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Protection de la dénomination sociale à titre de marque. Par Nawel Triba, Juriste.
Parution : lundi 25 mars 2013
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Lorsque la décision de créer une entreprise est prise, s’impose alors le choix de la dénomination sociale et de la marque sous laquelle les produits et/ou services seront commercialisés.

La dénomination sociale permet d’identifier et d’individualiser la société, c’est-à-dire l’entreprise en tant que personne morale.

La dénomination sociale est protégée dès l’immatriculation de la société au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).

Le droit de propriété sur cette dénomination sociale a une portée nationale, dans le domaine d’activité de l’entreprise en question.

Compte tenu de l’importance du choix de la dénomination d’une société, il est important de ne pas se précipiter et de vérifier au préalable que la dénomination choisie est bien disponible et qu’elle ne porte pas atteinte aux droits de tiers.

Il est donc nécessaire, afin d’éviter d’entrer en conflit avec des titulaires de droits antérieurs, d’effectuer une recherche d’antériorités sur les signes déjà protégés et notamment parmi :

-  les marques enregistrées ou déposées,
-  les dénominations sociales, noms commerciaux et enseignes,
-  les noms de domaine.

Dès que la dénomination sociale est inscrite au RCS, il est recommandé de mettre en place une surveillance pour vérifier que des tiers n’utilisent pas cette même dénomination ou une dénomination similaire comme dénomination sociale ou encore comme enseigne, nom commercial, marque etc.

Il sera possible d’interdire cette utilisation si :

-  celle-ci est postérieure à la date d’immatriculation de la société ;
-  elle concerne une activité et/ou des produits et services proches de ceux de l’entreprise ; et
-  il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public (clientèle ou fournisseurs).

Ainsi, en cas de conflit entre la dénomination sociale de la société et un nom de domaine ou une dénomination sociale postérieure, il est possible d’engager une action en concurrence déloyale.

S’il s’agit d’une marque déposée postérieurement à la dénomination sociale, il est possible de demander l’annulation de cette marque en engageant une action en nullité devant le Tribunal de grande instance compétent.

Toutefois, la protection de la dénomination sociale en tant que telle peut s’avérer insuffisante.

Il est en effet fortement recommandé de déposer la dénomination sociale à titre de marque.

En commercialisant ses produits et/ou services sous le même nom (ou vocable) que sa dénomination sociale, l’entreprise aura une meilleure visibilité sur le marché puisque le public l’identifiera grâce à sa marque.

De plus, en déposant sa dénomination sociale à titre de marque, la société augmente son actif et donc la valeur de son patrimoine.

La dénomination choisie devra remplir les conditions de validité de la marque : elle devra être distinctive c’est-à-dire servir à distinguer les produits et services de ceux des entreprises concurrentes, être licite et être disponible.

Il est indispensable de vérifier au préalable avant tout dépôt de marque la disponibilité du signe choisi.

En effet, l’INPI n’effectue pas de recherche d’antériorités pour vérifier la disponibilité d’une marque déposée. Cette responsabilité incombe donc au déposant qui doit réaliser ces recherches avant de procéder au dépôt de sa marque.

Les droits antérieurs susceptibles de faire obstacle à une marque postérieure sont énumérés à l’article L 711-4 du Code de la propriété intellectuelle :

"Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;
b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
d) A une appellation d’origine protégée ;
e) Aux droits d’auteur ;
f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;
g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;
h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale. "

L’enregistrement de la marque confère un monopole à l’égard des produits ou services énumérés dans la demande d’enregistrement ainsi qu’à l’égard des produits et services qui leur sont similaires, et ce à compter de la date de dépôt de la demande.

Lorsque la marque est renommée, ce monopole sera étendu aux entreprises de secteurs d’activité différents.

Par ailleurs, les fondements et conditions de mise en œuvre des actions respectives en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale sont très différents.

S’agissant de l’action en contrefaçon, il suffit en effet de faire constater l’atteinte à un droit privatif.

Le succès d’une action en concurrence déloyale est quant à lui subordonné à trois conditions cumulatives : le demandeur doit rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ces deux éléments.

Il n’est pas possible pour un juge du fond d’accorder des dommages et intérêts pour concurrence déloyale en relevant seulement un préjudice sans caractériser l’existence d’une faute à l’encontre de la société mise en cause.

En outre, grâce à la procédure de saisie-contrefaçon, il sera possible, sur autorisation du juge, d’établir la preuve de la contrefaçon. Le législateur a en effet prévu des procédures spécifiques, dérogatoires et exceptionnelles de saisies afin de garantir la conservation de la preuve de la contrefaçon, de son origine et de son étendue.

Enfin, l’action en contrefaçon peut s’exercer aussi bien devant la juridiction pénale que devant la juridiction civile. En effet la contrefaçon est sanctionnée pénalement, ce qui n’est pas le cas de la concurrence déloyale.

En conclusion :

Compte tenu de l’importance du choix de la dénomination sociale, il est indispensable de s’assurer une exploitation paisible.

C’est la raison pour laquelle il est fortement conseillé de déposer sa dénomination sociale à titre de marque afin d’acquérir un monopole d’exploitation sur la dénomination choisie et pouvoir notamment agir en contrefaçon en cas d’exploitation non autorisée de sa dénomination par un tiers.

L’entreprise devra bien entendu exploiter cette dénomination à titre de marque (c’est-à-dire pour désigner des produits ou des services) et non pas uniquement comme dénomination sociale, ce afin de ne pas encourir la déchéance de ses droits sur cette marque pour défaut d’usage.

TRIBA Nawel CABINET WAGRET