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Les idylliques études de droit…
Parution : mardi 6 novembre 2012
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Effectuer une carrière dans le droit fait rêver beaucoup d’étudiants mais très peu d’entre eux arrivent à suivre ce cursus à l’université. L’échec dans cette filière est à la hauteur de l’engouement qu’elle suscite. Seulement 4 étudiants sur 10 passent en deuxième année et seuls 35% sont cadres 2 ans après avoir décroché leur master. À partir de là comment peut-on expliquer ce constat accablant ?

Devenir juge ou avocat n’est pas chose aisée. Sur 1,4 millions d’étudiants d’université, 15% sont inscrits en droit. Inabordé au lycée, le droit fait rêver mais pas toujours réussir. Quelle en est la cause ? Il y en a plusieurs selon le rapport de la Cour des Comptes. En premier lieu, le fort déséquilibre entre le nombre d’enseignants et celui des étudiants. Entre 2005 et 2009, ces derniers ont en effet flambé de 10,5% quand le nombre de professeurs ne progressait que de 6,5%. Cela équivaut à un taux d’encadrement qui oscille entre 10,6 et 28,3 enseignants pour 1000 étudiants, quand il est en moyenne de 36,7 toutes filières confondues, léger déséquilibre…

D’ailleurs, dans un document publié le 11 septembre 2012, les magistrats estiment que le passage du cap des 200.000 étudiants s’est fait sans que le “ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ait pris des mesures pour faire face à ce déséquilibre entre offre et demande“. Conséquence : échec massif d’étudiants !

Le budget consacré à la formation de chaque futur juriste est en outre 2 à 6 fois inférieur à celui d’un autre étudiant. À Paris-Ouest-Nanterre, par exemple, l’UFR de droit dispose de 248 euros par étudiant, contre 877 euros en économie ou en activité physique et sportive. 40 % des étudiants passent en deuxième année, 35 % redoublent, 22 % s’évanouissent dans la nature et 2,5 % se réorientent à l’université.

Toutefois depuis 2007, un vent nouveau semble toucher les universités. Certaines d’entre elles comme Paris-Panthéon-Assas ou Cergy-Pontoise, proposent un parcours renforcé avec des mises à niveau qui améliorent significativement les résultats. En effet, depuis cette date, les magistrats de la Cour des Comptes constatent que les taux de réussite ont augmenté de 2 à 3 points grâce à ces dispositifs d’accompagnement.

Toutefois s’il y a des raisons d’être optimiste quant à l’amélioration du taux de réussite à l’université des étudiants, on peut l’être un peu moins quant à l’insertion professionnelle des diplômés.

Selon une enquête de l’Agence pour l’emploi des cadres (APEC), 65 % des titulaires d’un master étaient cadres deux ans après leur sortie de l’université, mais seulement 35 % des juristes.

De plus, selon l’Insee, les métiers du droit comptent entre 100 000 et 145 000 personnes. Difficile dans ces conditions pour les 20 700 diplômés de master et les 800 docteurs de trouver des débouchés. "Ces chiffres sont pessimistes. Nos propres enquêtes montrent que nos diplômés s’insèrent très bien, à plus de 80 %", nuance pourtant Louis Vogel, président de la conférence des présidents d’universités, ancien président de Paris-Panthéon-Assas. "Aux métiers du droit s’ajoutent les débouchés de la fonction publique, pondère Matthieu Conan, directeur de l’UFR de droit de Nanterre. Plus de 20 % des diplômés du master droit public réussissent les concours de la catégorie A de la fonction publique.”

Au-delà des chiffres, ce rapport pointe du doigt l’inadéquation des études de droit aux besoins des entreprises, des futurs employeurs, mais aussi des étudiants. "Cela fait longtemps que l’on sait qu’il faudrait des enseignements plus généralistes les trois premières années, pour permettre aux étudiants de choisir une spécialisation plus progressive et plus professionnelle, propose Emmanuel Zemmour, président du syndicat étudiant UNEF. Or je constate que le monde du droit reste fermé sur lui-même, avec des mandarins à la vision malthusienne et sélective des cursus", s’insurge-t-il.

L’autre syndicat étudiant, la FAGE, va dans le sens de l’Unef. "Il faut offrir partout en France des formations professionnalisantes, avec stages, études de cas, et des enseignants en contact avec le monde du travail", estime Allan Rochette, chargé des sciences sociales et par ailleurs doctorant en droit à Avignon. Or pour certaines universités, on ignore encore ce que signifie le mot professionnalisant, un renouvellement devient aujourd’hui quasi indispensable pour permettre un meilleur taux de réussite et d’insertion professionnelle.

Mehdi Kasby Rédaction du Village de la Justice
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