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Résidences de services, défaillance de l’exploitant et risque fiscal : quelles solutions ? Par Marc Amblard, Avocat.
Parution : vendredi 22 février 2013
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Depuis plusieurs années, les résidences de services et notamment de tourisme obtiennent la faveur des investisseurs. A cela deux raisons principales : une rentabilité plus élevée et des avantages fiscaux tels la possibilité de récupérer de la TVA sur le prix d’achat et les travaux (article 261 D du Code général des impôts) ainsi qu’une réduction d’impôt sur le revenu (articles 199 decies E et 199 sexvicies du même Code).
Ce type d’investissement oblige toutefois l’acquéreur à déléguer l’exploitation de son bien à un professionnel du secteur para-hôtelier. Les problèmes alors posés par la gestion malencontreuse de certains exploitants et le cadre juridique peu approprié du bail commercial ont contribué à repenser le schéma contractuel du dispositif.

Les dangers consubstantiels à la gestion classique d’une résidence seront alors présentés (1.) avant d’aborder un mode d’exploitation alternatif : la société d’autogestion (2.).

1. LES PIEGES DE LA GESTION CLASSIQUE

Avant de rentrer dans le vif du sujet, précisons que les résidences avec services peuvent être classées suivant leur destination en différents groupes : les résidences para-hôtelières, les résidences pour étudiants, les résidences médicalisées et les résidences de tourisme classées.
Le mécanisme de fonctionnement traditionnel met en œuvre trois parties : le promoteur qui vend les lots de copropriété, le propriétaire qui les acquiert et enfin l’exploitant qui les gère en vertu d’un contrat, le plus souvent un bail commercial d’une durée minimale de neuf années. Le package peut également inclure une garantie de loyer proposée par une compagnie d’assurance et souscrite par une des parties.

Si le dispositif peut sembler séduisant sur le papier, l’expérience débouche sur un constat nettement plus nuancé.
Principale raison : les relations entre l’exploitant et le propriétaire sont régies par le Code de Commerce. Or, celui-ci a été pensé et rédigé avec pour principal objectif de doter le locataire, partie faible du contrat, d’un certain nombre de prérogatives destinées à protéger son outil de travail. De fait, le propriétaire bailleur, se voit en quelque sorte dépossédé de la maîtrise économique de son bien au profit du locataire auquel le législateur garantit la disposition des locaux dans lesquels il exerce son activité professionnelle.
Si ce cadre légal très protecteur est tout-à-fait louable et nécessaire à une activité marchande pérenne et équilibrée, force est de constater qu’il est assez peu adapté à la gestion d’une résidence de services. Le rapport de force qu’il instaure en faveur du locataire gestionnaire incite fréquemment celui-ci à imposer à son bailleur des conditions économiques qui lui sont largement défavorables ainsi que nous le verrons dans cette première partie.

1.1. Les fonds de concours

Le premier piège et pas le moindre survient alors même que la résidence n’est pas encore en service.
La plupart des exploitants exigent du promoteur qu’il leur verse en échange de la prise à bail, un fonds de concours, sorte de prime providentielle pouvant s’élever à une, voire deux années de loyers. Le promoteur qui n’a d’autre choix que de s’y soumettre, répercute cette charge complémentaire sur les prix de vente facturés aux acquéreurs.
Il est d’autres cas ou l’exploitant n’est qu’une émanation du groupe géré par le promoteur. Celui-ci est conscient que la vente des lots n’est envisageable qu’à la condition de proposer aux clients un pack incluant la gestion locative de leur bien. Il est alors tentant pour ce promoteur de créer une structure dédiée à la location qu’il n’hésitera parfois à subventionner directement ou indirectement pour proposer des taux de rentabilité séduisants.
En effet, la remise d’une somme au locataire exploitant lui permet de verser un loyer supérieur à celui correspondant au libre jeu du marché. Le propriétaire à qui l’on a caché le dispositif de subventionnement le découvre à ses dépends lorsque l’exploitant a épuisé cette réserve et ne parvient plus à honorer les loyers promis.
Évidemment, on peut légitimement s’interroger sur la légalité des fonds de concours.
Un élément de réponse a été apporté le 1er février 2011 par les juges du Tribunal de Grande Instance de Périgueux qui ont admis leur caractère dolosif. La juridiction a, en effet reconnu que la rentabilité promise était un élément déterminant du consentement des investisseurs et que le versement du fonds de concours du promoteur à l’exploitant initial a été constitutif d’une tromperie. Plus précisément, la position des juges a été la suivante : en s’abstenant d’informer les acquéreurs lors de l’échange des consentements que la rentabilité annoncée était biaisée en raison du versement d’un fonds de concours à l’exploitant, le promoteur s’est rendu coupable d’une réticence dolosive.
Le préjudice peut être très élevé sachant que l’investisseur, à tort sans doute, fonde sa décision d’achat non pas sur un prix d’achat au mètre carré mais sur une prétendue rentabilité.

Prenons l’exemple suivant :
-  soit un appartement type d’une surface de 50 m2 dans une résidence de 100 lots équivalents située au sein d’une zone géographique affichant un prix moyen proche de 3 000 € le m2 habitable ;
-  le loyer net annuel pour ce type d’appartement avoisine dans des conditions normales de marché 6 300 € d’où une rentabilité moyenne de 4,2% (*).

(*) Détail : 6 300 € / (50 m2 *3 000 €) = 4,2%

Supposons à présent que le promoteur verse à l’exploitant désigné un fonds de concours équivalent à une année de loyer (cas fréquent) soit 630 000 € (6 300 € * 100 lots).

Une telle subvention permet alors à cet exploitant de majorer artificiellement le loyer annuel versé au bailleur de 2 100 € par appartement et ce durant 3 ans (6 300 € / 3 ans). Dans notre cas, celui-là pourra donc s’établir à 8 400 € au lieu des 6 300 € observés sur le marché local.
Le promoteur, tout en proposant un taux de rentabilité identique (4,2%), pourra alors céder le lot de 50 m2 non pas pour 150 000 € mais 200 000 €.
En effet, le rendement locatif proposé au candidat à l’acquisition sera calculé en faisant le rapport du loyer net perçu par le prix d’acquisition : 8 400 € / 200 000 € soit 4,2%.
En raisonnant autrement, le prix de l’appartement sera égal à 8 400 € / 4,2% soit 200 000 €.

A l’échelle de la résidence, le gain pour le promoteur est très important : chaque appartement étant vendu 50 000 € de plus, les recettes supplémentaires globales s’établissent alors à 5 millions d’euros pour un fonds de concours déboursé de 630 000 € soit un gain de 4,37 millions d’euros.

La tentation du montage est donc d’autant plus forte que l’effet de levier est très important.
Seule une minorité de promoteurs ont succombé et cela ne doit en aucun cas jeter le discrédit sur une profession respectable. Au demeurant, il convient de souligner que dans certains cas, le promoteur y est fortement incité par l’exploitant lui-même : celui-ci prendra part au gain en conservant une partie du fonds de concours, une fraction seulement étant reversée aux propriétaires sous forme de majoration de loyer.

Il est donc primordial que tout candidat à l’acquisition vérifie la conformité du prix proposé par le promoteur avec ceux du secteur, à prestations et emplacement comparables.
La vente sous forme de package d’un lot dans une résidence de services ne justifie en rien une majoration du prix. Une décote serait même légitime attendu que l’acquéreur sera privé de la maîtrise de son bien durant une période minimale de neuf années.

1.2. La mutualisation des résidences

Le modèle de gestion classique fait courir un risque élevé au propriétaire : celui de la mutualisation des résidences par l’exploitant. Nous entendons par là, le principe qui consiste à couvrir les pertes d’une résidence notamment en raison de son trop faible remplissage, par les excédents d’une autre.
Le bailleur peine alors à comprendre la défaillance de locataire alors même que les lots de sa résidence affichent un taux d’occupation très élevé.
Conscient du phénomène, le législateur a modifié en 2009 le Code de tourisme pour contraindre l’exploitant à séparer les comptes des différentes résidences qu’il gère. En effet, l’article L 321-2 dispose :
"L’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande.
Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires un bilan de l’année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les évènements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépenses et de recettes de la résidence.
"

Cette disposition appelle toutefois, trois remarques.

Tout d’abord, elle ne s’applique pas aux exploitants de résidence hôtelière non classée.
Ensuite, cette règle n’est que très rarement respectée par les exploitants et les propriétaires, peu informés, n’exigent pas son application.
Enfin et c’est là le plus important à notre sens, le législateur, nonobstant son souci de satisfaire certaines demandes légitimes, n’a pas eu l’audace de pousser le raisonnement à son terme. Il en résulte un texte dont la portée est finalement très limitée.
En effet, à supposer que ce principe de transparence soit appliqué, il n’empêche nullement l’exploitant de procéder à une mutualisation en effectuant des transferts de fonds entre résidences. Il est tentant pour un professionnel de palier les difficultés de trésorerie rencontrées par l’une d’elles en ponctionnant celle(s) dont les caisses sont plus abondantes.

Le législateur aurait été probablement bien inspiré d’imposer non pas seulement une séparation des comptes d’exploitation mais un réel cloisonnement des comptes bancaires. A défaut de respecter la règle, le gestionnaire indélicat verrait sa responsabilité personnelle engagée pour manquement à ses obligations légales.

1.3. Une occupation privée réduite

Dans le cas d’une résidence de tourisme classée, il est admis que les logements peuvent être occupés par leur propriétaire, sans que cela remette en cause le bénéfice de l’avantage fiscal. L’administration fiscale précise alors que les copropriétaires doivent acquitter le prix normal de leurs séjours. Ce prix est considéré comme normal s’il est au moins égal à 75 % du prix public (Bulletin Officiel des Impôts 5 B-2-10 n°6 du 13 janvier 2010).
Il est cependant accepté que le paiement à l’exploitant s’effectue par compensation avec les loyers qu’il doit verser au propriétaire au titre de la location de son bien.

Dans les faits, cette faculté d’occupation temporaire par le propriétaire est assez réduite car peu appréciée de l’exploitant en ce qu’elle perturbe la gestion de ses réservations et surtout constitue un manque à gagner qu’il cherchera à réduire autant que possible. Dans la très grande majorité des cas observés, nous avons pu relever un maximum de deux semaines accordées à titre d’occupation privée.
Si cette restriction pénalise peu ceux des investisseurs qui sont soucieux avant tout de maximiser le rendement de leur lot, d’autres plus attachés au bénéfice de vacances à bon compte y voient un réel inconvénient.

1.4. La renégociation du loyer à la baisse

Les exploitants ne sont pas toujours bons gestionnaires et peinent parfois à équilibrer leurs comptes. Dans d’autres cas, on l’a vu plus haut, la cause est différente : ils ne sont en mesure de verser les loyers promis qu’avec le concours des fonds remis par le promoteur. Ceux-là consommés, le locataire n’est plus en mesure de respecter ses engagements initiaux.
Commence alors une phase de négociation entre le propriétaire et l’exploitant ou encore l’administrateur judiciaire si une procédure collective a été ouverte. Le discours tenu qui s’apparente dans les faits à du chantage est clair et hélas récurent : soit le premier accepte les nouvelles conditions de loyers à savoir une diminution comprise le plus souvent entre 30% et 50% soit il renonce à la gestion de la résidence et le second est renvoyé à son triste sort.

Cette dernière éventualité est de nature à effrayer le propriétaire qui redoute par dessus tout de perdre les avantages fiscaux dont il a bénéficié lors de l’acquisition et dont il profite encore en vertu de l’article 199 sexvicies du Code général des impôts.
De ce point de vue, son troisième paragraphe est clair :

« III.-Le propriétaire doit s’engager à louer le logement pendant au moins neuf ans à l’exploitant de l’établissement ou de la résidence.  »

Cette situation pour le moins inconfortable le contraint, dans bien des cas, à accepter de revoir les conditions initiales du bail et donc une baisse substantielle du rendement locatif.
Bien qu’étant très mal vécue par l’investisseur, elle devrait être, à notre avis, considérée plutôt comme une opportunité en ce qu’elle lui permet de recourir au juge du commerce pour obtenir la résiliation du bail. Libérés, les copropriétaires malmenés pourraient ensuite basculer vers un mode de gestion plus confortable que nous aborderons dans la seconde partie.

1.5. Le succès éventuel de la résidence ne profite qu’au gestionnaire

A contrario, si la résidence bénéficie d’une occupation plus élevée que prévue du fait de son emplacement et de sa qualité, les propriétaires, tenus par le bail, ne pourront exiger de l’exploitant qu’il leur verse un loyer complémentaire. Le bail est une convention et comme toute convention légalement formée, elle tient lieu de loi à ceux qui l’ont faite. Elle ne peut être modifiée que de leur consentement mutuel (article 1134 du Code Civil). Aucune raison donc, pour que le locataire consente à revoir à la hausse le loyer initialement prévu.
Certes, il est toujours possible de prévoir dans le bail une clause recette qui en indexerait une partie au chiffre d’affaires du locataire, par exemple. Une telle stipulation est toutefois, rarement proposée par l’exploitant. Surtout, elle doit demeurer très limitée en raison du risque de requalification en activité professionnelle qu’elle fait peser sur le bailleur avec toutes les conséquences fiscales dommageables que cela entraînerait. Pour s’en convaincre, on consultera avec intérêt un arrêt du Conseil d’Etat datant du 11 décembre 2009 (n° 301504, 8e et 3e s.-s.).

Finalement, le propriétaire peut perdre, notamment en raison d’une défaillance de son locataire, mais ne gagnera pas plus, en cas de succès.

1.6. L’indemnité d’éviction

Au terme du bail, si le propriétaire souhaite reprendre la pleine possession de son bien, il sera contrait de verser à l’exploitant une indemnité d’éviction. Cette disposition qui résulte directement de la réglementation encadrant le bail commercial (article du Code de commerce) constitue une sérieuse entrave à sa liberté compte tenu du montant possible de cette indemnité.

Il y a plus pervers. Certains gestionnaires renoncent contractuellement (dans le bail) à l’indemnité d’éviction donnant au propriétaire bailleur l’illusion d’être à l’abri de cette charge pénalisante. D’autres acceptent de la fixer à un montant très modéré : deux mois de loyer par exemple.
C’est ignorer hélas, que l’article L145-14 du Code de commerce est d’ordre public. Aussi, toute stipulation contractuelle qu’il l’aurait écartée ou limitée, est sans effet. Aussi, en fin de période, l’exploitant (qui peut ne pas être celui d’origine si le bail a été transmis) pourra exiger qu’elle lui soit pleinement versée et ce, nonobstant les accords initiaux.

Nombre de propriétaires désireux de reprendre la gestion ou la jouissance de leur bien en ont fait l’amère expérience. L’indemnité peut être assez élevée sans qu’on puisse l’évaluer précisément au départ attendu que le juge saisi a toute liberté pour en revoir le montant (le plus souvent avec l’appui d’un expert judiciaire). Sur ce point, l’alinéa 2 de l’article précité dispose que :
« Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Reste que dans le secteur de l’hôtellerie et de l’hébergement touristique, l’indemnité d’éviction peut atteindre une voire deux années de recette par lot. Une dépense donc très importante que l’acquéreur n’intègre pas toujours dans son plan d’investissement.

2. LA SOCIETE D’AUTOGESTION COMME SOLUTION

L’abondant contentieux provoqué par le mode de gestion classique a contraint les copropriétaires a développer une forme d’exploitation alternative plus respectueuse de leurs droits. Depuis peu, certains promoteurs intègrent même ce nouveau dispositif dès le départ, c’est-à-dire avant même que la résidence soit mise en service.
Le principe de base est le suivant : les copropriétaires constituent ensemble une société de gestion (en lieu et place d’un exploitant extérieur) à qui ils vont louer leur lot en vertu d’un bail commercial. Chacun d’eux revêt alors une double qualité : bailleur mais également associé de la société locataire. Le montage revient donc à signer un bail indirectement avec soi-même.
L’exigence légale de l’engagement locatif est donc respectée.
Ensuite, deux modes d’exploitation peuvent être envisagés : la société de gestion ainsi créée assure elle-même la gestion de la résidence (mode interne) ou bien la délègue à un prestataire indépendant (mode externe).
Dans le premier cas, elle recrutera un directeur chargé de coordonner la commercialisation des séjours et l’organisation sur place des prestations proposées aux touristes résidants.
Dans le second cas, le plus fréquent, la société de gestion délègue les tâches à un tiers local ou national. Elle est alors une interface juridique qu’on glisse entre les copropriétaires et l’exploitant véritable. Ce dernier schéma présente l’avantage de soulager les copropriétaires qui ne seraient pas tentés par l’administration complète de leur résidence. La posture est facilement compréhensible dès lors que ceux-là sont majoritairement des investisseurs désireux seulement de réaliser une acquisition immobilière tout en bénéficiant d’avantages fiscaux.
D’aucuns pourraient alors considérer qu’en déléguant la gestion à un tiers, les copropriétaires retombent dans une gestion classique de résidence de tourisme avec les risques exposés dans la première partie. En fait, il n’en est rien car le rapport contractuel qui les lie à l’exploitant est totalement différent : le montage consiste à substituer au contrat de bail un contrat de mandat, bien plus favorable au propriétaire. Cette inversion du rapport de force permet finalement d’entretenir avec l’exploitant locataire des relations plus équilibrées et d’attendre de celui-ci une plus grande efficacité.
En effet, le bail traditionnel emprisonne le propriétaire dans une relation à sens unique dont il ne peut légalement sortir durant au moins neuf années. Rappelons-nous que l’exploitant peut profiter de cette situation pour lui imposer des conditions peu favorables. Il en va tout autrement dans le cadre d’un contrat de mandat ; la possibilité de le dénoncer dans des conditions bien plus souples (selon les stipulations) autorise le propriétaire à changer de gestionnaire si cela est nécessaire.
Outre cette souplesse contractuelle, l’autogestion présente de multiples avantages comparatifs.

2.1. Aucun fonds de concours

La société d’autogestion créée par les acquéreurs n’a pas lieu de recevoir une subvention. Soit qu’elle a été constituée consécutivement à la défaillance de l’exploitant et il n’existe donc plus de lien avec le promoteur. Soit qu’elle l’a été dès le départ à l’initiative du promoteur et les nouveaux propriétaires associés disposent alors de la capacité d’en contrôler les flux.
La question du fonds de concours ne se pose donc plus.
Il faut toutefois, reconnaître que le démarrage de ce mode alternatif d’exploitation exige le versement d’un fonds de roulement en raison du décalage entre les loyers reçus et le règlement des charges courantes. Les copropriétaires devenus associés pourront alors déposer la somme requise dans les caisses de la nouvelle société sous la forme d’un apport en compte courant qui leur sera remboursé aussitôt qu’elle aura engrangé suffisamment de recettes.

2.2. Plus de mutualisation des résidences

La société d’autogestion ayant pour objet social la gestion de la seule résidence dont les copropriétaires sont également les associés, les bénéfices que dégage son exploitation ne pourront en aucun cas servir à couvrir les pertes d’une autre résidence. Un risque majeur est ainsi écarté.

L’exercice de notre métier nous a amenés à assurer la défense de copropriétaires privés de loyers en raison de l’indigence de leur exploitant alors même que leur résidence affichait un taux d’occupation exceptionnellement élevé. Reconnaissons là une situation hautement irritante dont l’autogestion permet d’écarter totalement l’éventualité.

2.3. Une occupation privée maximale

L’avantage que nous présentons ici ne vise qu’une catégorie : les résidences de tourismes classées. Dans ce schéma alternatif que représente l’autogestion, les règles en matière d’occupation privée sont fixées non plus par l’exploitant « tiers » mais par la société d’autogestion. Or, ses modalités de fonctionnement sont fixées par les actionnaires eux-mêmes également copropriétaires. Ceux-là ont alors toute liberté pour définir un usage privé proche du maximum légal soit huit semaines si tel est leur souhait. Rappelons, en effet, qu’il admis par l’administration fiscale que les logements situés dans une résidence de tourisme classée peuvent être occupés par leurs propriétaires sans que cela remette en cause le bénéfice de l’avantage fiscal à la condition de ne pas excéder huit semaines par an (appréciée en nombre de jours d’occupation, soit cinquante-six jours).
Nul doute que cette tolérance est de nature à séduire un grand nombre de propriétaires. D’autant qu’il est possible de concilier les exigences en matière de rentabilité et l’agrément de l’occupation privée en positionnant cette dernière en dehors des périodes de pointes.
Un tel aménagement est guère envisageable lorsque la résidence est gérée par un exploitant traditionnel qui préfère le plus souvent, fermer la résidence afin d’en réduire les coûts de fonctionnement et d’entretien.

2.4. Un loyer à la hauteur des qualités de la résidence

La société d’autogestion étant aux services des copropriétaires, elle pourra réviser les loyers pour les fixer en fonction des résultats réellement dégagés par son exploitation. On prendra soin cependant d’éviter un lien trop fort entre les recettes de la société et le montant des loyers reversés. En effet, une telle situation, on l’a vu plus haut, ferait courir au contribuable le risque d’être lui-même un commerçant en raison d’un intéressement très étroit aux résultats de la société d’exploitation.
Cela étant dit, une révision triennale du loyer par avenant au bail ou une clause recette minoritaire est parfaitement envisageable.

2.5. Une élévation sensible de la rentabilité

Force est de constater que les gestionnaires de résidence reversent au propriétaire bailleur une fraction congrue des loyers. Généralement, le taux de reversement varie entre 30% et 40% du chiffre d’affaires théorique. En d’autres termes, le propriétaire d’un lot ne perçoit in fine qu’une part très minoritaire du loyer versé par l’utilisateur. L’explication tient au fait que les gestionnaires, pour la plupart d’entre eux, optent pour la solution de facilité : déléguer la commercialisation des séjours à un tour opérateur à qui ils accorderont une remise souvent proche de 40% en raison de la quantité massive réservée.

Le regroupement des copropriétaires au sein d’une structure d’autogestion impliquera une maîtrise plus efficace de la stratégie commerciale et ce quelque soit le mode d’exploitation choisi : interne ou externe (déléguée). La réalisation d’un site Internet correctement référencé puis le recours à des portails de location bien connus contribueront à une diffusion performante des séjours proposés pour peu que la résidence soit correctement située.
Il en résultera une hausse sensible du chiffre d’affaires et donc du loyer reversé au propriétaire.

2.6. Pas d’indemnité d’éviction

La question de l’indemnité d’éviction devient sans objet, le bénéficiaire du bail commercial n’étant autre que la société créée par les copropriétaires eux-mêmes.
Certes, on objectera à juste titre que la disposition légale (article L145-14-2 du Code du commerce) prévoyant le versement d’une indemnité d’éviction étant d’ordre public, il n’est pas possible d’y renoncer par une stipulation du bail.
La solution consiste alors à préciser dans les statuts de la société d’auto-gestion que l’assemblée générale des actionnaires (donc indirectement les copropriétaires) est souveraine pour fixer le montant de ladite indemnité. On imagine aisément le sort du vote, les participants n’ayant aucun intérêt à se l’auto-attribuer au bout des 9 ans.

***

Conclusion

Pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, il semble souhaitable d’éviter d’accorder un bail commercial à un exploitant indépendant. Surprotecteur, ce type de contrat lui confère un ensemble de prérogatives qui prive l’acquéreur de la propriété économique de son bien et le place dans une situation de dépendance dommageable. Les abus sont nombreux.
Alternative fortement recommandée, la société d’autogestion, structure qui assume elle-même l’exploitation de la résidence ou bien s’intercale entre les copropriétaires et le gestionnaire, permet de contourner les écueils du mode d’exploitation classique. Principal atout, elle rend aux investisseurs la maîtrise et le contrôle de leur résidence tout en bénéficiant des avantages fiscaux propres aux résidences de services.
Reste que ce mode alternatif d’exploitation ne résout pas tous les problèmes. Quelque soit le mode adopté, classique, autogestion interne ou autogestion déléguée, son succès dépend essentiellement du niveau de compétence qui caractérise l’équipe chargée de commercialiser les séjours et d’assurer sur place les services proposés par la résidence. Une histoire d’hommes en somme.

Marc AMBLARD Avocat et Maître de conférences (Aix Marseille Université) Société d'Avocats AMBLARD Mail : amblard@amblard-avocats.fr www.lesavocatsfiscalistes.fr
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