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Les récompenses : quand un calcul s’impose. Par Sabine Haddad, Avocat.
Parution : mardi 9 octobre 2012
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Le 26 septembre 2012, la première chambre civile de la Cour de Cassation nous rappelle l’importance de la règle "l’accessoire suit le principal" en ce qui concerne l’édification d’un immeuble sur un terrain propre à un époux et le calcul de la récompense dans un régime communautaire.

Toute construction édifiée sur un terrain propre est elle-même propre.

Au visa des articles 552, 1406 et 1469 al 3 du code civil, la cour nous rappelle que : " la récompense doit être égale, non à la valeur du bien, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel celle-ci était implantée et déterminée d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté avaient contribué au financement de l’amélioration du bien propre de l’épouse, la cour d’appel a, par refus d’application, violé les textes susvisés ;"

I- Analyse de 1ère Civ 26 septembre 2012 pourvoi N° 11-20.196

A) L’accessoire suit le principal

L’article 552 du code civil dispose :

"La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre des servitudes ou services fonciers.

Il peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de police."

article 1406 du code civil

"Forment des propres, sauf récompense s’il y a lieu, les biens acquis à titre d’accessoires d’un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres.

Forment aussi des propres, par l’effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres, ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux articles 1434 et 1435."

Dans l’arrêt commenté, une maison d’habitation avait été construite durant le mariage sur un terrain propre de l’épouse, c’est à dire qui lui appartenait avant l’union.

Celle-ci avait démontré que sa mère avait financé une petite partie de cette construction, et donc que ce n’était pas la communauté qui l’avait financée en grande partie. avec de l’argent commun.

Pour la cour d’appel, cette maison constitue un acquêt de communauté d’une valeur actuelle de 53 356 euros.

La cour fixe à 26 678 euros le montant de la récompense due par la communauté au mari au titre de son apport dans la construction du bien commun"

B) La cassation était encourue sur plusieurs fondements visés

D’abord parce que l’immeuble a été édifié sur un terrain propre de l’épouse, et constituait lui-même un bien propre.

Ensuite parce que cette dernière devait à la communauté une récompense égale, non à la valeur du bien, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel celle-ci était implantée et déterminée d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté avaient contribué au financement de l’amélioration du bien propre de l’épouse...

II- Quelle récompense sera due à la communauté ?

A) Rappel de notions importantes en régime communautaire

1°-Le régime communautaire vise 3 sortes de patrimoines.

- Les biens propres de chaque époux (ceux leur appartenant à titre personnel), étant précisé que dans le régime légal tous biens possédés avant le mariage ou reçus par donation ou succession sont des biens propres.

- Les biens communs, constitués des gains et salaires des époux, ceux acquis durant le mariage.

C’est dans ce cadre précis, que les mouvements effectués entre les divers patrimoines seront envisagés afin d’évaluer les indemnités ou « récompenses » au sein de cette communauté.

2°- Les mouvements des patrimoines

La récompense représente une indemnité due lors de la dissolution du régime matrimonial à la communauté lorsque le patrimoine personnel d’un époux s’est enrichi au détriment de celle-ci ou à l’époux si la communauté s’est enrichie à son détriment.

Ce procédé technique est destiné à maintenir, l’équilibre des patrimoines propres des époux et de leur patrimoine commun, pour éviter que la masse de biens commune ne se trouve, au moment du partage, augmentée ou diminuée au détriment, ou au profit du patrimoine propre de l’un des époux.

L’article 1433 du code civil précise :

« La communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit des biens propres."

N’oublions pas que la preuve d’une récompense due à la communauté sera facilitée par la présomption de communauté de l’article 1402 du Code civil de la dépense faite avec des deniers communs.

L’article 1437 du code civil dispose :

« Toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense »

B) Calcul de la récompense due

L’article 1469 du code civil régit le calcul des récompenses en ces termes :

« La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ( c’est-à-dire la plus-value). Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.

Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ;
si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. »

Dans notre espèce, que retenir ?

La récompense d’un époux à la communauté, ne doit s’entendre que si la construction a été faite sur un terrain possédé en propre, mais avec des fonds provenant de la communauté ( gains et salaires, acquêts de la communauté...).

Dans les faits une partie avait été financée par la mère.

Ensuite, il faudra vérifier si l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté. Dans ce cas , il en doit la récompense

Enfin, le montant de la récompense sera calculé non pas selon la valeur du bien mais sur la plus-value procurée par la construction et d’après la proportion dans laquelle les fonds communs ont contribué au financement de la construction.

Le profit subsistant lié à l’enrichissement de l’époux sera calculé sur la base de l’article 1469 al 3 du code civil précité.

-La Récompense ne s’exercera que sur la valeur de la maison et non sur la valeur du terrain, possédé en propre.

-La dépense faite par la communauté devra être prise en compte = (la dépense payée par la communauté liée à la construction de l’immeuble uniquement.)

-La récompense s’entend du profit subsistant qui prendra en compte la plus-value procurée par la construction (valeur actuelle de l’immeuble ) – valeur actuelle du terrain (sans la maison).

III Présentation de 1ère Civ 26 septembre 2012 pourvoi N° 11-20.196 Cassation partielle

Demandeur(s) : Mme X...

Défendeur(s) : M. Y...

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 552 et 1406 du code civil, ainsi que l’article 1469, alinéa 3, du même code ;

Attendu qu’il résulte des deux premiers de ces textes que l’immeuble construit sur le terrain propre à l’un des époux, pendant la durée du mariage et à l’aide de fonds provenant de la communauté, constitue lui-même un bien propre, sauf récompense due par l’époux à la communauté ; que, selon le troisième, la récompense est égale au profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après le prononcé du divorce de M. Y... et de Mme X..., le 18 octobre 2002, un différend les a opposés sur la récompense due par l’épouse à la communauté au titre du financement de la construction, pendant le mariage, d’une maison d’habitation sur un terrain lui appartenant en propre ;

Attendu qu’après avoir retenu, par motifs propres et adoptés, que si les relevés de comptes bancaires de Mme X... permettaient d’établir que sa mère avait effectué plusieurs versements d’un montant total de 548,81 euros, ces quelques éléments ne prouvaient pas que la construction de l’immeuble avait été financée intégralement par Mme X..., une telle somme étant insuffisante à permettre l’édification d’une maison d’habitation, et que, dans son attestation, la mère de Mme X... ne soutenait d’ailleurs pas avoir financé intégralement la construction, l’arrêt décide que la maison constitue un acquêt de communauté et, après avoir constaté que "la valeur du bien" est de 53 356 euros, fixe à 26 678 euros le montant de la récompense due par la communauté à M. Y... "au titre de son apport dans la construction du bien commun" ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’immeuble litigieux, édifié sur un terrain propre de l’épouse, constituait lui-même un bien propre, et que cette dernière devait à la communauté une récompense égale, non à la valeur du bien, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel celle-ci était implantée et déterminée d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté avaient contribué au financement de l’amélioration du bien propre de l’épouse, la cour d’appel a, par refus d’application, violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a confirmé le jugement ayant constaté que la communauté se trouve composée d’une maison d’habitation édifiée sur un terrain propre de l’épouse sis au [...] et fixé à 26 678 euros la récompense due par la communauté à M. Y... au titre de son apport dans la construction du bien commun, l’arrêt rendu le 16 février 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée

Sabine HADDAD Avocate à la Cour http://avocats.fr/space/sabine.haddad http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/modules/presentation.php
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