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Rupture de période d’essai : formalisme allégé mais délai de prévenance exigé. Par Isabelle Kuok et Jean de Bazelaire, Avocats
Parution : vendredi 13 janvier 2012
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La période d’essai est définie comme une période durant laquelle l’employeur et le salarié vont s’apprécier et se juger mutuellement. Elle permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. En réalité, il s’agit davantage d’une période où le salarié verra son anxiété accroître jusqu’à l’expiration de l’essai.

La rupture de l’essai n’a pas à être motivée, l’employeur n’a donc pas besoin de se justifier. En revanche, l’article L.1221-25 du code du travail impose de respecter un délai de prévenance variable selon le temps de présence du salarié dans l’entreprise.

Toutefois, à une époque où la prudence est de règle au point que tout écrit doit être conservé, la rupture de la période d’essai nécessite -t- elle également un formalisme ?

Dans un jugement rendu le 24 novembre 2011, le Conseil de Prud’hommes de Rouen répond par la négative.
Les faits de l’espèce sont les suivants : un salarié est embauché en qualité de manager le 05 janvier 2011. Son contrat de travail comporte une période d’essai de 3 mois, jusqu’au 04 avril 2011.
Les mois passent, jusqu’au jour où l’employeur annonce la rupture de la période d’essai.
Cela s’est passé le 08 mars 2011, le salarié est reçu par son employeur qui lui annonce que sa période d’essai est rompue et lui demande de quitter la société. Le lendemain, la société envoyait également un courrier avec AR en confirmant la rupture de l’essai et en mentionnant que le contrat de travail prendrait fin à l’issue du délai de prévenance de 15 jours, période durant laquelle il serait dispensé d’activité mais rémunéré.
Toutefois, le salarié a changé d’adresse et ne reçoit ce courrier que tardivement.
Etonné, il envoie de longues missives à son employeur et reçoit un courrier de réponse le 24 mars 2011 dans lequel est annexé celui du 9 mars.

Estimant que la rupture de sa période d’essai est abusive, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de Rouen en mettant en avant plusieurs éléments :

Tout d’abord, il soutenait que le 08 mars 2011 son employeur lui a demandé de quitter la société immédiatement sans respecter le délai de prévenance légal.

Ensuite, il affirmait n’avoir jamais reçu le courrier du 9 mars 2011 puisqu’il a été envoyé à son ancienne adresse, de sorte que sa rupture de période d’essai était abusive et réclamait des dommages et intérêts.
Dans ses écritures, la société a expliqué qu’elle avait mis fin à la période d’essai du salarié, d’abord oralement, le 08 mars 2011, puis par écrit le 09 mars 2011.

Le courrier du 9 mars qui a été envoyé à l’adresse indiquée par le salarié le jour de son embauche, n’était qu’une confirmation de ce qu’il savait déjà et qu’il reconnaissait, à savoir, la rupture de sa période d’essai.
La société soulignait également que l’essai étant rompu, le délai de prévenance légal s’appliquait automatiquement à compter de l’entretien du 8 mars de sorte qu’il n’était donc pas nécessaire de lui rappeler qu’un délai de prévenance de 15 jours commençait à courir.

Par conséquent, même si, par courrier du 09 mars la société avait confirmé au salarié que la période d’essai était rompue et que le contrat se terminerait à l’issue du délai de prévenance de 15 jours, ce courrier n’était pas nécessaire puisqu’il avait été informé de la rupture de sa période d’essai.
Enfin, la société faisait remarquer au salarié qu’il avait été rémunéré jusqu’à l’issue de son délai de prévenance, de sorte qu’il n’avait subi aucun préjudice.

Par jugement du 24 novembre 2011, le Conseil de Prud’hommes de Rouen s’est rallié à l’argumentation de la société et a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes.

Pour cela, le jugement prud’homal rappelle que l’article L.1221-25 du code du travail fixe un délai de prévenance que l’employeur doit respecter s’il souhaite mettre fin à la période d’essai. Ce délai est fixé en fonction du délai de présence. Il précise également que l’article L.1221-25 du code du travail impose que le salarié soit prévenu mais pas forcément par écrit.
En l’espèce, les conseillers prud’homaux ont considéré que la société avait prévenu oralement le salarié de la fin de sa période d’essai le 08 mars 2011 et que le courrier du 09 mars 2011 n’était qu’une confirmation. Par ailleurs, ils ont également relevé que la société avait bien respecté le délai de prévenance légal et que le salarié avait été dispensé d’activité et rémunéré. Par conséquent, ils ont jugé que la société avait bien respecté la procédure pour mettre fin à l’essai du salarié.

Ce jugement du Conseil de Prud’hommes de Rouen rappelle que l’employeur doit informer le salarié de la fin du contrat de travail pendant l’essai mais qu’en revanche, il n’est pas tenu de formaliser par écrit cette rupture de la période d’essai. Une information orale est suffisante dès lors que l’employeur est en mesure d’en rapporter la preuve.

Jugement du Conseil de Prud’hommes de Rouen du 24 novembre 2011 RG n°F11/00590

Par Isabelle Kuok et Jean de Bazelaire, Avocats COSTER BAZELAIRE ASSOCIES contact@avocats-cba.com