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L’adresse du domicile réel ou élu du copropriétaire : une information essentielle. Par Thomas Mertens, Avocat.
Parution : vendredi 29 mars 2013
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La gestion de la copropriété n’est pas chose aisée. Quelque soit la taille de la copropriété, le syndic est confronté à un certain nombre de difficultés pratiques afin d’en faire fonctionner les institutions.

Le syndic est, en effet, l’organe exécutif des décisions de l’assemblée générale des copropriétaires et se doit de veiller à la conservation de l’immeuble. Pour ce faire, il lui revient, entre autres, la tâche de convoquer les assemblées générales de copropriétaires et d’en notifier les procès-verbaux.

Pour exécuter cette mission première que lui confient les textes, le syndic doit disposer des adresses postales de chacun des copropriétaires afin que ceux-ci puissent recevoir les notifications utiles à la gestion de l’immeuble. Elles leur permettent de prendre part aux assemblées générales et de les contester le cas échéant.

A l’impossible nul n’étant tenu, le décret du 17 mars 1967 a mis en place une règle selon laquelle il appartient au titulaire d’un droit réel sur un lot de copropriété de notifier « au syndic son domicile réel ou élu ainsi que, s’il le souhaite, son numéro de télécopie » (Article 65 du décret) (I). Sans cette notification, la nouvelle adresse n’est pas opposable au syndic.

Cette règle stricte a des conséquences importantes pour le copropriétaire défaillant mais également pour le syndic lorsqu’il agit en justice (II)

I – La notification de l’adresse du domicile du copropriétaire au syndic est indispensable.

La Loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1967 met essentiellement à la charge du copropriétaire la communication de l’adresse de son domicile réel ou élu (A). Cependant, le syndic a l’obligation de tenir et de mettre à jour la liste de ces adresses (B).

A) Une règle stricte essentiellement mise à la charge du copropriétaire.

L’article 65 du décret du 17 mars 1967 [1] impose à toute personne, physique ou morale, titulaire d’un droit réel sur un lot de copropriété de notifier le transfert de son domicile réel ou élu. Ce texte ne vise que le changement d’adresse puisque le domicile fait l’objet d’une mention obligatoire de l’avis de mutation prévu à l’article 6 du décret. Le syndic sera informé de l’adresse du domicile réel ou élu du ou des nouveaux copropriétaires par le notaire chargé de la vente ou par l’avocat du dernier enchérisseur en cas de vente à la barre du tribunal.

La notification de changement d’adresse doit être faite par courrier recommandé ou par télécopie avec avis de réception conformément aux dispositions de l’article 64 du décret. La jurisprudence considère que la liste des modes de notification prévus à cet article est limitative [2].

Cette obligation est d’ordre public. Elle s’applique même lorsqu’il s’agit du déménagement du siège social d’une société. Si, en droit commun, la publication au registre du commerce et des sociétés rend le changement d’adresse opposable aux tiers, elle n’atteint pas le syndic en droit spécial de la copropriété.

Même si les notifications adressées par courrier recommandé par le syndic lui reviennent, le syndic n’est pas tenu d’effectuer des investigations auprès des fichiers (conservation des hypothèques ou registre du commerce) afin de localiser lui-même l’adresse du domicile du copropriétaire, en tout état de cause, après son entrée en fonction.

B) Le syndic est tenu d’établir et de maintenir à jour son fichier.

Lors de sa prise de fonction, le syndic est tenu d’établir la liste de tous les titulaires de droits réels sur l’immeuble [3]. La Jurisprudence a précisé que le syndic, lors de son entrée en fonction doit inviter les copropriétaires à déclarer l’adresse de leur domicile [4].

Le premier syndic devra donc se manifester auprès des copropriétaires afin d’établir ce fichier. Lors de la transmission de celui-ci, le nouveau syndic devra alors adresser une demande de confirmation de l’adresse en sa possession.

Postérieurement à sa prise de fonction, il est tenu de ne prendre en compte que les notifications reçues conformément aux dispositions de l’article 65 du décret. Pour autant, la mise à jour du fichier n’est pas totalement enfermée dans les règles de formes ainsi édictées.

La jurisprudence considère que les textes n’excluent pas la possibilité d’effectuer des notifications à l’adresse où le syndic soit en pouvoir de toucher le copropriétaire [5] même si cette adresse ne lui a pas été notifiée. Cela reste une simple faculté pour le syndic puisque la Cour de cassation considère que “le fait que le syndic ait connaissance d’une autre adresse est indifférent dès lors que cette autre adresse ne lui a pas été régulièrement notifiée [6]

Cependant, cette dernière décision n’est pas toujours mise en pratique par les Juges du fond.

II – Les difficultés à prévoir en cas d’absence de notification de l’adresse au syndic.

La connaissance de l’adresse du domicile réel ou élu du copropriétaire est essentielle pour que ce dernier puisse exercer ses droits (A). Des difficultés peuvent surgir, en matière contentieuse, lorsque le syndic a connaissance d’une autre adresse que celle notifiée (B).

A) Les conséquences du défaut de notification de changement d’adresse pour le copropriétaire défaillant.

Dès lors que le syndic n’a pas d’obligation de rechercher la localisation du domicile réel ou élu du copropriétaire, même si les courriers recommandés qu’il lui adresse reviennent à avec la mention « destinataire inconnu », le syndic n’a pas l’obligation d’adresser les courriers à une autre adresse [7] qui ne lui aurait pas été notifiée.

Ainsi, faute d’avoir pu être réellement destinataire des convocations d’assemblée générale et de la notification des procès-verbaux, le copropriétaire n’ayant pas déclaré son adresse ne peut contester les décisions collectives. Le délai de deux mois de recours contentieux commencera à courir à compter de la 1ère présentation du recommandé au bureau de poste.

De ce fait, il sera tenu de participer aux charges alors qu’il n’aura pas participé au vote de l’assemblée générale qui leur sert de base. En cas d’action en justice du syndicat des copropriétaires il ne pourra pas contester la validité des assemblées générales.

Si en principe l’assignation délivrée au domicile notifié est valable, la pluralité d’adresses connues par le syndic peut amener les tribunaux à considérer l’acte comme nul.

B) Les difficultés procédurales liées à la carence du copropriétaire en cas de changement d’adresse.

L’article 659 du Code de procédure civile prévoit, à peine de nullité, que lorsque le domicile est inconnu, l’huissier de justice est tenu de dresser un procès-verbal relatant avec précision les diligences effectuées par lui pour rechercher le destinataire de l’acte.

La jurisprudence considère que lorsque le syndic connaît l’adresse réelle du copropriétaire celui-ci a l’obligation de faire délivrer l’assignation à cette adresse même si celle-ci ne lui a pas été notifiée.

A défaut, le tribunal peut relever d’office la nullité de l’assignation si, par exemple, l’adresse figurant au fichier hypothécaire est différente de celle portée sur l’assignation ou s’il est établi que le syndic avait connaissance de l’adresse réelle.

Ainsi, par prudence, le syndic devra faire délivrer l’assignation à toutes les adresses connues de lui, notifiée ou non. Pourtant, l’arrêt précité de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 février 2012 pourrait laisser entendre que seul l’adresse notifiée est à prendre en considération par le syndic, ce compris lorsqu’il agit en justice. Il conviendra de suivre de près les évolutions Jurisprudentielles sur ce point.

Thomas Mertens Avocat au Barreau de PARIS

[1“En vue de l’application de l’article précédent, chaque copropriétaire ou titulaire d’un droit d’usufruit ou de nue-propriété sur un lot ou une fraction de lot notifie au syndic son domicile réel ou élu ainsi que, s’il le souhaite, son numéro de télécopie.

Les notifications et mises en demeure prévues par l’article 64 sont valablement faites au dernier domicile ou au dernier numéro de télécopie notifié au syndic.

Les notifications, mises en demeure ou significations intéressant le syndicat sont valablement faites au siège du syndicat ou au domicile du syndic.”

[2Cour d’appel de PARIS, 23ème Chambre B, 1er février 2001.

[3Article 32 du décret : Le syndic établit et tient à jour une liste de tous les copropriétaires avec l’indication des lots qui leur appartiennent, ainsi que de tous les titulaires des droits mentionnés à l’article 6 ; il mentionne leur état civil ainsi que leur domicile réel ou élu, et, s’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ou statutairement.

Lorsqu’un copropriétaire fait l’objet d’une mesure de protection en application des articles 447, 437, 477 ou 485 du code civil, le tuteur ou, selon le cas, le curateur, le mandataire spécial, le mandataire de protection future, lorsque son mandat prend effet, ou le mandataire ad hoc notifie son mandat au syndic qui porte cette mention sur la liste prévue au premier alinéa. Il en est de même de l’administrateur légal d’un mineur copropriétaire, du mandataire commun désigné en application de l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965 en cas d’indivision ou d’usufruit d’un lot de copropriété et du mandataire qui a reçu mission d’administrer ou de gérer à effet posthume un lot de copropriété en application de l’article 812 du code civil.

[4Civ. 3ème, 18 décembre 2002

[5Cour d’appel de PARIS, 23ème Chambre B, 12 octobre 2000

[6Civ. 3ème, 7 février 2012 n°10-28.770

[7Civ. 3ème, 16 mars 2010 n°08-21.464

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