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Les contrats de génération : nouvelle mesure transgénérationnelle dans le droit du travail. Par Thierry Vallat, Avocat.
Parution : jeudi 24 janvier 2013
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Les députés ont voté le 23 janvier 2013 la loi portant création du contrat de génération.
Le projet avait été présenté en conseil des ministres le 12 décembre dernier par Monsieur Michel Sapin, ministre du travail et de l’emploi.
Mesure phare du programme du candidat François Hollande, le contrat de génération a une vocation résolument transgénérationnelle en incitant à l’emploi de jeunes dans les entreprises et le maintien concomitant de seniors en insistant sur la transmission des compétences, génératrice de compétitivité.

Les modalités du contrat de génération seront différenciées puisqu’il prendra deux formes différentes, selon la taille de l’entreprise :
- un accord collectif « contrat de génération » dans les grandes entreprises (effectif de 300 salariés et plus).
- un contrat signé entre l’employeur, un jeune embauché en CDI et un salarié senior nommément désignés, dans les entreprises plus petites (effectif inférieur à 300 salariés).

Contenu de l’accord « contrat de génération » dans les grandes entreprises.

Les accords d’entreprise « contrat de génération » auront vocation à préciser la stratégie et les engagements partagés sur l’emploi des jeunes et des seniors, et la transmission des compétences au sein de l’entreprise. Ils absorberont logiquement -et par mesure de simplification- les accords « seniors » créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, auxquels le contrat de génération viendra donc se substituer.

Les partenaires sociaux ont été invités à proposer dans la négociation les éléments attendus de ces accords, de manière obligatoire ou le cas échéant optionnelle pour certains, sur les points suivants (cette liste est non limitative) :
- entrée des jeunes dans l’entreprise (par exemple objectifs de recrutements en CDI, part des CDI dans les recrutements de jeunes, objectifs d’accueil d’alternants et place des alternants ayant réussi leur diplôme dans les recrutements, règles concernant les stagiaires, modalités d’intégration des jeunes dans l’entreprise, politique de formation des jeunes recrutés dans l’entreprise, etc.)
- emploi des seniors (par exemple objectifs d’embauches de seniors et de maintien d’emploi des seniors dans l’entreprise, prise en compte des effets du vieillissement y compris sur les conditions de travail, aménagement des fins de carrière, suivi des modalités de sortie des seniors de l’entreprise, contribution des seniors à la transmission des compétences, etc.).
- organisation de la transmission des compétences dans l’entreprise (par exemple dispositif de tutorat, politique de formation des jeunes et des seniors, anticipation des remplacements, actions spécifiques relatives à certains publics tels que les nouveaux salariés en situation de handicap, etc.).

Les partenaires sociaux sont également invités à fixer dans la négociation la durée souhaitable de ces accords à portée pluriannuelle, tout en laissant la place à des ajustements liés à l’évolution de la situation de l’entreprise et au suivi qui sera fait dans le temps, dans les instances de dialogue social de l’entreprise, de la bonne mise en œuvre de l’accord.

De même elle devra préciser l’organisation de la négociation collective d’entreprise, notamment dans les entreprises ne disposant pas de représentants d’organisations syndicales.

Les entreprises de 300 salariés et plus devront négocier des engagements portant sur l’embauche et l’intégration des jeunes dans l’entreprise, l’emploi des seniors et la transmission des compétences, sous peine d’être soumises à une pénalité

Contenu des contrats signés dans les entreprises plus petites.

Pour les entreprises de moins de 300 salariés, deux modalités complémentaires de mise en œuvre du contrat de génération sont envisagées :
- un accord collectif « contrat de génération » dans les entreprises dotées de représentants du personnel en mesure de le signer ;
- un contrat « individuel » conclu avec un jeune embauché en CDI et un salarié senior identifié, pour lequel les partenaires sociaux sont invités à proposer dans la négociation la nature des engagements pris par la petite entreprise au travers du contrat de génération.

Les entreprises de moins de 300 salariés pourront par ailleurs bénéficier d’une aide lorsqu’elles embauchent en contrat à durée indéterminée un jeune de moins de 26 ans et maintiennent en emploi un senior de 57 ans et plus.

Pour les entreprises de 50 à moins de 300 salariés, qui se trouvent dans une situation intermédiaire, le bénéfice de l’aide sera conditionné à la recherche d’un accord collectif.
L’aide a été fixée sous forme de prime de 4.000 €/ans pendant 3 ans (12.000 € au total). Si le jeune démissionne, l’aide sera maintenue si l’entreprise embauche un autre jeune. Le licenciement d’un senior fera perdre les aides liées au contrat de génération.

Discuté depuis le 15 janvier à l’Assemblée, le projet de loi a été amendé sur de nombreux points.
Notamment, l’embauche devra être réalisée obligatoirement sous forme de CDI, à temps plein. Par ailleurs, la pénalité, pour les entreprises qui ne concluraient pas d’accord collectif ou de plan d’action, sera plafonnée à 1% de la masse salariale ou 10% du montant des allégements de charges Fillion si ce montant est plus élevé.

Enfin, de nouveaux cas d’exclusion de l’aide ont été intégrés par le députés qui ont durci le texte initial en prévoyant que l’aide ne serait plus accordée si l’entreprise a procédé, dans le délai de 6 mois avant l’embauche du jeune, à une rupture conventionnelle ou un licenciement autre que pour faute grave, lourde ou pour inaptitude sur les postes relevant de la même catégorie professionnelle.

Le gouvernement attend la signature de 500.000 contrats de génération sur 5 ans, la mesure ayant un coût d’un milliard d’euros à l’horizon 2016 financé par le CICE (crédit d’impôt compétitivité et emploi).

Les nouveaux articles L 5121-6 à 21 du Code du travail seront complétés par un prochain décret qui précisera les conditions d’application de ces mesures (modalités d’accompagnement du jeune par le tuteur, contenus des accords collectifs, contrôle de la mise en œuvre, demande des aides etc.).

Thierry Vallat, Avocat