale.

Les derniers relevés de compte reçus par les épargnants ayant souscrit à ce placement date d’ailleurs du mois de février 2005.

Depuis lors, et malgré des déclarations de perte auprès du fond allemand EdW, les épargnants concernés n’ont pas nécessairement été indemnisés, dans la mesure où la garantie offerte par cet organisme est en toutes hypothèses limitée à 20.000 euros et que seules les sommes réellement placées sont susceptibles d’être prises en considération pour le calcul d’une indemnisation, ce qui n’a pas toujours été le cas, l’argent des uns ayant manifestement servi à satisfaire les demandes de remboursement des autres.

Plusieurs décisions sont toutefois intervenues en France pour sanctionner les intermédiaires en prestations de services financiers, du fait de manquements au devoir de conseil et d’information.

Par un jugement du 9 janvier 2012, le Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY a rendu une nouvelle décision dans l’affaire du placement PHOENIX et a condamné solidairement le conseil en gestion et son assureur à indemniser les épargnants lésés.

Le Tribunal a notamment relevé que l’intermédiaire en gestion de patrimoine s’était contenté de répercuter à ses clients les documents d’information qui lui étaient envoyés depuis l’Allemagne, sans toutefois en vérifier la pertinence, en jugeant que celui-ci :

"... s’est contenté de prendre pour argent comptant "la propagande" de PHOENIX Kapitaldienst GmbH. Elle l’a fait suivre à ses mandants, sans procéder à quelque vérification que ce soit sur le sérieux du placement proposé et sur les risques encourus par ses clients. En sa qualité de professionnelle des investissements financiers, elle ne pouvait manquer de s’interroger sur des rendements supposés de 50 % l’an, comme avant 1995, si l’on se réfère aux chiffres figurant sur la brochure présentée. Son interrogation aurait dû être d’autant plus grande, que ces taux "pharamineux" n’apparaissaient pas sur les graphiques de la même brochure."

Le Tribunal ajoute que si l’intermédiaire en gestion de patrimoine "avait rempli sa mission conformément à ses obligations, elle aurait constaté que ces résultats ne peuvent s’expliquer, au regard de celui des placements traditionnels, au pire par des opérations malhonnêtes et au mieux par des placements hautement spéculatifs, donc à hauts risques".

S’agissant du préjudice subi, le Tribunal a considéré, ainsi que cela lui était demandé, que la perte du capital constituait une perte certaine et avérée sur laquelle la notion de perte de chance ne pouvait être appliquée, compte tenu de la nature particulièrement douteuse du placement :

"... si une information véritable sur les risques encourus et des conseils avisés avaient été donnés, les époux x... n’auraient pas engagé la somme de z... euros. Ainsi, la perte de ce capital est liée aux escroqueries de PHOENIX Kapitaldienst GmbH, mais aussi à l’intervention de la société y... qui ne s’est pas interrogée sur le sérieux des propositions de cette société. Dans ces conditions, le préjudice supporté par les époux x... comprend bien la somme de z... euros, qui constituait le capital initial."

S’agissant de l’immobilisation improductive des fonds ainsi placés pendant plusieurs années, le Tribunal a alors appliqué la notion de perte de chance en jugeant que :

"Concernant les intérêts, il est constant que si les époux x... ont, sur recommandation de la société y..., placé leur capital dans le cadre de l’opération PHOENIX c’était dans le but de le faire fructifier.... Ils ont dès lors perdu une chance de pouvoir profiter d’une plus-value sur leur capital. Cette perte de chance sera réparée par des dommages et intérêts équivalents au taux d’intérêt légal, inférieur à tout placement sécuritaire qu’ils auraient pu choisir, ce qui correspond au principe d’indemnisation d’une perte de chance"

Stéphane ANDREO, Avocat www.stephaneandreo.fr