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L’arrêt LUKSAN marque une avancée du droit d’auteur. Par Pierre de Roquefeuil, Avocat
Parution : lundi 12 mars 2012
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Commentaire de l’arrêt LUKSAN CJUE 9 février 2012.

Dans l’arrêt LUKSAN CJUE du 9 février 2012, la Cour reconnaît la qualité d’auteur au réalisateur d’une œuvre cinématographique. Elle en déduit que si une législation peut prévoir une présomption de cession des droits du réalisateur au producteur de l’œuvre, elle ne peut prévoir une présomption irréfragable (c’était le cas de la loi autrichienne). Le réalisateur peut donc se réserver des droits par contrat. La Cour précise aussi que la rémunération due au réalisateur au titre de l’exception pour copie privée ne peut faire l’objet d’une présomption légale, irréfragable ou non.

La Cour se fonde sur le droit de l’Union, notamment les directives « location-prêt », « satellite », « durée », « DADVSI », en écartant l’article 14bis de la convention de Berne qui prévoit la possibilité pour ses membres d’édicter une présomption irréfragable.

La Cour rappelle en particulier qu’aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, « toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. « Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. « L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. « Le paragraphe 2 de ce même article dispose que la propriété intellectuelle est protégée. »

Elle précise que le réalisateur principal de l’œuvre cinématographique doit être regardé comme ayant légalement acquis, en vertu du droit de l’Union, le droit de jouir de la propriété intellectuelle de cette œuvre et que « dans ces conditions, le fait qu’une législation nationale lui refuse les droits d’exploitation en cause équivaudrait à le priver de son droit de propriété intellectuelle légalement acquis. »

Cette jurisprudence a-t-elle vocation à s’étendre à d’autres auteurs, à d’autres œuvres ? Ce n’est pas à exclure étant donné la force et la généralité avec laquelle la Cour rappelle l’enracinement du droit d’auteur dans le droit de propriété. C’est cet enracinement qui était d’ailleurs rappelé avec force déjà à l’époque Révolutionnaire, cf.débats des lois des 19 et 24 juillet 1793 (« décret relatif au droit de propriété des auteurs d’écrits en tout genre, compositeurs de musique, peintres et dessinateurs »). On peut toutefois continuer à regretter qu’aucune référence ne soit faite au droit d’auteur comme droit et expression de la personnalité, raison qui permet traditionnellement de mieux justifier des limitations à la cessibilité des droits d’auteur.

Pierre de Roquefeuil, Avocat, Paris, titulaire des mentions de spécialisation droit du numérique, de la communication et de la propriété intellectuelle. https://roquefeuil.avocat.fr