Village de la Justice www.village-justice.com

D’une connexion entre la procédure civile et une procédure commerciale. Par Vincent Mosquet
Parution : jeudi 2 février 2012
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/connexion-entre-procedure-civile,11623.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’article R. 661-6 du Code de commerce, modifié par le Décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 (art. 13) est ainsi rédigé : "L’appel des jugements rendus en application des articles L. 661-1, L. 661-6 et des chapitres Ier et III du titre V du livre VI de la partie législative du présent code, est formé, instruit et jugé suivant les modalités de la procédure avec représentation obligatoire prévue par les articles 901 à 925 du Code de procédure civile, sous réserve des dispositions qui suivent :
1° Les mandataires de justice qui ne sont pas appelants doivent être intimés.
Dans tous les cas, le procureur général est avisé de la date de l’audience ;
2° L’appel des jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession est soumis à la procédure à jour fixe ;
3° Dans les cas autres que ceux qui sont mentionnés au 2° ci-dessus et sauf s’il est recouru à la procédure à jour fixe, l’affaire est instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile. Le président de la chambre peut toutefois décider que l’affaire sera instruite selon les modalités prévues au premier alinéa du même article ;
4° Lorsqu’ils ne sont pas parties à l’instance d’appel, les représentants du comité d’entreprise ou des délégués du personnel et, le cas échéant, le représentant des salariés ainsi que, le cas échéant, le cessionnaire, le cocontractant mentionné à l’article L. 642-7, les titulaires des sûretés mentionnées à l’article L. 642-12 ou le bénéficiaire de la location-gérance sont convoqués pour être entendus par la cour. La convocation est faite par lettre simple du greffier ;
5° Aucune intervention n’est recevable dans les dix jours qui précèdent la date de l’audience ;
6° La cour d’appel statue au fond dans les quatre mois suivant le prononcé des jugements mentionnés à l’article L. 661-6.
"

Quelles sont les implications de ce texte en cas de cession d’un élément d’actif en application des articles L. 642-18 et L. 642-19 du Code de commerce ?

En application des articles R. 642-37 - 1 et R. 642-37-3, le recours contre les ordonnances du juge commissaire rendue en application des articles L. 642-18 et L. 642 - 19 est formé devant la Cour d’Appel.

Ces ordonnances du juge commissaire ne sont pas visées par les articles L. 661-1, L. 661-2, L. 661-3, L. 661-4, L. 661-6.

L’article L. 661-5 du Code de commerce disposait que l’appel des jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge commissaire rendues en application des articles L. 642-18 et L 642-19 était réservé au ministère public. Mais ce texte a été abrogé par l’ordonnance du 18 décembre 2008.

Le titre V du livre VI de la partie législative concerne les sanctions commerciales.

Par conséquent le premier alinéa de l’article R. 661-6 ne concerne pas l’appel des ordonnances du juge commissaire rendues en matière de réalisation des actifs du débiteur.

L’appel de ces ordonnances serait donc soumis au 3° : Dans les cas autres que ceux qui sont mentionnés au 2° ci-dessus et sauf s’il est recouru à la procédure à jour fixe, l’affaire est instruite conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile. Le président de la chambre peut toutefois décider que l’affaire sera instruite selon les modalités prévues au premier alinéa du même article ;

Les termes au premier alinéa du même article se réfèrent sans doute à l’article 905. Cependant cet article ne comporte qu’un seul alinéa. Le texte de l’article R. 661-6 renvoyait antérieurement à l’article 910 du code de procédure civile dont le premier alinéa était ainsi rédigé : L’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée dans les conditions prévues par les articles 763 à 787 et par les dispositions qui suivent.

Aux termes de l’acte l’article 905 du code de procédure civile lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée ou lorsque l’appel est relatifs à une ordonnance de référé ou à une des ordonnances du Juge de la mise en état énumérés au 1° a 4° de l’article 776, le Président de la chambre saisie, d’office ou à la demande des parties, fixe à bref délai l’audience à laquelle elle sera appelée ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762.

La question de procédure posée est donc la suivante : les parties sont-elles soumises au délai des articles 908 et suivants du code de procédure civile ?
D’une manière générale, lorsqu’il est fait application de l’article 905, les délais des articles 908 et suivants cessent ils d’être appliqués ?

Il est possible de considérer que l’article 905 étant contenu dans la même sous section « la procédure ordinaire » que les articles 908 et suivants, ceux-ci continuent à s’appliquer. A défaut, il y aurait deux procédures ordinaires, l’une relevant de l’article 905 et l’autre des articles 908 et suivants.

Mais on peut tout aussi bien considérer que les articles 908 et suivants constituent un mode de mise en état automatique et que l’article 905 vient modifier les modalités de la mise en état qui relève alors des articles 760 à 762. Avant la réforme dite MAGENDIE 2, lorsqu’il était fait application de l’article 910, c’est-à-dire lorsque l’affaire était fixée avant d’être en état parce qu’elle paraissait urgente, il était admis que l’article 915 CPC imposant à l’appelant de déposer ses conclusions dans les 4 mois de son appel ne s’appliquait plus et la mise en état de faisait à l’audience. L’intimé était ainsi privé du bénéfice de l’article 915 et notamment des sanctions qui lui permettaient d’exécuter le jugement lorsqu’il n’était pas déjà exécutoire et de demander la clôture de l’instruction interdisant ainsi à l’appelant d’exposer ses moyens devant la cour.

Et par ailleurs, il peut arriver qu’il soit fait application de l’article 905 après l’expiration du délai de l’article 908. Peut-on admettre qu’au nom de l’urgence, l’appelant puisse bénéficier d’un délai plus long que celui dont il aurait bénéficié en l’absence d’invocation de l’urgence ?

En l’absence de jurisprudence, la prudence s’impose et l’appelant d’une ordonnance du juge commissaire décidant de la cession d’un élément d’actif du débiteur doit veiller à conclure dans les trois mois de son appel pour ne pas risquer de voir son recours frappé de caducité.

Vincent Mosquet LEXAVOUE NORMANDIE