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Violation de la loi Evin et tabagisme passif : responsabilité de la collectivité ? Par Luc Brunet
Parution : mercredi 18 janvier 2012
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Même si l’origine professionnelle d’un cancer ne peut être établie avec certitude, l’agent peut rechercher la responsabilité de l’administration pour ne pas avoir fait respecter l’interdiction de fumer sur le lieu de travail. En effet la collectivité a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de ses agents.

Bien que non fumeur, un agent d’un conseil général développe un cancer du poumon. Il en déduit que sa pathologie est le résultat du tabagisme passif auquel il a été exposé durant ses années de service.

De fait, plusieurs avis médicaux relèvent une forte probabilité d’un lien de causalité entre sa maladie et une surexposition à la fumée du tabac de longue durée. Il demande en conséquence que sa pathologie soit reconnue comme maladie professionnelle.

Cancer non reconnu comme maladie professionnelle

Les juridictions administratives le déboutent sur ce point. En effet l’affection cancéreuse dont il souffre n’est pas au nombre des maladies désignées dans un des tableaux de maladies professionnelles [1].

Ainsi cette pathologie ne pouvait être reconnue comme d’origine professionnelle que s’il était établi qu’elle avait été essentiellement et directement causée par le travail habituel de l’agent au sein des services du département.

Or, il n’est pas établi que l’intéressé ait été exposé de façon continue à la fumée du tabac au sein des services du département sur l’ensemble de la période incriminée. Ce d’autant, que l’hypothèse d’une exposition extra-professionnelle ne peut être écartée.

Responsabilité du département engagée pour violation de la loi Evin

Pour autant le Conseil d’Etat désapprouve les juges du fond d’avoir rejeté l’action en responsabilité engagée contre le département. En effet l’autorité territoriale a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de ses agents.

Il lui appartient ainsi de veiller au respect de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif. A défaut elle commet une faute de service de nature à engager sa responsabilité.

Et le Conseil d’Etat d’en conclure que :

"l’agent qui fait valoir que l’exposition au tabagisme passif sur son lieu de travail serait à l’origine de ses problèmes de santé, mais dont l`affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles dès lors qu’il n’est pas établi qu’elle serait essentiellement et directement causée par le travail habituel de l’intéressé, peut néanmoins rechercher la responsabilité de sa collectivité en excipant de la méconnaissance fautive par cette dernière de ses obligations".

Les cancers pouvant se déclencher plusieurs années après une exposition passive au tabac, les administrations n’ayant pas fait respecter l’interdiction de fumer sur les lieux de travail s’exposent ainsi à des recherches en responsabilité à retardement.

Conseil d’État, 30 décembre 2011, N° 330959

{{Luc Brunet}} [{{www.observatoire-collectivites.org}}->http://www.observatoire-collectivites.org/] [{{observatoire@smacl.fr}}->observatoire@smacl.fr]

[1Mentionnés par les dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale