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Résiliation du bail commercial et protection des créanciers inscrits. Par Victoire de Bary, Avocat
Parution : mercredi 25 avril 2012
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Le bail commercial est l’un des principaux éléments constitutifs du fonds de commerce du locataire.

Les créanciers du locataire qui souhaitent se protéger des défaillances de leur débiteur peuvent prendre une sûreté sur le fonds de commerce.

Ils sont appelés les « créanciers inscrits ».

Or, il est obligatoire, en vertu de l’article L 143-2 du code de commerce, de leur notifier la résiliation du bail commercial.

En effet, cet article dispose que :

« Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel s’exploite un fonds de commerce grevé d’inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification.
La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu’un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus
 ».

L’objectif de cette notification est d’informer ces créanciers prudents du risque de disparition de l’un des éléments essentiels du fonds de commerce.

La jurisprudence a donc eu l’occasion de préciser que l’obligation de notification s’applique quelle que soit la nature de la résiliation (amiable ou judiciaire), y compris lorsque la résiliation intervient après renonciation du mandataire de justice chargé de la procédure collective du locataire à poursuivre le bail.

Seule la résiliation par le preneur à l’issue d’une période triennale n’est pas soumise à cette obligation de notification.

Afin de préserver les droits des créanciers inscrits, la notification doit répondre à des conditions particulières en termes de contenu et de délai. En outre, le défaut de notification n’est pas sans conséquence.

1- La notification aux créanciers inscrits

Ainsi qu’il est prévu par le Code de commerce, la notification doit être faite au domicile du créancier tel qu’il figure sur l’inscription du privilège au greffe du Tribunal de commerce.

Cette obligation incombe au bailleur qui, s’il ne la respecte pas, sera seul comptable des conséquences de ce défaut (voir §3).

Cette obligation de notification vaut pour les créanciers inscrits et les créanciers subrogés dans les droits du locataire, si la subrogation est inscrite en marge de l’inscription du privilège.

D’un point de vue pratique, il faut demander au greffe du Tribunal de commerce au sein duquel est enregistré le locataire l’état des privilèges et nantissements. Ce document mentionne les noms et adresses de tous les créanciers inscrits.

Naturellement, et afin d’éviter toute difficulté, il faut demander ce document à la date la plus proche de la notification. En effet, c’est au jour de la notification qu’il est possible de déterminer qui sont les créanciers inscrits qui doivent donc être destinataires de la notification.

La notification peut intervenir par tout moyen. Toutefois, il est admis qu’elle intervienne par voie d’huissier en cas de demande de résiliation judiciaire. En tout état de cause, l’acte extrajudiciaire reste moins contestable. Il est en outre de nature à attirer l’attention du créancier inscrit.

Sur le fond, la notification doit mentionner clairement la résiliation du bail, mais le motif de cette résiliation n’a pas à être mentionné.

Quant à la date à laquelle la notification doit intervenir, les règles sont les suivantes :

-  Pour la résiliation amiable, la notification doit intervenir avant l’accord de résiliation ou juste après. Seuls les créanciers inscrits avant l’accord des parties sur la résiliation sont rendus destinataires de la notification.
La résiliation ne peut pas devenir définitive avant l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la notification.

-  Pour les autres cas de résiliation, la notification doit intervenir au moment de l’engagement de la procédure judiciaire et, en tout état de cause, un mois avant le jugement.
De façon générale, la demande en résiliation (par le biais d’une assignation ou de conclusions reconventionnelles) est dénoncée aux créanciers inscrits en même temps qu’elle est signifiée au locataire.
En cas d’oubli, la régularisation n’est possible que pour autant que le délai d’un mois jusqu’au jugement peut être respecté.
Seuls les créanciers inscrits avant la demande en justice du propriétaire sont rendus destinataires de la notification.

2- Les effets de la notification

La notification vaut mise en demeure, à l’égard des créanciers destinataires, d’exécuter les obligations résultant du bail, en lieu et place de leur débiteur, dans un délai d’un mois à compter de la notification, afin de permettre la continuation du bail commercial.

Ce délai d’un mois est soumis aux articles 640 et 642 du Code de procédure civile, selon lesquels, notamment, le délai expirant un samedi est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

La notification reçue ne met aucune obligation à la charge du créancier inscrit.

En revanche, elle lui permet d’agir auprès de son débiteur pour le contraindre à régulariser la situation vis-à-vis de son bailleur, pour obtenir une autre garantie, mais aussi, le cas échéant, de faire valoir sa défense contre la demande de résiliation.

Cependant, les créanciers inscrits ne peuvent pas demander des délais de paiement, ni la suspension de la clause résolutoire.

À défaut d’avoir offert de suppléer aux carences du locataire pendant ce délai d’un mois, les créanciers inscrits ne pourront plus interjeter appel du jugement constatant la résiliation.

La notification aux créanciers inscrits ne modifie pas les rapports entre le bailleur et le locataire. Ce dernier ne peut donc se prévaloir des délais accordés aux créanciers inscrits pour exécuter ses propres obligations.

La mise en vente du fonds de commerce, par les créanciers inscrits, n’interdit pas au bailleur de poursuivre la résiliation du bail.

3- Les conséquences du défaut de notification

La notification est une obligation qui ne bénéficie qu’au créancier inscrit.

C’est pourquoi, à défaut d’avoir reçu cette notification, la résiliation du bail leur est inopposable.

C’est également pour cette raison que les créanciers inscrits sont seuls à pouvoir se prévaloir du défaut de notification.

En l’absence de notification, les créanciers inscrits peuvent faire tierce opposition à la décision prononçant la résiliation et exiger le maintien du bail. Le délai pour faire cette tierce opposition est de 5 ans, ce qui fait peser un risque sur le nouveau bail qu’aurait consenti le bailleur.

En effet, si la juridiction déclare la résiliation inopposable aux créanciers du preneur, cette décision entraînera rétractation automatique de la décision relative à la résiliation à l’égard de toutes les parties à l’instance initiale. En effet, les deux décisions sont inconciliables et seule l’une des deux peut être exécutée.

Par conséquent, le bail résilié sera à nouveau applicable et le locataire pourra réintégrer les lieux.

Les créanciers inscrits peuvent également poursuivre la vente forcée du fonds de commerce à titre de réalisation de leur privilège.

Enfin, ils peuvent demander des dommages-intérêts au bailleur qui ne les a pas informés de la résiliation. Il faut toutefois que ce défaut d’information résulte d’une faute et non d’une erreur invincible.

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com
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