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Questions et réponses pratiques en droit équin. Par Juan Carlos Heder, Avocat.
Parution : lundi 15 octobre 2012
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Suite à mon article de janvier dernier où je traitais la question de la responsabilité civile de l’èleveur, je pense que quelques précisions s’imposent en la matière notamment déterminer quelles peuvent être les victimes couvertes par la responsabilité civile édictée par l’article 1385 du Code Civil.

De plus, je traiterai le problème de l’achat d’un cheval fait après une visite vétérinaire préalable.

1) Blessures occasionées par un cheval à un animal domestique :

Dans mon article de janvier dernier, j’avais traité la problématique de la responsabilité d’un éleveur détenteur de poulinières et de poulains en cas de dommages causés à des tiers, dans l’enclos et hors celui-ci.

Je rappelle la teneur de l’article 1385 du Code Civil :
“le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.”

La réponse doit être précisée dans le sens de savoir quelles sont les victimes protégées par l’article 1385 du Code Civil.

La responsabilité établie par l’article 1385 du Code Civil à l’encontre du gardien de l’animal l’est en faveur des tiers victimes du dommage causé par l’animal (Cass.Civ.2ème, 2 décembre 1982)

La jurisprudence de la Cour de Cassation a ainsi permis d’établir que ne peuvent être assimilées à des victimes protégées par l’article 1385 du Code Civil –et, par conséquent, indemnisables- le gardien même de l’animal.

C’est ainsi que dans son arrêt du 13 juin 1985, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que les blessures occasionnées par un cheval à l’encontre d’un maréchal-ferrant n’étaient pas indemnisables car le maréchal-ferrant était devenu lui-même gardien de l’animal alors qu’il était sous son contrôle. Ainsi :
...” MAIS ATTENDU QUE PAR MOTIFS PROPRES ET ADOPTES L’ARRET RETIENT QUE LORSQU’IL A ETE BLESSE PAR LA POULICHE, M. B..., MARECHAL FERRANT EXPERIMENTE, DONNAIT A CELLE-CI LES SOINS RELEVANT DE SON ETAT, AIDE EN CELA PAR UN LAD JOCKEY ET UN OUVRIER AGRICOLE QUI MAINTENAIENT L’ANIMAL PENDANT QUE M. C... PASSAIT LES OUTILS NECESSAIRES ;
QUE DANS LE CADRE DE CET ACTE PROFESSIONNEL M. B... POUVAIT DONNER TOUTES INSTRUCTIONS UTILES A CEUX QUI ETAIENT PRESENTS POUR L’ASSISTER ;
QUE DE CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS LA COUR D’APPEL QUI A AINSI REPONDU AUX CONCLUSIONS, A PU, JUSTIFIANT LEGALEMENT SA DECISION, DEDUIRE QU’AU MOMENT DE L’ACCIDENT LA GARDE DE L’ANIMAL AVAIT ETE TRANSFEREE A M. B... ET QUE, DES LORS, LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 1385 DU CODE CIVIL NE POUVAIENT RECEVOIR APPLICATION
 ;”

Par conséquent, les blessures occasionnées par un cheval au gardien même de l’animal –ne serait-ce que par profession, tel un vétérinaire ou un maréchal-ferrant- ne sont donc pas indemnisables au sens de l’article 1385 du Code Civil car le gardien de l’animal ne peut être assimilé à un tiers.

D’autre part, on peut se poser la question de savoir si la responsabilité au sens de l’article 1385 du Code Civil peut être recherché en cas de dommage causé par un cheval – dans une pâture clôturée avec des lices et piquets en bois située en bordure d’un chemin communal par exemple- à l’encontre d’un chien qui pénétre dans cette pâture.

En théorie, rien n’exclut de rechercher la responsabilité du gardien d’un cheval -au sens juridique du terme- qui cause un dommage à un chien encore faut-il qu’il n’y ait pas faute du propriétaire du chien.

En effet, je rappelle que la présomption de responsabilité de l’article 1385 du Code Civil cède devant la preuve de la faute de la victime (Cass.Civ.2ème, 18 octobre 1995).

Si un chien pénètre dans la pâture où il y a le cheval, c’est que, forcément, le chien a échappé à la garde et au contrôle du propriétaire du chien. D’où faute de sa part. Par conséquent, le propriétaire du chien ne pourra rechercher la responsabilité du détenteur du cheval sur le fondement de l’article 1385 du Code Civil car le propriétaire du chien est lui même fautif car il a laissé s’échapper son chien.

2) Achat d’un cheval fait après une visite vétérinaire préalable :

La deuxième question à laquelle je tenterai de répondre dans ce numéro est celle de l’achat d’un cheval fait après une visite vétérinaire préalable.

Que se passe t-il si ensuite le cheval meurt quinze jours après des suites, par exemple, d’une occlusion intestinale causée par un ténia.

La responsabilité du vétérinaire peut être engagée uniquement s’il a commis une faute dans l’appréciation de son diagnostic. La preuve de la faute du vétérinaire devra être prouvé par l’acheteur. Rappelons qu’en la matière, le vétérinaire a seulement une obligation de moyens et non pas une obligation de résultats.

Quant à la responsabilité du vendeur, peut-elle être engagée ? Tout dépend s’il est de bonne foi ou non, s’il est ou non professionnel et si, oui ou non, il existe une clause de non-garantie des vices cachés.

Si le vendeur est de mauvaise foi –en ayant occulté des informations importantes au vétérinaire entraînant par la-même un diagnostic erroné de la seule faute du vendeur-, la vente peut être annulée sur le fondement du dol, en application de l’article 1116 du Code Civil, c’est à dire que “lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté”.

Si le vendeur est de bonne foi, entre alors en jeu la responsabilité classique pour vices rédhibitoires.

Par disposition de l’article R 213-1 du Code Rural sont réputés vices rédhibitoires et donnent seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du Code Civil, les maladies ou défauts définis par cet article à savoir :
-  l’immobilité : incoordination de l’appareil locomoteur (cheval hébété, lenteur des mouvements, impossibilité de reculer …)
-  l’emphysème pulmonaire : pathologie de l’appareil respiratoire profond provoquant une toux caractéristique et une expiration forcée
-  le cornage chronique : bruit caractéristique, lors de l’inspiration, due à la paralysie du muscle du larynx
-  le tic proprement dit avec ou sans usure des dents : le cheval avale de l’air ; le plus souvent, il s’appuie en mordant, entraînat une usure anormale des dents
-  les boîteries anciennes intermittentes : irrégularité des allures due à une lésion ou un trouble mécanique. L’antériorité de la boîterie à la vente doit être prouvée
-  l’uvéité isolée : affection de l’oeil entraînant la cécité
-  l’anémie infectieuse : maladie virale contagieuse entraînant un amaigrissement et de la fièvre intermittente.

L’acheteur, à peine d’être non recevable, doit provoquer la nomination d’expert vétérinaire dans un délai très court auprès du tribunal d’instance du lieu où se trouve le cheval. Ce délai est de dix jours à compter de la livraison pour les maladies définies avant sauf pour l’uvéité isolée et l’anémie infectieuse dont le délai est de trente jours à compter de la livraison.

La demande de nomination d’expert vétérinaire doit se faire par une requête verbale ou écrite auprès du tribunal d’instance qui nomme un ou trois experts qui sont chargés de dresser procès-verbal.

Ces experts vérifient l’état de l’animal, recueillent tous les renseignements utiles, donnent leur avis et, à la fin de leur procès-verbal, affirment par serment la sincérité de leurs opérations.

Il est à noter qu’en cas de décès du cheval, l’acheteur doit engager l’action dans les délais de dix ou trente jours à compter de la livraison, et qu’il doit prouver que la mort du cheval est dûes à l’une des maladies définies comme vices rédhibitoires par le Code Rural.

Dans le cas d’un vendeur professionnel et d’un acheteur non-professionnel, entre alors en application le Code de la Consommation avec son régime plus souple d’introduction de l’instance dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice (art. 1648 Code Civil) et sans limitation de maladies rédhibitoires établie par le Code Rural.

Dans le cas pratique posé –celui où le cheval meurt quinze jours après la visite vétérinaire préalable des suites d’une occlusion intestinale causée par un ténia-, nous ne sommes pas en présence d’une maladie qui constitue un vice rédhibitoire au sens de l’art. R 213-1 du Code Rural. Le vendeur n’est donc pas tenu à garantir le vice caché.

Par contre, si le vendeur est un professionnel et l’acheteur un consommateur, nous serions dans le délai légal de deux ans et comme il n’y a pas de liste de maladies rédhibitoires, la responsabilité du vendeur pourrait être recherchée.

Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente (art. 1646 Code Civil). Ce qui exclut les frais de pension et de maréchalerie engagés postérieurement à la vente d’une jument atteinte de vice caché (Cass.Civ.1ère, 16 juillet 1998).

Dans le cadre d’une vente faite entre professionnels des chevaux, lorsqu’une visite vétérinaire préalable est effectuée, il convient de prévoir pour le vendeur une clause de non-garantie des vices cachés comme le permet l’article 1643 du Code Civil sinon sa responsabilité peut être recherchée en fonction du régime des vices rédhibitoires vu précedemment.

C’est pourquoi, il est toujours conseillé de prévoir un contrat écrit de vente afin d’éviter, dans la mesure du possible, des désagréments. Car, nous l’avons vu, le simple fait d’effectuer une visite vétérinaire préalable ne dégage pas en soi la responsabilité du vendeur.

Me Juan Carlos Heder Abogado au Barreau de Valencia & au Barreau du Gers http://www.maitrejcheder.com
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