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La notion d’avocat et ses traductions dans le monde.
Parution : mardi 11 juin 2013
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L’avantage de la traduction juridique est d’offrir une meilleure interprétation et vision de l’application du droit national aussi bien de la langue source que de la langue cible. En effet, chaque concept juridique a été façonné par la spécificité culturelle propre à chaque pays pour en créer un langage propre (le langage juridique) et ainsi un système juridique tout aussi spécifique à la nation concernée.
Une des tâches du traducteur juridique est toutefois de transposer au mieux ces concepts du système juridique de la langue source vers celui de la langue cible. Et ceci même si l’équivalence de certaines notions n’est pas totale d’une langue vers une autre. Tel est le cas pour la notion d’avocat.

Si la loi française du 25 janvier 2011 a permis de simplifier la notion d’avocat en regroupant différentes professions en une, cela n’a pas rendu la tâche du traducteur plus aisée pour autant, que ce soit la traduction du français vers une langue cible (comme l’anglais) ou inversement. Un des critères auquel il faut porter une particulière attention est le contexte dans lequel s’insère la notion à traduire. Le terme “avocat” ne sera donc pas traduit de la même manière selon que le texte est américain, canadien, britannique ou d’un autre pays anglosaxon comme l’Afrique du Sud, la Nouvelle Zélande, l’Australie, etc. Il en va de même concernant le rôle que tient l’avocat dans le document juridique à traduire.

Compte tenu de la complexité des notions qui seront utilisées ci-dessous, cet article se veut résumer au mieux chacune d’elles. La finalité est avant tout portée sur la complexité à laquelle fait face le traducteur juridique sur les différentes notions de droit propres à chaque pays. Traduire le terme “avocat” en fait partie.

Aux Etats-Unis, “avocat” peut être traduit de trois manières : attorney, lawyer et advocate. Il faut toutefois noter que lawyer est un terme générique utilisé pour qualifier des notions bien plus spécifiques. En réalité, un lawyer est avant tout un juriste, c’est-à-dire une personne ayant étudié le droit. Elle n’est donc pas forcément avocat et ainsi inscrite au Barreau. Si dans le langage courant, lawyer ne semble pas poser de problème (car plus accessible à la population), il est toutefois plus opportun de faire référence à des notions comme attorney ou advocate (en fonction, à nouveau, du contexte) lorsqu’il faut traduire des textes juridiques officiels.

Attorney est l’avocat inscrit au Barreau dont le rôle est d’assurer la représentation juridique de ses clients et de les assister dans des domaines juridiques comme les testaments, les divers contrats, les hypothèques, etc. Les attorneys plaident aussi les dossiers de leurs clients devant les tribunaux si nécessaire. Lorsqu’ils plaident, ils sont souvent nommés trial attorneys (car certains attorneys ne font que préparer les dossiers lorsque d’autres ne font que plaider), mais aussi defense counsel (avocat de la défense) car les juges nomment les avocats counsels durant les plaidoiries.

Quant à advocate, ce dernier doit être vu avant tout comme un défenseur d’une cause. En effet, un advocate peut être un juriste comme un non juriste. Un advocate ne plaide pas forcément devant les tribunaux (ex : défenseurs en matière d’écologie, défenseur des droits de l’homme, etc). S’il doit plaider, il ne sera pas forcément juriste (ex : cela peut être un tuteur ou un curateur). La différence entre attorney et advocate est surtout que l’attorney est pleinement et légalement habilité à représenter les clients alors que l’advocate les assiste et a un pouvoir juridique réduit face à l’attorney. Il ne faut donc pas que le terme advocate voire même l’expression Devil’s Advocate (l’avocat du diable) porte à confusion. Concernant cette expression, à l’origine elle avait un lien religieux. Aujourd’hui, elle désigne surtout une personne qui défend une position souvent impopulaire plus pour le raisonnement que cela induit que pour la croyance qu’elle requiert. Il ne faut pas non plus confondre l’attorney avec l’Attorney General, le District Attorney, le Deputy Attorney General et Associate Attorney General qui sont avant tout des procureurs généraux. Enfin, il faudra également éviter de traduire littéralement l’expression power of attorney. Car cette expression se traduit principalement par “procuration”.

Ces notions susmentionnées diffèrent dans un autre pays comme le Royaume-Uni. En effet, en Angleterre et au pays de Galles (comme en Irlande), “avocat” ne sera pas traduit par attorney mais soit par solicitor soit par barrister, selon le rôle que l’avocat jouera. La notion d’attorney n’existe pas en Angleterre et au pays de Galles (le seul terme juridique portant le terme attorney est Her Majesty’s Attorney General, qui est en réalité le Procureur général et non un avocat). Le barrister est un avocat plaidant. Il est spécialisé dans un domaine et défend les dossiers juridiques de clients de solicitors devant les plus hautes juridictions (bien qu’il puisse plaider devant n’importe quelle instance judiciaire). Face au système américain, le barrister est proche de la notion de trial attorney, alors que solicitor est plus proche de l’attorney qui s’occupe principalement de préparer les dossiers juridiques, assister les clients dans différents domaines comme les testaments, les propriétés immobilières, les divers contrats, etc.

Si le terme attorney en tant qu’avocat n’existe pas en Angleterre et au pays de Galles, il en va de même pour les notions de solicitor et de barrister aux États-Unis. Il faudra donc se garder d’employer ces deux termes dans les textes américains pour éviter des contresens. Surtout en ce qui concerne la notion de solicitor. En effet, solicitor fait surtout référence aux États-Unis aux démarcheurs en tout genre dans le domaine commercial. Il est à noter toutefois qu’aujourd’hui, dans très peu d’États fédéraux américains, il est possible de rencontrer le terme solicitor dans le cadre juridique. Mais il désigne un officier ministériel de justice et non pas un avocat comme l’attorney (dans d’autres États américains, il est connu sous le nom de city commissioner). En réalité, il est plus en droite ligne avec le Solicitor General (avocat général représentant de manière exclusive l’État et non les citoyens).

Face au système juridique français, même si depuis le 1er janvier 2012 la classification des professions juridiques a été simplifiée, il n’en reste pas moins que selon le rôle de l’avocat, il pourra faire référence soit au solicitor soit au barrister d’Angleterre, pays de Galles et même d’Irlande. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’on fait référence au rôle du solicitor dans le cadre des procédures immobilières ou les testaments. Dans ces situations, le solicitor est plus proche du rôle du notaire français que de celui de l’avocat (de ce fait, “notaire” aura tendance à être traduit par solicitor en Angleterre, par conveyancer aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud). Lorsque le solicitor conseille ses clients, prépare les dossiers, son rôle est alors celui de l’avocat (avant 2012, c’était plus le rôle de l’avoué). Pour simplifier, le solicitor est un mélange de plusieurs professions dont celle d’avocat (anciennement c’était l’avoué), de conseiller juridique - legal advisor - et de notaire. Par conséquent, selon le contexte et selon la fonction qu’il opère, solicitor sera traduit différemment. Il faut noter que même si une traduction est donnée à ces notions, elle ne pourra jamais rendre compte pleinement du concept juridique d’origine qui est propre à une culture donnée.

Pour aller plus loin dans les complexités, il est important de parler de l’Écosse et de l’Afrique du Sud. En Écosse, on ne parlera pas de barrister et de solicitor comme en Angleterre et au pays de Galles, mais d’advocate (qui serait l’équivalent du barrister en Angleterre, et du trial attorney aux États-Unis) et de solicitor (nommés aussi writers to the signet dans le Jersey). En Afrique du Sud, l’avocat pourra se traduire soit par advocate (a le même rôle que le barrister en Angleterre - puisqu’il plaide que devant les hautes instances judiciaires - ou le trial attorney aux États-Unis) soit par attorney (dont les missions sont très proches de celles du solicitor en Angleterre).

Quant aux pays comme le Canada (Québec exclu), l’Australie, Hong Kong et la Nouvelle Zélande, de par leurs liens historiques et culturels avec l’Angleterre, ils ont l’avantage de tous faire référence à la division entre barrister et solicitor pour définir la notion d’avocat. Ils exercent généralement les mêmes fonctions que celles opérées par les solicitors et barristers d’Angleterre. La spécificité est toutefois que si en Angleterre (comme en Irlande), la fonction de solicitor ne peut pas être cumulée avec celle de barrister, il en est autrement dans ces pays susmentionnés. Par exemple, en Nouvelle Zélande, lorsqu’un juriste va s’enregistrer au Barreau, il sera directement solicitor et barrister. Seuls les avocats expérimentés pourront demander à être seulement enregistrés comme barrister (avocat plaidant) s’ils le souhaitent. A Hong Kong, au Canada (Québec exclu) ou en Australie (sauf pour l’État du Queensland où il n’y a pas de cumul de corps de métier), les solicitors peuvent s’inscrire aussi comme barristers (ceci depuis la loi de 2004 sur les professions juridiques). Toutefois, en pratique, la plupart des avocats de ces pays choisissent une des deux fonctions sans les cumuler. Par conséquent, les difficultés de traduction seront les mêmes que celles rencontrées dans le système britannique. Quand il faudra définir le terme “avocat”, il faudra tenir compte de la fonction que joue le solicitor comme cela a été expliqué précédemment dans cet article.

Au Québec, il y a essentiellement des avocats et des notaires. Ainsi, “avocat” sera traduit de la même manière qu’en français et sa notion se rapprochera plus de celle des attorneys aux États-Unis (voire lawyer dans le langage commun) et des barristers en Angleterre sans jamais pour autant être le parfait équivalent. Les notaires (ou civil-law notaries ou notaries) sont eux plus apparentés aux solicitors d’Angleterre.

En conclusion, le contexte auquel fait référence un texte est fondamental en traduction quelque soit le domaine dans lequel le traducteur est spécialisé (cela n’est pas propre qu’à la traduction juridique). Les équivalences entre pays sont extrêmement rares compte tenu des différences culturelles, historiques et ainsi juridiques.

Selon les documents à traduire, il pourra s’avérer utile de mettre une note explicative pour le client. D’autre fois, les notes explicatives ne seront pas mises voire ne seront pas recommandées (les clients recherchent avant tout une traduction de texte, non des commentaires) et on ne se basera que sur la traduction des termes qui seront mis entre guillemets avec le terme d’origine ajouté juste après et mis entre parenthèses.

Audrey LAUR
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