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Le mariage homosexuel : une fausse bonne idée. Par Dominique Esselin, Juriste.
Parution : mercredi 24 octobre 2012
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Dans sa proposition numéro 31 de son projet présidentiel, le candidat socialiste François HOLLANDE – aujourd’hui Président de la République – voulait « lutter sans concession contre toutes les formes de discrimination et ouvrir de nouveaux droits ». Par là, il voulait ouvrir le droit au mariage et à l’adoption. La logique de cette proposition de loi , faite lors du Congrès de Toulouse du 26 au 28 octobre 2012, s’inscrit dans une volonté d’une société juste fondée sur l’égalité.

Aujourd’hui, cette proposition fait l’objet d’un projet de loi et ravive les tensions et les discours les plus extrêmes que l’on avait entendu lors de la loi sur le pacte Civil de Solidarité, avec d’un côté les défenseurs du mariage homosexuel, dont certains accusent les opposants d’homophobie et de l’autre, lesdits opposants, dont certains font un amalgame entre homosexualité, pédophilie et les mariages consanguins.

Poser la question aujourd’hui du mariage homosexuel, c’est se poser la question de l’égalité des couples homosexuels vis-à-vis des couples hétérosexuels. En fait, il s’agit de reposer la même question que celle qui a été poser en 1999 lors de la loi sur le PACS (Pacte Civil de Solidarité). Plus que ça encore, il s’agit de remettre en question la philosophie du PACS au profit du mariage et d’oublier – peut-être un peu trop rapidement – toute l’évolution du PACS depuis ces dernières années.

Aussi, il faut se poser la question suivante : est-ce une bonne idée de légaliser le mariage homosexuel ? Cette question pose deux problématiques complémentaires. La première est celle de l’égalité des droits issus du mariage et la deuxième est celle de l’alternative au mariage homosexuel.

Nous démontrerons que le « mariage homosexuel » peut ne pas passer uniquement par l’institution du mariage (I) et que, plus encore, le PACS, et son indispensable réforme, est la solution naturelle aux diverses revendications (II).

I/ Mariage vs union homosexuelle

Le « mariage » peut-il être universel ? les couples homosexuels peuvent-ils avoir les mêmes droit qu’un couple hétérosexuel ? Ce sont les deux questions centrales qui secouent notre société depuis plus d’une décennie et qui n’ont pas trouvé leur réponse. C’est la raison pour laquelle, le gouvernement se penche sur la question du mariage homosexuel. Dans son exposé des motifs, le gouvernement pose le postulat que le mariage homosexuel va répondre à l’aspiration des couples homosexuels de faire et de vivre comme les couples hétérosexuels. Cependant, le mariage répond à une tradition que l’on ne peut difficilement occulter (A) mais qui pose problème au regard du principe d’égalité des droits(B).

A/ le mariage : une union traditionnellement hétérosexuelle.

Le mariage est à l’origine une union purement hétérosexuelle, ce qui n’est pas remis en cause, même par la loi sur le mariage homosexuel (1), union revendiquée par des groupes de pensée dit « anti », groupe opposés très farouchement à cette lois (2)

1) une définition qui ne souffre pas vraiment de contestation.

Dans nombre de dictionnaires, que ce soit la définition donnée par Gérard CORNU mais aussi dans le dictionnaire LE ROBERT, par exemple, le mariage est défini comme étant l’union d’un homme et d’une femme. Dit autrement, le mariage est vu comme étant une union hétérosexuelle, sans pour autant aborder cette notion. C’est une définition traditionnelle qui ne souffrait pas de discussion, jusque récemment. Ce n’est que depuis les années 1990 que la question de l’union uniquement hétérosexuelle ou de l’acceptation du mariage homosexuelle se pose.

En effet, depuis l’Antiquité, le couple est composé d’un homme et d’une femme, dans n’importe quelle société, que ce soit chez les grecs, les romains, les égyptiens ou d’une manière générale, en ce qui concerne la France, à n’importe quelle époque. Le code civil napoléonien, en son article 144, dispose que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ». Cette article reste à ce jour inchangé : le mariage reste à ce jour l’union d’un homme et d’une femme.

La dimension hétérosexuelle n’est au départ qu’implicite. Jusque dans les années 1990, il ne faisait aucun doute que le mariage était celui d’un homme et d’une femme ; C’est la raison pour laquelle, il n’existe aucune définition dans le code civil napoléonien. Les seules questions qui revenaient dans l’histoire étaient plutôt celles du divorce ou du folklore lié au mariage (reconnaissance du mariage religieux ou du mariage civil). Ce n’est en effet que récemment, en France, un peu moins récemment à l’étranger, que cette dimension hétérosexuelle est remise en cause. C’est seulement en 2007 que, pour la première fois, la Cour de cassation (Civ. 1ère 13/3/2007, pourvoi numéro 05-16627) a rappelé que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. Cette décision est l’aboutissement judiciaire du mariage dit de BEGLES. Le maire de cette commune, Noël MAMERE, afin de faire bouger les mentalités – et éventuellement marquer un coup politique - a célébré et reconnu, en tant qu’officier d’état civil, l’union de deux hommes. Selon Noël MAMERE, il existait un vide juridique. Dans cette arrêt, qui n’a fait que confirmer la position de la Cour d’Appel qui a annulé ledit mariage, la Cour de Cassation a rappelé ce principe et n’a donc pas reconnu le vide juridique, bien au contraire.

Cependant, la Cour de Cassation a néanmoins précisé qu’il ne lui appartenait pas de s’ériger en arbitre de la morale : son seul devoir est d’appliquer le droit. Si le droit définit le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, alors les juges du fond devront annuler tout mariage homosexuel. Il faut lire cette décision avec les yeux de l’Avocat Général qui a précisé – à raison – qu’il s’agit d’un simple constat sur le droit positif. Il n’appartient qu’au seul Législateur de remédier à ce problème. Tout le problème est donc là : faut-il une loi en ce sens, ou pas ?

2) le mariage : une tradition exclusivement hétérosexuelle.

Parler de tradition, c’est parler de folklore mais aussi d’institution dont le caractère religieux est encore largement prédominant dans nos sociétés actuelles. C’est la position des opposants à la légalisation du mariage homosexuel, dont Madame Christine BOUTIN. En France, il est indéniable que le code civil a emprunté le point de vue porté par les religions chrétiennes. En effet il est admis d’une manière générale, selon DURKHEIM, que la loi est l’expression de la coutume, c’est-à-dire l’aboutissement d’un usage général et prolongé (repetitio). Henri BATIFFOL, dans sa Philosophie du Droit (Paris, PUF, n°857, 1966, 1ère Edition 1960, p34-35) résume cette pensée de la manière suivante : la loi apparaît moins directement comme un fait social, parce qu’elle est œuvre volontaire ; mais son objectif doit être de lire dans les faits sociaux les règles qu’elle doit consacrer, au besoin en les aménageant […] Rapporté au mariage, cela signifie que si les religions chrétiennes du XIXème siècle retenait cette définition, il est normal que la loi la retienne. Aujourd’hui, cette définition est applicable à l’ensemble des religions pratiquées (ou au moins les plus importantes en France).

Le mariage a deux dimensions : une dimension institutionnelle et une dimension rituelle.

a/ la dimension institutionnelle du mariage.

Depuis les temps anciens, le mariage est vu comme l’union de deux êtres dont l’objectif est de se reproduire. Si les raisons profondes ont changés au fil des siècles (union de famille chez les grecs et les romains, dans l’Antiquité, union vue comme étant une alliance, à un mariage d’amour aujourd’hui avec l’idée de fonder une famille et lui donner un caractère « officiel »), cette idée de reproduction est prépondérante. Aussi, il est reconnu – et cela ne nous apprend rien – qu’un couple du même sexe ne peut pas se reproduire. C’est la raison pour laquelle les religions considèrent ce mariage comme contre nature. Cependant, il ne nous appartient pas d’émettre un quelconque jugement – qui ressort de l’avis personnel de tout un chacun - mais simplement de rappeler un fait. Par conséquent, l’idée d’une loi autorisant le mariage homosexuel ne peut que conduire à la division.

b/ la dimension rituelle du mariage

Aujourd’hui, si seul le mariage civil n’a de valeur aux yeux de la loi, le rituel reste encore aujourd’hui très présent. Ainsi, on note que plus de 60% des mariages sont célébrés civilement mais aussi religieusement (toutes religions confondues). Si les convictions religieuses sont de plus en plus mises de côté au profit du simple folklore (mariage centré sur la mariée et sa fameuse robe qui est au centre des regards), il n’en reste pas moins que ce mariage se fait devant un représentant de la religion choisie (prêtre, pasteur ou encore imam, par exemple). Ainsi, un prêtre, par exemple, refusera de célébrer une union homosexuelle, en France, parce que le Vatican ne le reconnaît pas. La Vatican ne reconnaissant déjà pas le divorce, nous voyons mal comment le mariage homosexuel pourrait être reconnu. Après tout, chez les chrétiens, le couple n’est il pas à l’image d’Adam et Eve (un homme et une femme) ? Aussi, la question du mariage homosexuel ne peut pas faire consensus.

B/ L’union homosexuelle : une union qui tend à se calquer sur le mariage (hétérosexuel)

S’en tenir aujourd’hui au seul constat selon lequel les couples homosexuels ne peuvent s’unir du fait de conceptions religieuses, en fin de compte, n’est pas acceptable, dans un pays comme le nôtre dont le droit repose sur l’égalité des Hommes (sous entendu hommes et femmes). Leur revendication à pouvoir officialiser leur union légalement est donc légitime, si l’on se réfère à le pensée précitée de BATIFFOL. Si, le pacte Civil de Solidarité était assez lointain du mariage, dans son fonctionnement (1), il devient de plus en plus proche du mariage (2)

1/ le Pacte Civil de Solidarité : une reconnaissance du couple homosexuelle.

La question de la reconnaissance de l’union homosexuelle, et à travers celle de l’égalité des droits, ne date pas, comme déjà expliqué en introduction, des dernières élections présidentielles. Déjà, en 1999, la question était posée. Après un long débat dont nous ferons pas ici la génèse, le législateur avait abouti à l’édiction d’une loi portant création du Pacte Civil de Solidarité. Cette loi a d’ailleurs été partiellement améliorée par la loi 2006-728 du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, portant réforme des successions et des libéralités.

L’article 515-1 du code civil définit le pacte civil de solidarité comme étant un contrat conclu entre deux personnes physiques majeures de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune C’est une forme d’union qui crée un vrai cadre juridique pour les couples homosexuels. Il faut rappeler que, jusque là, ces couples n’avaient que le concubinage. Selon un recensement INSEE en 2010, pas moins de 9 000 PACS homosexuels ont été contractés, preuve d’un réel succès.

Tant dans sa philosophie que dans son fonctionnement, le pacte civil de solidarité se veut être une transcription de l’union hétérosexuelle. L’aspect le plus visible de cette transcription est la communauté de vie. L’article 515-4 du code civil dispose que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engage à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. Cet article ne laisse aucun doute sur le fait que le législateur a fait une stricte transposition du régime primaire applicable au mariage. Par cette disposition, les co-pacsés s’obligent à une communauté de vie minimum dont l’idée est d’éviter une rupture brutale qui mettrait l’ancien partenaire dans de réelles difficultés. Les partenaires peuvent augmenter ou diminuer leur intervention matérielle. De ce point de vue, le pacte civile de solidarité n’est pas vraiment différent du mariage (hétérosexuel).

2/ Le PACS : une union civile tendant à devenir un mariage bis.

Le Pacte Civil de Solidarité est l’équivalent de l’union hétérosexuelle. Il est normal qu’il soit en constante mutation puisqu’à l’origine, en 1999, il était lacunaire. Ce présupposé est vrai dans la mesure où le législateur de l’époque ne s’était attaché qu’à la communauté de vie en oubliant toutes les implications qui en découlent très logiquement. Cependant, la loi précité portant réforme des libéralités et des successions améliore très nettement tant les implications patrimoniales quotidiennes que la question du logement..

a/ les implications patrimoniales quotidiennes.

Avant la réforme des libéralités et des successions par la loi précité du 23 juin 2006, le principe de l’indivision était commun tant au mariage qu’au PACS. Ainsi, les biens acquis avant l’union étaient propres à chacun des partenaires (concubin ou co-pacsé) et ne tombait pas dans l’indivision, à la différence des biens acquis après l’union, Toutefois, la possibilité pour les époux, dans le cadre d’un mariage de choisir un système de stricte séparation des biens ou de communauté universelle, n’existait pas pour le PACS.

Cependant, la loi précitée améliore ce point en permettant aux co-pacsés d’opter soit pour un régime d’indivision soit pour une séparation des biens. Il faut d’ailleurs noter que le principe patrimonial du PACS n’est plus celle de l’indivision mais celle de la séparation des biens, ce qui constitue une grosse différence avec le mariage. Cette différence ne reste qu’une différence de principe chaque couple pacsé pouvant désormais choisir un régime d’indivision ou de séparation de biens. Bien évidemment, le droit applicable pour les créanciers d’un des co-pacsés (vu ici comme étant un co-indivisaire) est le droit commun applicable à une indivision. Le créancier du co-pacsé débiteur (et éventuellement défaillant, sinon, aucun problème ne se pose) dispose d’un droit de suite sur les biens indivis. Il existe donc une grosse différence avec le mariage puisque – il faut le rappeler – le conjoint est responsable aussi des dettes contracté par l’époux et réputées être contractées pour la famille, sauf rares exceptions. De ce point de vue, le PACS est plus favorable que le mariage, mais d’une manière générale il n’existe plus de grosse différence fondamentale entre ces deux modes d’union.

b/ la question du domicile commun

Tout comme dans le mariage, la question de la protection du co-pacsé, à l’instar du conjoint, est abordée et trouve un réponse quasiment identique à chacune des deux formes de couple. Dans le cas de la location du logement, deux éventualités sont à envisager. La première est celle où un seul des co-pacsés est titulaire du bail. A son décès ou s’il abandonne le domicile – et à condition que la bailleur ait été prévenu auparavant - le co-pacsé peut bénéficier du bail jusqu’au terme du contrat. La deuxième est celle où le co-pacsé est bailleur : son compagnon peut bénéficier d’un droit de reprise.

Seulement, il existe une différence avec le mariage, en ce qui concerne la propriété du logement par l’un des deux co-pacsés, s’il vient à décéder. Dans le mariage, le conjoint survivant est héritier et devient, de par la loi et uniquement dans ce cas, usufruitier du logement. Dans le cas du PACS, dans lequel le co-pacsé est survivant, celui-ci n’est pas héritier. Le seul droit qui lui est accordé est celui de pouvoir jouir des lieux et du mobilier, gratuitement auprès des héritiers, pendant une année.

Aussi, si le mariage homosexuel est difficilement concevable du fait de ses origines traditionnelles et religieuse, socle de notre société, on s’aperçoit que le PACS tend naturellement à devenir son équivalent homosexuel. Il faudrait alors pousser la réflexion un peu plus loin et en faire un vrai « mariage bis », et donc faire différemment que ce que propose le gouvernement.

II / Le pacte civil de solidarité : « le » mariage homosexuel.

Il apparaît de plus en plus que la forme d’union la plus logique tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue sociétale est le Pacte Civil de Solidarité, et non le mariage homosexuel, comme le pense à tort le gouvernement. Aussi, il ne faut pas avoir peur de réformer notre droit de la famille qui ne correspond plus tout à fait au fonctionnement de fait de nos familles, sans pour autant faire n’importe quoi, ce qui est le cas avec ce projet de loi en question. Tout d’abord, il faut faire en sorte que le PACS soit définitivement l’équivalent homosexuel du mariage hétérosexuel (1) de manière à avoir un nouveau cadre des différentes formes d’union conforme à ce qu’est notre société (2).

A/ PACS homosexuel = mariage hétérosexuel

Affirmer que la forme d’union la plus adaptée aux revendications des couples homosexuels est le PACS est une affirmation qui devient logique du fait des motivations. Cependant, il faut aller au bout de cette logique, sans oublier l’idée d’origine qui est une union réservée aux couples homosexuels

1/ Des motivations qui ne font que converger ver le PACS.

Les couples homosexuels recherchent et revendiquent une égalité de droit en ce qui concerne la reconnaissance de leur couple et les conséquences dans la vie de tous les jours (d’une point de vue humain mais aussi d’un point de vue patrimonial). C’est une pure évidence. Pourtant, cela n’est pas vraiment le cas dans notre droit positif, le mariage et le PACS n’étant pas sur le même pied d’égalité. la question du logement précitée en est un bon exemple, tout comme celle de la succession ou encore, la plus épineuse de toutes, celle de l’adoption homosexuelle. A ce titre, il faut souligner que les couples homosexuels sont victimes d’une véritable discrimination, ce qui n’est pas acceptable dans notre société qui met en avant les droits de l’homme, dont le principe d’égalité des Hommes. C’est la raison pour laquelle les couples homosexuels revendiquent l’accès au mariage, source d’égalité, à tous points de vue.

Le principal problème, et non des moindres, est notre héritage historique, notre tradition d’essence religieuse : le mariage homosexuel peut-il être compatible avec notre tradition. Evidemment, vu ce qui a été expliqué précédemment, la réponse est non. Pour autant, cette impossibilité de fait n’empêche pas cette égalité de droit qui trouve sa réponse dans le Pacte Civil de Solidarité. D’ailleurs, si on regarde de manière plus attentive les revendications mises en avant par les associations gays et lesbiennes, c’est l’égalité des droits qui est mise en avant et non la possibilité de passer devant le prêtre, ou devant tout représentant local de l’institution religieuse à laquelle le couple appartient, s’il est pratiquant. C’est la question en fait du contenant et du contenu : c’est le contenu qui est revendiqué et non le contenant, qui n’est qu’une enveloppe que l’on peut remplacer par une autre. Aussi, pour arriver à une égalité des droits, le mariage n’est pas du tout indispensable : le PACS semble tout indiqué, d’autant plus qu’il tend, selon ces dernières années, à emprunter son fonctionnement à celui du mariage. Il faut alors aller au bout d’une logique « inconsciemment » engagée et mettre ces deux formes d’union sur un stricte pied d’égalité. Il faut d’ailleurs ajouter que le Pacte Civil de Solidarité, pour qu’il ait un véritable sens et qu’il soit l’équivalent du mariage, soit exclusivement réservé aux coulpes homosexuels. Du point de vue de la dissolution, il ne faudrait plus que le PACS puisse être rompu sur la seul volonté de l’un des partenaires, mais plutôt, comme dans le mariage, sur décision du juge aux affaires familiales. D’ailleurs, il faudrait prévoir les mêmes motifs de la rupture du PACS (par consentement mutuel, pour faute ou pour abandon du domicile). Cependant, ce sont les modifications de fond qui s’imposent que nécessitent le plus d’attention.

2/ Le PACS, une union qui doit être calquée complètement sur le mariage.

Deux problèmes principaux doivent être réformés : la succession (1) et l’adoption(2), quoique ce deuxième point nécessite une réflexion plus poussée que le premier

a/ la question de la succession

Par principe, le co-pacsé survivant n’est pas héritier, à la différence du conjoint qui, lui, est directement et automatiquement partie à la succession. Au contraire, le co-pacsé survivant doit être bénéficiaire d’un testament établi par le défunt qui lui permet alors de lui léguer tout ou partie de son patrimoine, en fonction de la présence ou non de descendant. Il faut donc que chacun des co-pacsés, en droit positif, fasse un testament en faveur de l’autre. C’est un processus relativement imposant, notamment d’un point de vue financier puisqu’il faut passer par devant un notaire, ce qui représente un coût qui peut rebuter. Si l’on rapproche cela à la question du logement social précité, on arrive à une réelle différence de traitement entre le conjoint héritier qui devient usufruitier de la part de propriété du défunt sur le logement (s’il est propriétaire, uniquement) et que le co-pacsé qui a seulement une possibilité de location pendant une année. La solution est alors de réformer de fond en comble le droit des successions en mettant sur le même pied d’égalité, et indifféremment, le conjoint survivant du co-pacsé survivant. Aussi, dans chacun des textes réglementaires et légaux, il faut rajouter, juste après le terme « conjoint survivant » le terme « co-pacsé survivant ». De ce point de vue, nous serons face à une stricte égalité de traitement.

b/ la question de l’adoption.

La question de l’adoption est la plus épineuse de cette étude puisqu’elle pose une multitude de questions tendant aux fondements même de notre société.

Si dans le projet de loi, le mariage homosexuel et l’adoption sont abordés ensemble, pour une facilité de lecture, nous n’aborderons cette question que sous l’angle de l’autorité parentale (sous entendu les parents) sans étudier l’implication de l’adoption du point de vue de l’enfant ou de la société, ce qui devra faire l’objet d’une étude séparée, pour une meilleur compréhension de chacun des deux thèmes.

Par référence à la philosophie du couple, le mariage en particulier, l’idée est de fonder une famille. Nous avons d’ailleurs retenu plus avant que la conception religieuse était – et est toujours – de se reproduire. Si les raisons profondes ont changées (on ne parle plus d’alliance stratégique entre les familles mais d’amour) la volonté de construire une famille est toujours la finalité. Cette finalité est autant présente au sein des couples mariés (donc à ce jour hétérosexuels) que dans les couples pacsés (hétérosexuels et homosexuels). Cependant l’accès à l’adoption n’est pas identique, selon que le couple est hétérosexuel ou homosexuel. Dans le premier cas, il n’y a pas de véritable différence avec les couples mariés : le droit relatif à l’autorité parentale est strictement le même, c’est une pratique qui en fait va de soi. Dans le cas des couples homosexuels, l’accès à l’adoption est littéralement impossible. La raison se situe dans la manière dont sont écrits les textes légaux. Tout comme pour la mariage, l’autorité parentale est exercée par un père et une mère, donc un homme et une femme. Encore une fois, nous retrouvons la dimension religieuse, l’une des sources du droit.

De cette explication et ce fait connu, la seule possibilité pour les couples homosexuels est de passer par le biais de l’adoption simple, c’est-à-dire que l’un des « parents » adopte, en omettant de préciser à l’Administration qu’il/elle vit avec une personne du même sexe, voire qu’il/est est pacsé(e). L’autre personne reste alors dans l’ombre et n’a aucun droit sur l’enfant alors qu’elle devient de par la force des choses le parent sociologique, celui qui intervient activement dans l’éducation de l’enfant sans être le parent. Cependant la notion d’autorité parentale ne semble plus aussi figée que par le passé, surtout depuis un arrêt rendu par la Cour de Cassation(Civ 1ère 16 avril 2008, n°07-11.273). La question qui lui était posée était de savoir si la compagne d’une mère, décédée, peut être titulaire de l’autorité parentale envers des enfants sur lesquels elle n’a aucun droit, sauf une délégation du père biologique. En théorie, lorsque le parent (père ou mère, de manière indifférente) décède, l’autorité parentale revient au parent biologique et non au parent sociologique, ce qui peut conduire à des absurdités.

En effet, le parent sociologique est évincé et l’enfant est confié à une personne qui, dans de nombreux cas, ne l’a jamais élevé ou au moins qui a participé de manière minime à son éducation, sans parler de bouleversement tant dans la vie de l’enfant que de celui du parent biologique. La seule possibilité pour le parent sociologique est de se voir abandonné la garde par le parent biologique, évidemment sous contrôle du juge.

En l’espèce, la compagne s’était vu déléguée l’autorité parentale. Cependant, une difficulté est intervenue quand la tante des enfants, sœur de la défunte, a fait valoir ses droits au motif que la compagne n’avait pas de droit envers les enfants puisqu’il n’y avait aucun lien de filiation entre eux, ce qui n’était pas son cas. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation qui a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel a débouté la demanderesse au motif que l’intérêt des enfants étaient de continuer de vivre auprès de la compagne de leur mère, parent sociologique en fait. Cette pointe du doigt la réelle insécurité juridique dont son victimes les familles homoparentales. A notre sens, la vocation du droit est de s’adapter à l’ère du temps et de refléter les modes de vie de la société. Autrement dit, le droit ne peut pas ne pas tenir compte de l’existence de fait des familles homoparentales et doit leur offrir un cadre juridique à l’instar des couples hétérosexuels, sous réserve, cela dit, que la possibilité pour un couple homosexuel d’adopter ou de procréer, d’une manière générale, ne soit pas un obstacle au développement de l’enfant, dit autrement que tout soit fait dans l’intérêt de l’enfant.

B/ vers une réforme nécessaire du droit de la famille

Le PACS a comme conséquence logique une modification du fonctionnement du droit actuel, la réponse ne pouvant pas être simplement celle apportée par le gouvernement en remplaçant certains termes par d’autres (par exemple, « mari et femme » sont remplacés par « époux »). Le PACS est la solution dans la mesure où il permet d’établir un consensus sociétal (1) et permet d’impulser une réelle réflexion sur une réforme nécessaire de notre droit de la famille, ce que ne propose pas du tout la loi sur le mariage homosexuel (2).

1/ Le PACS homosexuel : un consensus au débat sociétal.

Selon différents instituts de sondage, notamment un dernier sondage IFOP, 65% des français sont favorables au mariage homosexuel. Dit autrement, tous les français ne sont pas favorables au mariage homosexuel, notamment certaines associations ou certaines personnalités politique, dont Madame Christine BOUTIN. Ce qui est mis en avant par les « anti » est une conception purement religieuse. Le mariage, comme expliqué au début de cette étude, est l’union d’un homme et d’une femme. Ils revendiquent tout simplement un socle important de notre société. Ces arguments ne sont d’ailleurs pas nouveaux puisque ce sont ceux opposés lors des débats portant sur le Pacte Civil de Solidarité en 1999. Aussi, la position du président de CIVITAS (association anti mariage homosexuel), Monsieur Alain ESCADA consistant à dénoncer une présumée confiscation du débat, est exagérée. S’ils sont loin d’être majoritaire, ils ne faut pourtant pas mettre leur opinion de coté au motif de la conception républicaine de la loi du nombre. Ce serait une grave erreur car ce serait faire une application extrême ( voire absurde) d’un principe fondateur d’une démocratie, le principe de la majorité. Comment pourrait-on justifier réellement une décision prise par une majorité de personnes et imposée à une minorité pour une demande visant à satisfaire une partie non majoritaire de la population. Ce serait, de manière déguisée un retour à la loi du plus fort sous les traits de la démocratie. Ce n’est pas une bonne option.

A notre sens, il faut reprendre toutes les explications précitée pour retenir que, en fait, les français, comme les associations LGBT, sont favorables à ce que les couples homosexuels aient les mêmes droits que les couples hétérosexuels. La question du mariage pour le mariage n’est d’ailleurs pas abordée. Quel en serait l’intérêt ? Il n’y en aurait aucun La solution, consistant à accorder les mêmes droits que les couples hétérosexuels et à travers le PACS peut permettre de trouver un consensus entre les « anti » et les partisans dudit mariage.

Le lourd débat « pour/contre » n’aurait plus d’utilité puisque l’on opterait pour une troisième voie. Sauf la question profonde de l’adoption, l’ensemble des revendications des uns et des autres peuvent être satisfaites L’idée d’une telle proposition est de pouvoir apaiser les tensions tant politiques que sociales que le mariage homosexuel, et d’une manière générale la reconnaissance de l’égalité des couples homosexuels a engendré. En fait, il ne s’agirait que de finaliser un processus engagé depuis 1999. D’ailleurs, aucun opposant au mariage homosexuel n’a mis en avant une éventuelle inégalité légale entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. Personne n’a revendiqué que les couples hétérosexuels puissent être les seuls à pouvoir prétendre à une succession entre les conjoints, à la différence des couples homosexuels par exemple.

Ceci s’entend évidemment à l’exclusion de la question de l’adoption qui - il faut le rappeler - doit faire l’objet d’une étude séparée, même si ces deux questions sont liées. Pourquoi raviver les tensions sociales quand la solution existe déjà et qu’il faut finaliser le concept (une union purement réservée aux couples homosexuels à l’instar du mariage réservé aux couples hétérosexuels). Il ne faut pas avoir peur de cette distinction qui, du point de vue juridique, ne conduit pas à une discrimination. Ce serait une bonne alliance entre tradition et modernité en fin de compte, preuve que notre système peut prendre en compte l’évolution de la Société sans renier son passé. Il ne s’agit pas non plus de stigmatiser telle ou telle catégorie de la population mais simplement de reconnaître que notre Société est faite de personnes qui ne sont pas uniformes (accepter que l’autre soit différent de soi, ce qui est un préalable indispensable dans une société moderne).

En outre, il faut aussi se poser la question inverse : quelles seraient les conséquences juridiques de l’adoption du mariage homosexuel. La principale conséquence serait de créer un certain flou sur le PACS actuel. Quel serait l’intérêt pour un couple de se pacser et non de se marier ? Si la rapidité de l’union est généralement mise en avant par certains couples pour des raisons purement professionnelles (problème du mutation dans la majorité des cas), il faut rappeler que dans le cas du mariage, il faut simplement attendre 10 jours après la publication des bans, donc possibilité de se marier dès le onzième jour. Le seul intérêt est la rupture qui est beaucoup plus rapide et moins onéreuse que le mariage (pas de divorce, pas de procédure judiciaire). Il ne faut cependant pas oublier que si un couple s’engage, ce n’est pas pour se séparer… Cet intérêt a donc une portée très limitée. Le PACS serait alors vidé de toute utilité ; sa philosophie (sa raison d’exister) serait elle aussi vidée de sens.

2/ Vers une nouveau schéma familial : une réforme nécessaire du droit de la famille.

Admettre le PACS comme étant l’équivalent homosexuel du mariage nécessite de revoir en profondeur notre droit de la famille, surtout le PACS actuel et le concubinage.

Le concubinage est défini selon l’art 515-8 du code civil comme étant une union de fait entre deux personnes, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. Il s’agit d’une union libre qui permet au couple (du même sexe ou de sexe différent) de vivre ensemble. Le principe est la totale liberté des concubins (donc liberté dans la rupture). Les effets juridique du concubinage diffèrent selon qu’il est notoire ou non. Le concubinage notoire nécessite un minimum de déclaration mais qui ne le met pas cependant au même niveau que le PACS actuel. Il n’y a pas d’obligation, par exemple, aux charges du mariage. Au contraire, le concubinage qui n’est pas notoire (donc sans « publicité ») n’a quasiment pas d’effet, les concubins n’ayant d’ailleurs aucune obligation.

Il faudrait profiter de cette réforme du PACS pour améliorer l’union libre, forme d’union « a minima » offerte aux couples tant homosexuels qu’hétérosexuels qui ne veulent pas s’unir par le mariage ni par son équivalent, le PACS, dans la mesure où ils voudraient garder une certaine liberté. Ce cadre serait composé du Pacte Civil de Solidarité ancienne version ajouter au concubinage actuel. L’idée serait d’offrir la possibilité d’une union libre, commune tant aux couples hétérosexuels qu’homosexuels en offrant une protection juridique modulable en fonction des désirs et des besoins de chacun, en fonction de la liberté qu’ils veulent se donner. Le concubinage serait soit notoire, et fonctionnant comme le PACS actuel soit classique, sans réel cadre juridique car il n’y aurait pas de formalisation officielle. La philosophie de cette union serait cependant strictement identique : l’union libre que l’on peut défaire avec un minimum de formalités, à la différence du mariage et du PACS. Dit autrement, le mariage et le PACS nouvelle formule seraient des formes d’union protectrice mais avec des devoirs plus importants alors que le concubinage offrirait une protection moins important.

Le concubinage deviendrait alors la forme de couple minimum commune aux couples homosexuels et hétérosexuels. Le régime juridique du PACS actuel glisserait donc automatiquement vers le concubinage notoire – les couples pacsés devenant rétroactivement des couples en concubinage notoire.

Ainsi, la question de la légalisation du mariage homosexuel est en fin de compte une question mal posée. La problématique n’est pas celle du mariage en tant que tel mais celle de la reconnaissance d’une égalité des droits. Le débat, vu sous cet angle, ne souffre pas de contestation du point de vue théorique (référence à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) mais nécessite de réformer en profondeur notre droit la famille, notamment le Pacte Civil de Solidarité. On peut alors affirmer que les couples homosexuels, dans un pays comme le nôtre, doivent (et non peuvent) avoir les mêmes droits. Il faut alors travailler de manière technique sur le PACS, c’est-à-dire améliorer le système actuel en en faisant le stricte équivalent homosexuel de l’union hétérosexuel (le mariage). Le PACS serait alors uniquement réservé aux couples homosexuels, le mariage étant réservé uniquement aux couples hétérosexuels.

Toutes les questions qui gravitent autour de la problématique du mariage (définition d’un couple marié, question des origines et des implications religieuses, notamment) n’ont plus lieu d’être car elles ont déjà trouvé leur réponse lors du débat sur le PACS en 1999. A partir de ce constat, les couples homosexuels et hétérosexuels peuvent vivre ensemble, acheter ensemble, être les héritiers du défunt (ou de la défunte).

Après, dire qu’un couple hétérosexuel se marie et qu’un couple homosexuel se pacse n’est qu’une simple question de sémantique qui n’a pas véritablement d’intérêt (au pire qui n’est qu’un détail). Toutes les revendications des « anti », d’un côté, et des associations LGBT, de l’autre, seront satisfaites, ce qui n’est pas illogique car les revendications ne sont pas antagonistes car ne portant pas vraiment sur la même chose (contenant d’un côté et contenu de l’autre). La solution du mariage homosexuel proposé par le gouvernement a donc l’immense inconvénient de faire ressurgir cet antagonisme à la différence de la réforme proposée du PACS.

Il n’est d’ailleurs pas certain que l’union civile proposée pas Alain JUPPE puisse éviter les débats précités. Il faut donc avoir deux formes d’union dont la philosophie diffère mais dont le fonctionnement juridique est strictement identique. Bien évidemment, cela ne tient pas compte de la question extrêmement importante de l’adoption homosexuelle qui a, certes, des implications sur le sujet qui nous retient mais qui fera l’objet d’un autre article.

Dominique Esselin Juriste
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