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Divorce et nationalité : Quel est le tribunal comptétent ? Quelle loi s’appliquera à votre divorce ? Par Ali Chellat, Avocat.
Parution : vendredi 8 février 2013
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La réponse à ces questions varie en fonction de votre situation personnelle.
Vous êtes marié avec un conjoint de nationalité différente de la vôtre ou vous résidez dans un pays dont vous n’avez pas la nationalité et vous souhaitez divorcer : entre le droit national, le droit communautaire, les conventions bilatérales ou internationales, il faut s’attendre à de longues démarches administratives.
La situation devient complexe si vous-même n’avez pas la nationalité française ou si votre époux est de nationalité étrangère ou encore, bien que français, vous résidez à l’étranger.

Dans tous les cas, la prudence s’impose pour préserver au mieux vos intérêts et savoir que faire. Comment s’y prendre ? Est-il intéressant pour vous de divorcer en France plutôt qu’à l’étranger ?

En droit international, en matière de divorce, le choix du tribunal compétent est une chose (I) et la loi compétente en est une autre (II).

I. Quel est le tribunal compétent en cas de divorce ?

L’article 1070 du Code de procédure civile reste seul applicable pour déterminer la compétence territoriale interne en matière de divorce. Cette disposition prévoit trois catégories de compétence classifiées :

• La résidence de la famille,
• A défaut, la résidence de l’époux qui a la charge des enfants mineurs,
• A défaut, la résidence de l’époux qui n’a pas pris l’initiative du divorce.

En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des époux, celui du lieu où réside l’une ou l’autre. Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l’époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs.

La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée.

La compétence des tribunaux français peut être fondée sur la nationalité française du demandeur, même s’il n’est pas domicilié en France (article 14 du Code civil français).

Si vous résidez en France, vous êtes de nationalité française et votre époux est étranger : la demande de divorce peut être déposée par vous ou par votre conjoint au greffe du tribunal de votre résidence. Le tribunal français se déclarera compétent au motif que l’un de vous deux est français et le divorce sera régi par la loi française.

Même si vous vivez en France et vous êtes tous les deux de nationalité étrangère : il est possible de demander le divorce au tribunal français. Le juge français est compétent et a pour obligation d’appliquer d’office sa règle de conflit de lois car il sera en présence d’un élément d’extranéité : la nationalité étrangère des époux.

Les conditions de l’introduction de l’action du divorce sont celles du droit commun français pour le conjoint usant du privilège de la juridiction française. Le tribunal compétent en matière de divorce est le Tribunal de Grande Instance du lieu de résidence de la famille. Les époux doivent obligatoirement se faire représenter par un avocat.
Si le demandeur n’est pas domicilié en France, il s’adresse au Tribunal de Grande Instance de Paris, 4, boulevard du Palais, 75004 Paris.
Si le tribunal français accepte votre demande, il instruit votre dossier et décidera, en fonction de votre situation, de la loi applicable à votre divorce.
Si la juridiction saisie n’est pas la juridiction compétente pour trancher le litige, le défendeur ou le juge peut soulever l’incompétence de la juridiction civile.

La primauté du droit communautaire s’exprime à plusieurs niveaux, qu’il convient d’envisager avant de pouvoir, le cas échéant, recourir au droit national pour fonder la compétence des juridictions françaises.
Le règlement de Bruxelles II bis n°2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale retient des critères de compétence entre lesquels le demandeur peut opter, notamment la résidence habituelle et la nationalité.

Ce règlement est applicable depuis le 1er mars 2005 à tous les États membres de l’Union européenne.
La primauté de ce règlement est rappelée par son article 6 qui énonce le caractère exclusif de ses règles de compétence en matière de divorce.
Il suffit qu’un des chefs de compétence énoncé à l’article 3 du Règlement Bruxelles II bis soit réalisé en France pour que la compétence des juridictions françaises soit établie.
Dans le cas d’un divorce à l’étranger, la décision produira ses effets en France sous certaines réserves.

Toutefois, des règles particulières existent pour les jugements prononcés par des juridictions de l’Union Européenne. Ces décisions produisent de plein droit l’intégralité de leurs effets en France sans procédure d’exequatur.
Récemment, la Cour de cassation a déclaré inopposable la décision marocaine prononçant le divorce des époux, au motif que l’époux qui avait saisi le Juge marocain avait frauduleusement déclaré que le domicile conjugal était situé au Maroc (Cass. Civ.1, 15 déc 2012, pourvoi n° 11-26964).

Une fois déterminée la juridiction compétente pour examiner le litige, il reste à choisir la loi qui le régira.

II. Quelle loi le tribunal compétent appliquera-t-il à votre divorce ?

Pour déterminer si la loi française est applicable, il faut vérifier que les conditions sont réunies au jour de l’introduction de la demande en divorce.

En France, la loi applicable au divorce est déterminée par l’article 309 du Code civil qui dispose que :
«  Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :
• Lorsque l’un et l’autre des époux sont de nationalité française ;
• Lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français,
• Lorsque aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence alors que les tribunaux sont compétents pour connaître de la procédure de divorce ou de séparation de corps.
 »

Cet article a pour vocation à déterminer la compétence de la loi française dans le cadre d’un divorce international et a une compétence de la loi du for.
Le juge français saisi d’une demande en divorce doit appliquer la loi française lorsque les époux, soit sont tous deux français au jour de l’introduction de l’instance, soit sont tous deux domiciliés en France au jour de l’introduction de l’instance, soit lorsque aucune loi étrangère potentiellement applicable ne se reconnaît compétente.

La nationalité et le domicile des époux sont les critères de rattachement de l’article 309 du Code civil.
En outre, cet article concerne non seulement les français, quel que soit leur domicile, mais aussi les étrangers vivant en France.
Lorsque l’un des époux possède une double nationalité, le juge ne tient compte que de la nationalité française.

L’entrée en vigueur du règlement Rome III du 20 décembre 2010, en date du 21 juin 2012 permet une rupture avec la règle de conflit de loi en matière de divorce international en apposant une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce. Avant le règlement Rome III, la règle de conflit de loi applicable en matière de divorce est l’article 309 du Code civil.
Ce règlement est porteur d’une révolution dans le droit français du divorce en permettant aux époux de choisir la loi applicable à leur divorce. Il consacre ainsi un caractère libéral au divorce dans les limites définies par l’article 5 du règlement.
A défaut de choix, le règlement prévoit différents critères de rattachement fondés sur la résidence habituelle des époux, la nationalité commune des époux et œuvrant pour un renforcement de la loi du for prévus à son article 8.
Cette consécration de l’autonomie de la volonté constitue un nouveau pas vers la contractualisation du mariage, le libre choix de la loi applicable étant l’un des principes phares du droit international privé des contrats.
Par ailleurs, la ratification par la France de conventions internationales contenant des règles de conflit de lois en matière d’obligations alimentaires, en particulier la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, a provoqué l’apparition de règles de conflit spécifiques à ces questions dans le cadre de la procédure de divorce.
Enfin, pour la détermination de la loi applicable, il existe également d’autres règles de conflits de lois issues de conventions bilatérales par exemple la Convention franco-marocaine, la Convention franco-polonaise.

MEMENTO
Vous êtes français et votre conjoint étranger (ou l’inverse) : Le tribunal français est compétent, la loi française s’applique.

Vous êtes tous les deux français et résidez à l’étranger : La loi française s’applique. Demande à adresser au Tribunal de Grande Instance de Paris par le biais de votre avocat.

Vous êtes tous les deux français et résidez en France : La loi française s’applique. Demande à adresser au tribunal par le biais de votre avocat.

Vous possédez une double nationalité (franco-…) : Le tribunal tient compte de votre nationalité française.

Vous êtes tous les deux étrangers et résidez en France : Vous pouvez demander le divorce auprès d’un tribunal français. La loi française ne s’appliquera pas obligatoirement.

Dans le cas de nationalité différente entre les époux, vérifiez si une convention existe avec la France.

Maître Ali CHELLAT Avocat au Barreau de RENNES Docteur en Droit [mail->chellat-avocat@laposte.net]
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