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Location vide et frais d’agence immobilière. Par Pascal Six
Parution : mardi 17 avril 2012
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Pour trouver un locataire, le bailleur mandate une agence immobilière plutôt que de se charger lui-même de mettre une annonce, répondre aux candidats, leur faire visiter l’immeuble...L’agent immobilier, mandaté pour lui éviter ces démarches annonce, facture ses prestations conformément à l’article 5 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 (moitié au propriétaire et l’autre au locataire) avec un coût souvent important pour le locataire (un mois de loyer hors charge environ). Quels sont donc les prestations dont les honoraires qui doivent être réglés par le locataire ?

Pour l’UFC Que Choisir, seuls les honoraires de rédaction du bail sont à partager par moitié, les honoraires relatifs à la recherche du locataire restant à la charge du propriétaire. C’est d’ailleurs lui qui a choisi de se faire représenter par un agent immobilier plutôt que de s’occuper seul de la location de son immeuble, lui qui a accepté les conditions tarifaires de l’agence....

Pour d’autres, il s’agit d’un tout. Tous les frais qui concourent à la recherche d’un locataire jusqu’à la conclusion du bail sont partagés entre le bailleur et le locataire : il s’agit de la commission et des honoraires de rédaction d’actes. Selon eux, l’élaboration de cet acte impose la connaissance des parties et donc la recherche du preneur, l’UFC ferait une lecture restrictive de cet article car l’ensemble des démarches pour trouver un locataire est un préalable à l’établissement d’un bail.

Selon l’article 5 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 : « La rémunération des personnes qui se livrent ou prêtent leur concours à l’établissement d’un acte de location d’un immeuble appartenant à autrui tel que défini à l’article 2 est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire ».En ce qui concerne le reproche de lecture restrictive, rappelons qu’il s’agit d’un texte d’ordre public, dont les dispositions doivent justement être interprétées strictement. Cet avis est partagé par la doctrine : Le droit locatif Litec § 599 : « En effet, la rédaction du texte est sur ce point différente de celle de l’article 65 de la loi du 22 juin 1982 (loi Quillot ) qui visait la rémunération des personnes qui prêtent leur concours à un acte de location. La loi parle aujourd’hui (comme l’article 5 de la loi Méhaignerie) de la rémunération des personnes qui prêtent leur concours à l’établissement de l’acte de location. » Seule est donc à partager la rémunération de rédaction du bail.

Dans le sens également d’une interprétation restrictive, il a été précisé par le ministre : "L’article 5 de la loi précitée prévoit que la rémunération des personnes qui se livrent ou prêtent leur concours à l’établissement d’un acte de location est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire. L’établissement de l’acte de location recouvre l’élaboration de l’acte lui-même, c’est à dire le contrat de bail et en aucun cas l’état des lieux, qui n’est qu’un document accessoire"  [1].

Il n’y a donc aucune raison de vouloir étendre le champ d’application de l’article 5 à autre chose que la rédaction du bail, comme les frais de recherche de locataire.

En outre, il convient de remarquer qu’en vertu de l’arrêté du 29 juin 1990, « tout professionnel qui, à quelque titre que ce soit, intervient pour mettre en relation acquéreurs ou locataires et vendeurs ou bailleurs de biens immobiliers » doit « afficher à l’entrée de l’(eur) établissement, de façon visible et lisible de la clientèle, les prix des prestations qu’ils assurent, et notamment celles liées à la vente ou à la location de biens et à la rédaction de bail, en indiquant pour chacune de ces prestations à qui incombe le paiement de cette rémunération. »

Il faut donc distinguer en cas de location, les honoraires de recherche d’un cocontractant (locataire - si le mandant est le propriétaire - ou bailleur - si le mandant est le candidat à la location) et ceux de rédaction du bail écrit. Le droit au paiement résulte, pour l’intervention dans la location, dans le mandat écrit, inscrit au répertoire, qui précise la mission, la rémunération et qui en aura la charge (le mandant ou le cocontractant) et pour les frais de rédaction du bail, dans l’article 5 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989.

Ainsi donc l’obligation légale au paiement par moitié n’existe que pour les frais de rédaction de bail, la charge des honoraires de recherche étant elle, déterminée par la convention des parties.

Dans le tarif affiché par un certain nombre d’agences, il existe effectivement deux facturations distinctes : la rédaction du bail, si le propriétaire a trouvé seul son locataire, ou la facturation indifférenciée des frais de recherche et de rédaction du bail, si le propriétaire lui a confié la gestion de l’immeuble. C’est donc parce que les deux prestations, l’une au profit du seul propriétaire, l’autre au profit des deux parties, ne sont pas facturées distinctement, que ce raisonnement peut être soutenu.

A ce stade, on pourrait donc admettre que le mandat du propriétaire mette les honoraires de recherche à la charge du locataire, en tout ou pour moitié, mais ce ne serait pas une conséquence de l’article 5 de la loi.

Toutefois, le TGI de Grenoble, dans son jugement du 2 décembre 2002, a déclaré illicite la mention du contrat de location qui prévoit le partage par moitié des honoraires de négociation entre le bailleur et le preneur :
« Alors que les dispositions d’ordre public de l’article 5 de la Loi du 6 juillet 1989 limitent la possibilité de partager la rémunération de l’intermédiaire par moitié entre le bailleur et le locataire aux honoraires afférents à l’établissement d’un acte de location qui correspond à la présentation d’un contrat écrit conforme aux exigences de l’article 3 de la même Loi et quand bien même l’information du candidat locataire soit suffisamment assurée par un affichage des honoraires pratiqués par le mandataire dans les locaux de l’agence, pour satisfaire aux prescriptions de l’article L 113-3 du Code de la Consommation, l’adjonction d’honoraires de négociation à la rémunération partiellement répétible du mandataire ne peut qu’être qualifiée d’illicite, »
 [2]

Il a été suivi par la Cour d’Appel de Grenoble, dans son arrêt du 19 octobre 2004 RG 03/00333 qui a précisé :
« A bon droit, les premier juges ont dit que l’art 5 de la loi du 6/07/89 limite la possibilité de partager la rémunération de l’intermédiaire par moitié entre le bailleur mandant et le locataire aux seuls honoraires afférents à l’établissement d’un acte de location conforme aux exigences de l’art 3 de ladite loi. Les frais de négociation ne sont pas prévus par l’article 5.
Est ainsi illicite la clause prévoyant l’adjonction d’honoraires de négociation du mandataire partiellement répétitibles sur le locataire. Rien ne justifie que le locataire doive payer pour être recherché. Surabondamment, il sera rappelé qu’il s’agit d’une clause illicite inventoriée dans l’annexe à la recommandation N°2000-01. »

 [3]

En effet, dans sa recommandation publiée au BOCCRF du 22/06/2000 la Commission des clauses abusives « recommande que soient éliminées des contrats les clauses ayant pour objet ou pour effet : ….De mettre à la charge exclusive du preneur les frais liés à la conclusion du bail ;
…Considérant que la plupart des contrats mettent à la charge du preneur tous les frais liés à la conclusion du bail ; que de telles clauses déséquilibrent le contrat au détriment du locataire qui prend à sa charge exclusive les sommes permettant la conclusion d’un contrat profitant aux deux parties ; »

Ainsi donc, en définitive, seuls les frais de rédaction doivent être partagés et les honoraires de recherche mis pour moitié à la charge du locataire constituent une clause abusive dont on peut demander l’annulation et le remboursement aux tribunaux. La rédaction d’un bail étant obligatoire, l’intervention de l’intermédiaire profite aux deux parties et le partage s’en trouve justifié. Par contre la recherche de locataire (annonces, visites...) ne profite qu’au propriétaire, il est donc logique qu’il supporte seul le coût des prestations qui n’avantagent que lui et dont il est le seul décideur...

Pascal SIX

[1RM Paillé JO AN : 10 mai 1999 n° 24636 http://questions.assemblee-nationale.fr/q11/11-24636QE.htm

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