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Les déclarations de sinistre effectuées au titre de la garantie dommages ouvrage. Par Jérôme Blanchetière, Avocat
Parution : mardi 26 juin 2012
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La déclaration du sinistre est un préalable essentiel en matière d’assurance dommages ouvrage.
Elle est obligatoire, et est par ailleurs soumise à diverses conditions.

Cette déclaration pourra être un piège pour les bénéficiaires de la garantie dommages ouvrage et pour les praticiens.
Que l’on soit bénéficiaire de la garantie, assureur dommages ouvrage, ou représentant de l’une ou l’autre de ces parties, la plus grande attention devra lui être prêtée.

Les conditions de forme et fond de la déclaration de sinistre.

L’annexe II à l’article A 243-1 du code des assurances, porte sur les clauses types que doivent obligatoirement comporter les contrats d’assurance dommages ouvrage.
Ces clauses types comportent notamment la disposition suivante, relative à la déclaration du sinistre :

"En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l’assuré est tenu d’en faire la déclaration à l’assureur.

La déclaration de sinistre est réputée constituée dès qu’elle comporte au moins les renseignements suivants :

-  Le numéro du contrat d’assurance et le cas échéant, celui de l’avenant ;
-  Le nom du propriétaire de la construction endommagée ;
-  L’adresse de la construction endommagée ;
-  La date de réception ou, à défaut, la date de la première occupation des locaux ;
-  La date d’apparition des dommages ainsi que leur description et localisation.
-  Si la déclaration survient pendant la période de parfait achèvement au sens de l’article 1792-6 du code civil, la copie de la mise en demeure effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement."

L’annexe II à l’article A 243-1 du code des assurances comporte également une exigence de forme : la déclaration de sinistre devra être faite par écrit soit contre récépissé, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Il a récemment été jugé qu’une télécopie ne satisfaisait pas aux exigences prévues par le code des assurances (Civ. 3ème, 6 juin 2012, n°11-15567).

Si elle peut apparaître comme une contrainte pesant sur l’assuré, l’obligation de déclarer le sinistre par écrit contre récépissé ou par LRAR présente l’avantage de constituer la preuve de l’existence de la déclaration, de sa date et de son contenu.
Il est également prévu par les clauses types relatives à l’assurance dommages ouvrage que si la déclaration est incomplète, l’assureur dispose d’un délai de 10 jours, à compter de cette déclaration, pour réclamer les renseignements complémentaires.

Outre ce délai, la déclaration de sinistre sera le point de départ de plusieurs autres délais au respect desquels l’assureur dommages ouvrage sera tenu, c’est-à-dire :

-  Du délai de 60 jours, et de manière exceptionnelle d’au maximum 135 jours, pour notifier à l’assuré la position sur les garanties.
-  Du délai de 90 jours pour présenter une offre d’indemnité.

Les éléments rapportés dans la déclaration de sinistre en ce qui concerne les dommages subis et déclarés seront essentiels.
Ainsi, selon la Cour de cassation, le juge doit évaluer le coût des travaux de réparation en fonction des dommages décrits dans la déclaration de sinistre, et non en fonction d’un devis fourni à l’expert (Civ. 3ème, 20 octobre 2010, n° 09-69655).

Le délai de la déclaration de sinistre

Le retard apporté à la déclaration de sinistre n’est pas sanctionné par les dispositions relatives à l’assurance dommages ouvrage.

Il convient de se reporter aux dispositions générales : selon l’article L 113-2 du code des assurances, l’assuré est tenu « de donner avis à l’assureur, dès qu’il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l’assureur.
Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés.
Ce délai minimal est ramené à deux jours ouvrés en cas de vol et à vingt quatre heures en cas de mortalité du bétail.
[…]
Lorsqu’elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive au regard des délais prévus au 3° et au 4° ci-dessus ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Elle ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure. »

Le délai de déclaration du sinistre devra donc être prévu par le contrat.
Il ne pourra toutefois pas être inférieur à 5 jours.
Une déchéance pour déclaration tardive devra également être prévue au contrat, et, pour pouvoir être opposée à l’assuré, devra de surcroît causer un préjudice à l’assureur.
Même si ces conditions sont réunies, il ne pourra y avoir de déchéance pour déclaration tardive en présence d’un cas fortuit ou d’un événement de force majeure.
En toute hypothèse, la déclaration de sinistre devra être effectuée dans les deux ans de la connaissance du sinistre, sous peine de se voir opposer la prescription prévue à l’article L 114-1 du code des assurances.
On peut toutefois s’interroger sur la possibilité de prévoir une telle déchéance en matière d’assurance dommages ouvrage.
L’article L 113-8 du code des assurances prévoit en effet que tout contrat d’assurance dommages ouvrage est réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types.
Or, les clauses types ne prévoient pas de déchéance pour déclaration tardive.
Faut-il en déduire que la déchéance ne pourrait être opposée à l’assuré ?
A la connaissance de l’auteur des présentes, la question reste posée.


La déclaration de sinistre est un préalable obligatoire

La déclaration du sinistre constitue un préalable obligatoire pour mettre en jeu la garantie de l’assureur dommages ouvrage.
Ceci vaut également dans le cadre d’une action en justice.
Au cours d’une procédure, pour rechercher la garantie de l’assureur dommages ouvrage, il faudra en effet pouvoir justifier d’une déclaration de sinistre faite à l’amiable.
Cette solution est applicable à une demande de condamnation, mais également à une demande de désignation d’expert.
Il a ainsi été jugé par la Cour de cassation que pour mettre en jeu la garantie dommages ouvrage, " l’assuré est tenu de faire, soit par écrit contre récépissé, soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une déclaration de sinistre à l’assureur " (Civ. 3ème, 5 novembre 2008, n° 07-15449).


L’aggravation de désordres doit être déclarée

Il est nécessaire de procéder à une nouvelle déclaration dans le cas d’une aggravation de désordres dont l’apparition avait été précédemment déclarée (Civ. 3ème, 14 mars 2012, n° 11-10961).


L’auteur de la déclaration de sinistre

La loi prévoit que la déclaration de sinistre est effectuée par l’assuré.
L’assurance dommages ouvrage étant une assurance pour compte, l’assuré n’est pas nécessairement le souscripteur de la garantie dommages ouvrage.
En effet, selon les textes, celle-ci est conclue tant pour le compte des souscripteurs que de celui des propriétaires successifs.
Ainsi, dans le cadre de vente en l’état futur d’achèvement, l’immeuble sera cédé.
Néanmoins, le souscripteur du contrat d’assurance dommages ouvrage sera le vendeur en l’état d’achèvement, qui se dessaisira ensuite de l’immeuble.
Il a été jugé par la Cour de cassation, que la déclaration de sinistre doit émaner du propriétaire de l’immeuble, et non de celui qui l’a vendu (Civ. 2ème, 2 février 2005, n° 03-19318).
Aussi, compte tenu de ces règles, et de leur incidence sur l’octroi de la garantie, la plus grande attention devra être apportée lors de la déclaration ou, si l’on est assureur, lors de la réception d’une déclaration de sinistre effectuée au titre d’une garantie dommages ouvrage.

Jérôme Blanchetière Avocat, spécialiste en droit immobilier - Construction Miré Blanchetière - Avocats www.mire-blanchetiere-avocats.fr
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