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Evolutions et perspectives de la Kafala et de l’adoption simple entre le Maroc et la France. Par Karim Adyel, Avocat.
Parution : lundi 23 juillet 2012
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Exposé de l’étude doctrinale et jurisprudentielle comparative entre la Kafala et l’adoption simple. Maitre Karim ADYEL, Docteur d’état français en droit comparé.

L’objectif de Maitre Adyel était de préparer une étude doctrinale et jurisprudentielle comparative entre les deux institutions (Kafala et Adoption simple) ainsi que d’envisager des solutions juridiques pour parvenir à faire reconnaitre par la France le statut de la Kafala comme démarche d’adoption.

1. Etude comparative des deux régimes

Deux statuts encadrés par des lois – En France, l’adoption simple est régie par les dispositions qui sont prévues aux articles 360 à 370-2 du code civil français.

Au Maroc, c’est la loi 15-01 relative à la prise en charge des enfants abandonnés qui s’applique en la matière et qui est définie dans son article 2.
Cette loi est composée de 32 articles prévoyants la condition de la Kafala, sa procédure ainsi que son exécution.

Il faut également rappeler que la Kafala est un concept juridique reconnu par le droit international prévu par la convention des nations unies du 20 Novembre 1989 relative au droit de l’enfant dans son article 20. En revanche, La convention de la Haye du 29 Mai 1993 sur la protection des enfants exclue la Kafala de son champ d’application puisqu’elle ne concerne que les formes d’adoption où il y a création d’un lien de filiation.

Dans les deux législations (Française et Marocaine), l’adoption est réservée à des époux mariés depuis 2 ans ou âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans ou à des personnes seules âgées de plus de 28 ans L’adoption simple en droit français ne pose pas de condition d’âge de l’adopté.

- Des dispositions similaires en ce qui concerne la filiation et la succession

Le statut de l’adoption simple dans le droit français intéresse les familles adoptantes qui seraient soucieuses de respecter les conditions de la Kafala, à savoir l’impossibilité de filiation avec les enfants recueillis. En effet, en droit français, dans le cas de l’adoption simple, les liens de filiation préexistants ne sont pas rompus, l’adopté conservant ses droits notamment héréditaires dans sa famille d’origine. Elle n’implique pas l’acquisition automatique de la nationalité française.

De ce point de vue, la Kafala, également appelée en France recueil légal, est analogue à l’adoption simple car elle n’opère pas de rupture totale et irrévocable des liens de filiation préexistants.

2. Etude jurisprudentielle

La jurisprudence française a longtemps souffert d’un défaut d’unité, ce qui a poussé le législateur à élaborer la loi du 6 Février 2001 relative à l’adoption internationale prévoyant notamment le conflit des lois en la matière.

L’étude de la jurisprudence en France, concernant l’adoption d’enfants marocains, montre que malgré une certaine résistance des juges de fond, la Cour de cassation semble admettre que le juge puisse s’affranchir des limites de la loi nationale pour apprécier le consentement même de la Kafala.

Ainsi, dans une décision du 19 Juin 1997, la cour d’appel de Paris a considéré que tel était le cas lorsque les adoptants de nationalité française, après avoir obtenu successivement une Kafala marocaine puis une autorisation judiciaire de sortie du territoire et un acte notarié d’institution d’héritier, peuvent produire un acte du juge marocain, représentant légal du mineur, autorisant une régularisation de la situation de ce dernier auprès des autorités judiciaires françaises. La réponse dénuée d’ambigüité des autorités marocaines à la demande française qui leur avait été adressée permet de considérer que le juge marocain a donné un consentement éclairé à la demande d’adoption plénière.

La Cour d’appel de Toulouse a autorisé, le 22 novembre 1995, la transformation d’une Kafala en adoption simple, estimant que ces deux institutions étaient assimilables. La cour d’appel de Paris a rendu une décision identique, le 22 Mai 2001. La cour d’appel de Reims a prononcé, le 02 Décembre 2004, une Kafala marocaine en adoption simple.

Toutefois, par décision du 10 Octobre 2006, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Reims, considérant que du moment que la loi marocaine interdit l’adoption et que, par ailleurs, le mineur n’était pas né et ne résidait pas habituellement en France, la Cour d’appel de Reims a violé l’article 370-3, alinéa 2 du code civil français introduit par la loi du 6 février 2001 qui dispose que : « l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si le mineur est né et réside habituellement en France ».

3. Pistes de solutions

Il semble que la seule manière susceptible à apporter des solutions juridiques à cette problématique est de se situer d’un point de vue international.

Dans ce sens, et si l’on se réfère à la loi belge du 6 Décembre 2005 qui a introduit la Kafala dans son dispositif juridique interne sous certaines conditions à remplir, cette loi se rapproche considérablement de l’adoption simple. Sur le plan pratique, en suivant la procédure fixée, des personnes de nationalité belge parviennent à adopter légalement des enfants marocains abandonnés.

A l’instar de l’exemple belge, et dès qu’un accord similaire sera trouvé entre le Maroc et la France, il n’y aura plus de problème quant à l’application de cet accord qui, en respectant les conventions et traités internationaux, écartera de fait et de droit l’application de la loi 15-01 sur la Kafala ou invitera les états français et marocain à incorporer de nouvelles dispositions dans leur droit positif interne après avoir légiféré en la matière.

Maître Karim ADYEL. Docteur d'Etat Français en Droit comparé, Avocat pluridisciplinaire. docteurkarimadyel@yahoo.fr
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