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Agents Publics, CDD, CDI et Allocations chômage. Par Perrine Athon-Perez, Avocat
Parution : mercredi 29 août 2012
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Le point sur les droits de l’agent contractuel arrivant au terme de son contrat à durée déterminée. Dans la fonction publique, le recours aux agents contractuels doit rester exceptionnel. En effet, le principe doit demeurer celui de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires. Pour éviter un recours abusif aux agents contractuels par l’administration, la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 rappelle et clarifie les conditions dans lesquelles ce recrutement peut intervenir.

1. La limite des six années de contrats à durée déterminée (CDD)

Sous réserve de conditions de fond énumérées par des textes spécifiques, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ce contrat est renouvelable par reconduction expresse dans la limite d’une durée maximale de six ans. Au delà, si un renouvellement est envisagé, il ne pourra en principe l’être que pour une durée indéterminée et par décision expresse.

Il est intéressant d’observer que la loi du 12 mars 2012 assouplit les modalités de calcul de l’ancienneté en admettant la prise en compte de services accomplis de manière discontinue sous réserve que la durée des interruptions n’excède pas quatre mois.

Dès lors, l’administration dispose d’une alternative : soit elle renouvelle expressément l’engagement de son agent par un contrat à durée indéterminée, soit elle ne le renouvelle pas.

Cette circonstance emporte deux conséquences.

2. L’absence de droit à un contrat à durée indéterminée (CDI)

D’abord, en ce qu’un agent contractuel ne bénéficie d’aucun droit à se voir offrir un CDI.

En effet, l’administration dispose d’une faculté de pérenniser la collaboration, et peut parfaitement décider de ne pas reconduire le contrat.

La loi se borne à poser la règle selon laquelle si, au-delà du délai maximal de six ans, l’administration décide de renouveler l’engagement, ce renouvèlement ne pourra intervenir que par le biais d’un contrat à durée indéterminée.

3. L’absence de droit à la requalification du CDD illégal en CDI

Ensuite, et c’est certainement le point le plus intéressant de ce système en pratique, aucun droit à la requalification en contrat à durée indéterminée n’existe en droit de la fonction publique contrairement au droit du travail.

La loi n°2012-347 du 12 mars 2012 n’y a rien changé.

Prenons l‘hypothèse dans laquelle le contrat conclu avec l’administration serait tacitement renouvelé, soit par le maintien de fait de l’agent en fonction au terme de son contrat, soit par l’application d’une clause de tacite reconduction irrégulièrement incluse dans le contrat.

En droit de la fonction publique, la règle posée est celle de la reconduction expresse.

Dès lors, un contrat conclu sous la forme d’un contrat à durée déterminée ne pourra nullement se voir conférer une durée indéterminée au seul motif qu’il ne respecte pas le seuil légal de six ans. Et cela, même par le biais d’une action devant le juge administratif.

Le renouvellement de fait d’un contrat à durée déterminée n’aura pour seule conséquence la conclusion d’un nouveau contrat de même durée.

L’administration se trouve alors dans une position de force, et ce, à double titre.

4. Les conséquences du refus de signer un nouveau CDD sur l’assurance chômage

En effet, non seulement, aucun texte ne lui impose de renouveler le contrat d’un agent mais en outre, le refus de l’agent de renouveler son engagement sous la forme d’un contrat à durée déterminée emporte des conséquences importantes sur son indemnisation au titre du chômage.

Les allocations chômage étant payées par l’administration dont relève l’agent, son refus de signer un nouveau contrat à durée déterminée sera sans nul doute analysé comme une démission de la part de l’employeur public.

L’indemnisation du chômage est possible lorsque les agents sont involontairement privés d’emploi. Il est de jurisprudence constante que le chômage est involontaire quand la perte d’emploi n’est pas du fait de l’agent. Dans cette perspective, la démission n’ouvre, en principe, pas de droit à indemnisation puisqu’elle constitue un départ volontaire.

Ainsi, lorsque l’agent refuse le renouvellement de son contrat, le juge administratif a-t-il estimé que l’employeur public pouvait refuser de l’indemniser au titre du chômage.

Toutefois, afin d’apporter un minimum de protection à l’agent, le juge administratif admet que l’intéressé puisse prétendre à une indemnisation lorsque sa démission présente un motif légitime, qui peut notamment résulter de « considérations d’ordre personnel ou au fait que le contrat a été modifié de façon substantielle sans justification de l’employeur » (CE, 13 janvier 2003, n° 229251). Dans de telles circonstances, la Haute juridiction assimile la démission à une perte involontaire d’emploi ouvrant droit à indemnisation.

En définitive, l’agent qui, au terme de six années d’engagement à durée déterminée, se voit offrir par son administration un nouveau CDD, ne peut pas lui imposer la conclusion d’un CDI. En outre, s’il refuse de signer pour un peu plus de précarité, il risque de perdre son droit à percevoir des allocations chômage pendant qu’il cherche un nouvel engagement.

La limitation de la succession des CDD est certes une mesure visant à limiter la précarité de l’emploi dans la fonction publique. Mais, en pratique, on se rend bien compte qu’elle ne confère pas aux contractuels publics les mêmes garanties que celles des salariés du secteur privé qui, en plusieurs hypothèses, bénéficient du droit à la requalification du contrat en CDI. C’est pourtant cette menace de la requalification qui porte le vrai pouvoir dissuasif à l’égard des employeurs.

Il n’en demeure pas moins que la question du renouvellement sous la forme d’un contrat à durée indéterminée est relativement récente. Même si les agents publics ne disposent pas d’un droit à obtenir un contrat à durée indéterminée, le juge administratif tend à examiner les conditions dans lesquelles l’administration décide de ne pas renouveler leur engagement.

Ainsi, par exemple le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise jugea en 2011 qu’au vu des circonstances de l’espèce, la requérante avait « vocation à bénéficier d’un contrat à durée indéterminée après six années continues de fonctions » (Ordonnance du Tribunal administratif de Cergy Pontoise, 29 août 2011, n° 1106712). On peut ainsi espérer que cette décision d’espèce annonce un régime davantage protecteur pour les agents.

La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 vient, en partie, combler cette attente en obligeant l’administration à proposer de transformer en CDI les CDD des agents non-titulaires qui remplissent certaines conditions à la date de publication de la loi. Ce faisant, elle renforce la place du CDI au sein des trois fonctions publiques.

Sous réserve de quelques exclusions, l’agent contractuel qui aura accompli auprès du même employeur public une durée de services effectifs au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la loi, devra pouvoir bénéficier de ce régime législatif. Pour ceux âgés d’au moins 55 ans au 13 mars 2012, ils devront justifier de trois années de services effectifs accomplies au cours des quatre dernières années.

Toutefois, il est à noter que ce contrat pourra prévoir la modification des fonctions de l’agent, sous réserve qu’il s’agisse de fonctions du même niveau de responsabilités. En cas de refus, l’agent restera régi par les stipulations du contrat en cours.

Me Perrine ATHON-PEREZ Avocate à la Cour Cabinet ATHON-PEREZ contact@padp.fr www.athon-perez-avocat.com
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