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Le Droit et vous : Témoignage de Jean-Charles Froment, professeur à la faculté de droit de Grenoble.
Parution : jeudi 23 février 2012
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Nous poursuivons notre série de portraits des acteurs du monde du droit, avec Jean-Charles Froment, enseignant-chercheur, directeur du Centre d’Etudes et de Recherche sur le Droit, l’Histoire et l’Administration Publique (CERDHAP), professeur à la faculté de droit et directeur de la spécialité de Master “Administration et droit de l’action publique” à Grenoble.

Quel est votre parcours ?

J’ai d’abord fait l’Institut d’études Politiques de Grenoble de 1986 à 1989 avant de rejoindre la Faculté de Droit de l’Université Pierre Mendès France pour suivre le DEA d’Administration publique dirigé alors par le professeur Jean-Jacques Gleizal.
Tout en faisant ma thèse de doctorat en Administration publique sur les politiques pénitentiaires et les surveillants de prison, j’ai obtenu un DESS de Gestion des ressources humaines à l’UFR de sciences économiques de l’UPMF. Moniteur et allocataire de recherche pendant cette même période, j’ai ensuite été recruté Maître de Conférences en Droit public à l’IUT Département Carrières juridiques (1997) avant de revenir à la faculté de Droit comme professeur après ma réussite au concours d’agrégation de droit public en 2000.

J’y dirige depuis le Centre d’Etudes et de Recherche sur le Droit, l’Histoire et l’Administration Publique (CERDHAP) ainsi que, depuis 2006, la spécialité de Master "Administration, droit et développement territorial" devenue cette année "Administration et droit de l’action publique".

Quelles motivations vous poussent à enseigner ?

Comme souvent c’est un de mes propres enseignants qui m’a donné le goût d’enseigner. En la circonstance, il s’agissait de Jacques Caillosse, Professeur de droit public dont j’ai suivi beaucoup d’enseignements à l’IEP de Grenoble et avec qui j’ai d’ailleurs fait mon mémoire.
Il m’a transmis l’envie d’enseigner alors que j’envisageais initialement une carrière de magistrat. Aujourd’hui je ne regrette pas ce choix. Je prends beaucoup de plaisir à enseigner, mais avec surtout l’idée de créer les conditions d’un dialogue, d’un échange pour contribuer au développement de l’esprit critique qui me semble constituer le fondement de l’enseignement universitaire. Je ne conçois pas celui-ci dans une logique de transmission unilatérale d’un savoir du professeur vers les étudiants, mais au contraire comme ayant vocation à favoriser l’autonomie de pensée et de réflexion des étudiants par l’enseignement d’une méthode, d’un rapport distancié aux choses et aux événements. Cela passe aussi à mes yeux par une confrontation permanente de la théorie et de la pratique.

“La clé de l’adaptation, c’est l’ouverture”

Avez-vous des activités professionnelles en dehors de l’enseignement ?

Le statut d’universitaire implique déjà en soi de ne pas être seulement un enseignant, mais un enseignant-chercheur, plus précisément encore un enseignant qui enseigne le fruit de ses recherches. Cette part de l’activité est donc essentielle.
Je la vis d’une double façon depuis plusieurs années, à la fois en tant que directeur d’un laboratoire de recherche cherchant à structurer l’action collective de recherche au sein d’une communauté universitaire et à titre individuel dans le cadre des recherches que je continue à mener notamment sur les questions pénitentiaires et de sécurité.
La conciliation de ces activités n’est pas toujours simple. Elle l’est d’autant moins que de nombreuses autres sollicitations conduisent en réalité à une variété de plus en plus grande des fonctions exercées. Je suis ainsi amené à réaliser ponctuellement des expertises pour des institutions internationales ou encore pour des collectivités territoriales dans mes champs de spécialité.

Quels conseils donneriez vous aux étudiants en droit pour faire face aux évolutions de ce milieu ?

Pour moi la clé de l’adaptabilité, c’est l’ouverture. L’ouverture d’abord aux autres savoirs disciplinaires pour toujours être en mesure de mettre en perspective politique, économique, sociale le droit. Celui-ci n’existe pas indépendamment de la société qui le produit et il nécessairement surdéterminé par les évolutions de celle-ci. Isoler le droit de la connaissance de celles-ci ne peut que créer les conditions d’un savoir déconnecté de ses enjeux réels et de toute capacité d’action concrète.

L’ouverture ensuite à l’international. Je regrette que l’enseignement des langues étrangères soit trop peu considéré dans les facultés de Droit, que la mobilité internationale ne soit pas une règle, que le comparatisme soit si peu présent dans les enseignements. Il faut que les étudiants en droit parviennent à décentrer leur savoir par la confrontation de ce dernier à d’autres cultures, d’autres approches, d ’autres visions du monde.

Pour finir, quels sites internet vous sont utiles dans votre quotidien d’enseignant et professionnel du droit ?

Je ne suis pas un utilisateur systématique des sites juridiques, parce que mon approche du droit est assez fondamentalement politique. Même si j’utilise bien évidemment ces derniers, ce sont plus les sites de mise en ligne de recherches en sciences sociales qui nourrissent mes travaux. Cairn, Persée, mais de nombreux autres.

Je surfe aussi beaucoup sur le web pour chercher des informations, trouver des sites qui parlent de mes objets de recherche. Mais dans ce cas ce n’est pas tant ce qui est dit qui m’intéresse que "qui le dit", "comment on le dit" et "pourquoi est le dit".
Plus que tout autre média, internet nécessite cette interrogation sur le statut même des sites que l’on consulte et les stratégies qu’ils révèlent. De ce point de vue, ils sont très utiles pour comprendre les nouvelles stratégies argumentatives et de lobbying dans nos sociétés.

Merci Professeur.

Rédaction du village