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La caution du locataire : un engagement à risques. Par Romain Rossi-Landi, Avocat
Parution : jeudi 16 février 2012
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Pour éviter les risques d’impayés de leur locataire et les difficultés des procédures d’expulsion (voir article du même auteur L’expulsion du locataire pour impayés de loyer, un long chemin parcouru d’embûches L’expulsion du locataire pour impayés de loyer, un long chemin parcouru d’embûches, par Romain Rossi-Landi, Avocat), les propriétaires-bailleurs exigent de plus en plus souvent la caution d’un tiers, un parent, parfois un ami.

Celui-ci ne doit surtout pas prendre cet engagement à la légère. En effet, il s’engage, auprès du propriétaire, à payer, en lieu et place du locataire, le montant du loyer et des charges, voire des intérêts de retard au cas où ce dernier ne ferait pas face à ses obligations.

Le bailleur est en principe libre d’accepter ou de refuser une caution. Mais la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, précise que le bailleur ne peut refuser un cautionnement sous prétexte que la caution proposée ne possède pas la nationalité française.

Attention : la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite Loi Boutin, interdit le recours au cautionnement pour les bailleurs, quel que soit leur statut, qui ont souscrit une assurance garantissant les obligations locatives ("assurance impayé"), sauf si le locataire est étudiant ou apprenti. Si le propriétaire ne respecte pas la loi et cumule une assurance impayé et un cautionnement, ce dernier est considéré comme nul.



La loi du 6 juillet 1989, qui fixe le régime des cautions, exige certaines formalités. Obligatoirement écrit, l’engagement de caution est le plus souvent établi sous seing privé, c’est-à-dire signé directement entre le bailleur et celui qui apporte sa caution. Il peut être directement inclus dans le bail ou figurer dans un acte séparé, annexé au bail. L’acte de caution peut aussi être établi par un notaire, sous sa responsabilité : c’est alors un acte authentique. La loi précise que, dans tous les cas, la caution doit conserver un exemplaire de cet engagement et obtenir une copie du bail.

L’acte de caution doit obligatoirement comporter, écrit de la main de la caution, pour attirer son attention sur la portée de ses engagements :

• Le montant du loyer et les conditions de sa révision qui figurent dans le bail.
• Une mention exprimant clairement que vous avez connaissance de la nature et de l’étendue de votre engagement. Par exemple : « Bon pour caution solidaire pour le paiement des loyers éventuellement révisés, indemnités d’occupation, charges, taxes, réparations locatives et frais éventuels de procédures, ayant parfaitement connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée et ayant reçu un exemplaire du bail en annexe ».

• La reproduction de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 89 (alinéa 2) : « Lorsque le cautionnement d’obligations résultant d’un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu’il s’agisse du contrat initial ou d’un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation. »

Si la caution s’engage pour une durée déterminée (la durée du bail, si elle est précisée), elle ne peut s’en libérer avant le terme prévu. Il est toutefois possible de stipuler par écrit que certains événements, comme le décès du locataire ou le divorce des époux preneurs du bail, y mettent fin. Si le bail est renouvelé au même locataire, le bailleur doit demander à la caution de signer un nouvel acte.

Si la caution s’engage pour une durée indéterminée ou non précisée (exemple : la durée du bail sans précision de durée), elle peut la dénoncer à tout moment, par lettre recommandée avec accusé de réception, mais elle ne prendra fin qu’à l’expiration du bail en cours. Si elle ne se manifeste pas avant la fin du bail, elle sera considérée comme s’étant engagée de nouveau pour le bail reconduit. Si une personne se porte caution de deux locataires, elle ne sera pas libérée par le départ de l’un d’entre eux. En cas de vente de l’appartement, la caution continue de s’appliquer au nouveau bailleur, à moins que l’engagement ne concerne spécifiquement qu’une personne déterminée.

La caution peut être simple ou solidaire.

En cas de caution simple, le « bénéfice de discussion » permet à la caution de demander au créancier d’engager, avant de se tourner contre elle, des poursuites contre le débiteur afin de se payer sur les biens de ce dernier.

Ce bénéfice de discussion doit être invoqué dès la poursuite en justice du débiteur et la caution doit faire l’avance des frais que la mise en œuvre du bénéfice de discussion va causer au créancier.

Ce bénéfice de discussion a pour but d’interrompre les poursuites en paiement engagées contre la caution. Toutefois, si le créancier n’obtient pas remboursement de la dette grâce aux biens du débiteur, il pourra à nouveau demander paiement à la caution.

Attention, la caution ne peut pas invoquer le bénéfice de discussion :
-  lorsqu’elle y a renoncé dans l’acte de cautionnement ;

-  lorsque le débiteur est insolvable (l’action devenant inutile)

-  lorsque la caution est solidaire du débiteur principal.

L’engagement de la caution prend fin :
-  au terme prévu dans l’acte de caution, si celui-ci a fixé une durée déterminée ;

-  à l’expiration du bail au cours duquel la caution a résilié son engagement si la durée de ce dernier n’était pas précisée ;

-  au remboursement total de la dette par le débiteur principal ;

-  au décès du débiteur garanti, si le contrat principal disparaît avec lui ;

-  au décès de la caution si l’acte le prévoit (dans le cas contraire, ses héritiers sont en principe tenus de payer).

En cas d’impayé, à partir de la date à laquelle il a signifié un commandement de payer au locataire, le bailleur a quinze jours pour signifier ce commandement à la caution. Il peut, à son choix, s’adresser au locataire ou à sa caution pour demander le paiement de la totalité de la dette. A défaut, la caution ne sera pas tenue aux paiements d’éventuelles pénalités ou d’intérêts de retard.

La caution peut poursuivre le débiteur par tous les moyens légaux et dispose des mêmes droits à son encontre que le créancier initial.

En conclusion, la caution est un engagement grave aux conséquences importantes. On ne peut que conseiller la plus extrême prudence à ceux qui l’accordent à un proche. Pour en comprendre la portée, la consultation d’un avocat ne semble pas une précaution inutile.

Romain ROSSI-LANDI Avocat à la Cour www.rossi-landiavocat.fr
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