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Les Conditions Générales de Vente : Des règles prêtes à être communiquées. Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat
Parution : vendredi 29 juin 2012
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La loi n°2010-853 du 23 juillet 2010 est le dernier des textes d’une longue série ayant, ces dernières années, adapté à la modernité des échanges commerciaux les règles relatives aux Conditions Générales de Vente (ci-après CGV) entre professionnels.

Ces conditions générales exposent les règles de fonctionnement de l’activité et les conditions de vente (fixation des prix, conditions d’exécution, livraison, délai, assurances, responsabilité, règlement des litiges,…).

En application de l’article L. 441-6 al.1 du Code de commerce, les CGV comprennent, a minima :

-les conditions de vente ;
-le barème des prix unitaires ;
-les réductions de prix ;
-les conditions de règlement.

Ces règles, désormais qualifiées de « socle de la négociation commerciale » (article L. 441-6 al.1 du Code de commerce), reposent sur les principes suivants :

- l’obligation de communication des CGV à première demande de l’acheteur de produits ou du demandeur de prestations de services ;

- la possibilité de recourir à des CGV différenciées et à des conditions particulières de vente ;

- la sanction des pratiques commerciales abusives.

1 Obligation de communication des CGV à première demande de l’acheteur de produits ou du demandeur de prestations de services

L’article L. 441-6 al.1 du Code de commerce dispose que « tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. »

La communication des conditions générales de vente, qu’elles soient catégorielles ou non, ne pouvant s’effectuer qu’ « à la demande » de l’acheteur, le défaut de communication à l’initiative du fournisseur n’est dès lors pas répréhensible.

Ainsi, l’obligation de communication des CGV à la demande n’implique pas une obligation d’établissement préalable de ce document.

Toutefois, la Cour de cassation a jugé que l’absence de CGV préétablies ne pouvait légitimer un refus de communication de celles-ci lorsqu’elles ont été demandées (Cass. com. du 18 janvier 1994, n° 92-11425).

Il est dès lors recommandé d’établir à l’avance les CGV dans un document prêt à être communiqué.

Selon l’article L 441-6, al. 13 du Code de commerce, cette communication s’effectue par « tout moyen conforme aux usages de la profession ».

Personnes concernées par l’obligation de communication

Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur doit respecter cette obligation.

En revanche, sont dispensés de l’obligation de communiquer un barème de prix les professionnels prestataires de services dont l’activité est incompatible avec le respect de cette obligation.

Un barème doit néanmoins être communiqué lorsque certains éléments constitutifs du devis sont connus à l’avance (rémunération à l’unité de temps, forfait pour des prestations déterminées,…).

Il en est même pour les professions libérales lorsque les prestations offertes sont par nature insusceptibles de faire l’objet d’un barème. Il en va ainsi des experts-comptables ou des avocats.

Enfin, les détaillants, en leur qualité de fournisseurs des consommateurs, ne sont pas visés par l’article L. 441-6 du Code de commerce mais ils restent soumis à aux obligations générales d’information et de publicité des prix prévues aux articles L. 111-1 à L. 111-3 et L 113-3 du Code de la consommation.

Les bénéficiaires de la communication

Il s’agit de tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services pour une activité professionnelle. L’acheteur peut être grossiste ou détaillant, déjà client ou non du fournisseur. En revanche, un fournisseur n’est pas tenu de communiquer ses CGV à un concurrent qui en fait la demande.

2 Le contenu des CGV

Les Conditions de vente

Les conditions de vente correspondent aux conditions de :

* livraison (délais et coût) ;
* transfert de propriété et transfert des risques ;
* garantie ;
* retour de la marchandise.

L’établissement d’un barème de prix n’est pas obligatoire. La date d’application et la durée de validité des barèmes de prix sont fixées librement.

Lorsque le prix d’un service ou d’un type de service ne peut être déterminé « a priori » ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé (art. L. 441-6, II du Code de commerce).

Le barème des prix unitaires et les réductions de prix

Les CGV doivent faire apparaître le montant des commandes et les modalités selon lesquelles tout acheteur peut bénéficier de réductions de prix qu’il s’agisse de rabais, de remises ou de ristournes.

Les remises et ristournes peuvent être à caractère quantitatif (par exemple, réductions de prix liées à la progression du chiffre d’affaires ou remise d’assortiment) ou qualitatif, c’est-à-dire, dans ce dernier cas, liées à la prise en charge par le client d’une fonction distributive particulière (service après-vente, par exemple) ou de certaines prestations incombant normalement au fournisseur (marquage des produits notamment).

Les produits fournis gratuitement par le vendeur peuvent s’analyser comme des réductions de prix à caractère quantitatif.

L’objet de la communication imposée par la loi est très large puisqu’une entreprise qui propose certaines promotions est tenue de communiquer ces éléments au demandeur. La Cour de cassation a en effet jugé que les rabais et ristournes accordés à titre occasionnel - et donc à titre de promotions - font partie, selon un usage professionnel courant, des informations communicables au distributeur (Cass. com. du 27 février 1990, n°88-12189).

Les Conditions de règlement

La loi n’impose pas l’indication du délai de paiement.

L’article L.441-6 al.5 du Code de Commerce dispose que « Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixée au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. »

Le délai de règlement convenu entre les parties ne peut dépasser « 45 jours fins de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. » (article L. 441-6 al. 6 du Code de commerce).

Les CGV doivent également préciser les conditions d’application et le taux des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date (article L. 441-6 al.8 du Code de commerce).

Le non-respect de ces mentions est passible d’une amende de 15 000 € (art. L. 441-6, I-al. 13 du Code de commerce), amende qui peut s’élever à 75 000 € en cas de responsabilité pénale de la personne morale pour le compte de laquelle l’infraction a été commise (article 121-2 et 131-38 du Code pénal).

Les pénalités de retard sont exigibles dès que la date de règlement figurant sur la facture est dépassée, sans qu’un rappel soit nécessaire.

Le taux des pénalités est en principe égal au taux appliqué par la banque centrale européenne (BCE) à son opération de refinancement majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-6 al.8 du Code modifié par la loi LME n°2008-776 du 4 août 2008.

Il peut, toutefois, être convenu dans les CGV ou dans le contrat liant les deux parties, d’un taux d’intérêt inférieur au taux prévu par la loi qui ne peut être inférieur à trois fois le taux de l’intérêt légal.

Il est à noter que les pénalités doivent être calculées sur le montant TTC de la facture impayée.

Obligations spécifiques à la charge des prestataires de services

L’article 35 de la loi 2010-853 du 23 juillet 2010 met à la charge des prestataires de services de nouvelles obligations d’information à l’égard des destinataires de ces services.

Ainsi, « tout professionnel prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat et en tout état de cause, lorsqu’il n’y a pas de contrat écrit, avant l’exécution de la prestation de services, » mettre le destinataire «  en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service », en mettant à sa disposition ou en lui communiquant « de manière claire et non ambiguë » une liste précise d’informations (article L. 111-2 II al.1 à 15du Code de la consommation sur renvoi de l’article L.441-6, III al.1 du Code de commerce).

Il s’agit, à titre d’exemples, notamment de savoir si son activité est soumise à un régime d’autorisation et les coordonnées de l’autorité l’ayant délivrée, s’il est assujetti à la TVA et identifié par un numéro individuel.


Conditions générales de vente catégorielles et conditions particulières de vente

Ce principe de communication sur demande n’empêche pas un acheteur de produits ou un demandeur de prestations de services de valablement organiser des appels d’offres privés, sur le modèle des marchés publics, dès lors qu’ils ont pour objet de lui permettre d’entrer en contact avec des fournisseurs et que les CGV restent le socle des négociations qui peuvent en résulter.

Les CGV pouvant être négociées, les cocontractants peuvent valablement décider d’un commun accord d’écarter pour partie les CGV du fournisseur, à condition de ne pas soumettre celui-ci à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En outre, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut établir des CGV différenciées selon les catégories d’acheteurs ou de demandeurs de prestations de services.

Dans ce cas, l’obligation de communication porte sur les CGV applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestations de services d’une même catégorie (article L. 441-6, I-al. 6 du Code de commerce).

Un fournisseur peut donc définir par avance plusieurs socles de négociation selon le type de partenaires. Il est responsable de la définition des catégories, mais naturellement celles-ci doivent répondre à des critères objectifs qui permettent de viser tous les opérateurs répondant à ces critères.

Par ailleurs, bien que les pratiques discriminatoires ne soient plus spécifiquement interdites, le traitement des différentes catégories de clients ne doit pas constituer un acte de concurrence déloyale, créer un déséquilibre significatif dans la relation contractuelle fournisseur/distributeur, résulter d’une entente ou constituer un abus de position dominante.

A titre d’exemple, une catégorie ne saurait être conçue pour un opérateur en particulier.

En revanche, il est légal d’avoir une catégorie de clientèle même si le fournisseur n’a qu’un seul client de cette catégorie (par exemple, un maxi-discounter) et il également possible de d’opérer au sein d’une même catégorie une négociation de conditions particulières de vente.

Ainsi, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de Conditions Particulières de Vente (ci-après CPV).

Les CPV constituent l’instrument permettant de passer des CGV aux conditions issues de la négociation.

En application de l’article L. 441-6, al. 3 du Code de commerce, les conditions particulières de vente n’ont pas à être communiquées.

Il s’avère, ainsi, important pour tout professionnel d’établir des conditions générales de vente qui non seulement respectent la loi mais également correspondent à sa façon de travailler, à ses objectifs et aux usages de sa profession. La communication systématique ou non et les modalités de cette communication doivent être décidées au regard de ces mêmes critères.

Jean-Baptiste Rozès Avocat www.ocean-avocats.com