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Violation de la vie privée de la DRH via la messagerie professionnelle : révocation justifiée. Par Luc Brunet.
Parution : mardi 28 mai 2013
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Un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé l’intéressé d’une garantie.

Un attaché territorial est révoqué par un département après plusieurs actes d’insubordination.

La goutte qui a fait déborder le vase ? L’envoi d’un mail adressé à tous les syndicats du conseil général contenant la retranscription d’un message posté sous un pseudonyme sur un forum de discussions entre amateurs de voyages, dans laquelle l’auteur y relate ses souvenirs personnels d’un voyage en Asie.

Jusqu’ici rien de bien grave. Sauf que l’auteur du message posté sur le forum de voyages est identifiable et n’est autre que la DRH du département... laquelle apprécie modérément que sa vie privée soit ainsi étalée via la messagerie professionnelle.

L’agent révoqué obtient l’annulation de la sanction prise à son encontre pour vice de forme. Le Tribunal administratif relève en effet que le département n’ a pas respecté, à un jour près, le délai de convocation de 15 jours avant la réunion du conseil de discipline comme l’exige l’article 6 du décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement et valide la procédure :

"si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie".

Or tel n’est pas jugé le cas en l’espèce dès lors que l’intéressé a été avisé, plus d’un mois avant la réunion du conseil de discipline, qu’une procédure disciplinaire était initiée à son encontre. En outre l’attaché a consulté son dossier personnel qui comprenait notamment un exemplaire du rapport disciplinaire établi par le directeur général des services (DGS), mentionnant qu’au regard des manquements graves et persistants au devoir hiérarchique et à l’obligation de réserve, le président du conseil général proposait que soit infligée une sanction du quatrième groupe à savoir la révocation. Enfin l’intéressé n’a pas demandé le report de la séance, était présent avec son conseil et un représentant syndical à ladite séance du conseil de discipline et ne soutient pas que la méconnaissance du respect du délai de quinze jours susmentionné l’ait privé de la possibilité de faire valoir ses arguments de défense ou de citer des témoins.

Bref : la légère entorse au délai de convocation (14 jours au lieu de 15) n’a eu aucune incidence préjudiciable sur l’exercice effectif des droits de la défense.

Quant au fond du dossier, la Cour administrative d’appel juge la sanction proportionnée compte tenu du passé disciplinaire chargé de l’intéressé lequel a déjà reçu :

- un blâme en 2002 pour avoir refusé de se conformer à l’ordre de réintégrer son bureau ;

- une sanction d’exclusion temporaire de fonction pour une durée de six mois en 2003 à la suite de la diffusion de tracts contenant des termes outranciers et comprenant des menaces de désobéissance ;

- un blâme en avril 2010 pour avoir envoyé à la directrice des relations humaines du département des messages électroniques mettant en cause l’institution départementale en arguant d’éléments relatifs à l’ambiance de travail au sein du département, à la personne du DGS et en spéculant sur l’adoption du budget primitif.

La Cour en conclut que l’intéressé "a manqué de façon répétée à ses obligations de réserve et d’obéissance hiérarchique".

"Ainsi, compte-tenu de l’ensemble du comportement de M. C...au cours des années antérieures, qui entretient une relation conflictuelle avec sa hiérarchie, et qui malgré les précédentes sanctions disciplinaires n’a pas modifié son comportement, de son attitude professionnelle et ainsi qu’il a été dit, de l’envoi le 16 février 2010 du courrier électronique du 30 octobre 2009 à l’ensemble des délégués du personnel, lequel constitue une nouvelle faute, la sanction de révocation prise à son encontre n’est pas, compte tenu du grade détenu par M. C...et du comportement attendu d’un agent de catégorie A, manifestement disproportionnée".

Ainsi un fonctionnaire qui reste insensible aux sanctions disciplinaires répétées dont il a fait l’objet prend le risque d’épuiser la patience de son employeur et s’expose à la révocation à la moindre nouvelle incartade. L’employeur se trouve en quelque sorte fondé à prendre acte de l’incapacité de l’intéressé à s’amender.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 26 mars 2013, N° 12BX00055

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