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Réorganisation de l’entreprise et prévention des risques psychosociaux. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : vendredi 21 juin 2013
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L’employeur qui entend réorganiser l’entreprise doit faire preuve de prudence et ne pas agir avant d’avoir évalué les risques psychosociaux éventuels.

Suivant une jurisprudence bien établie, l’employeur qui entend réorganiser une partie ou la totalité de l’entreprise doit se montrer prudent.

En effet, sauf nécessité impérieuse, s’il apparaît qu’une réorganisation tend à créer un risque sur la santé et la sécurité du personnel, le juge pourra suspendre le projet en raison du devoir de l’employeur de respecter son obligation de sécurité de résultat [1] .

Mais à quel moment l’employeur doit-il vérifier si la réorganisation de l’entreprise aura des conséquences néfastes sur la santé et la sécurité des salariés ?

Tout simplement (et logiquement compte tenu des exigences communautaires et nationales) AVANT toute réalisation de son projet.

C’est effectivement ce que la Cour d’appel de Paris a décidé, en suspendant un projet de réduction de postes par un employeur, après avoir constaté que le dessein de l’employeur était susceptible d’engendrer des risques psychosociaux [2].

Autrement exprimé, les juges d’appel ont condamné l’employeur pour ne pas avoir pris la précaution d’évaluer et de chiffrer en amont la surcharge de travail, génératrice de stress, que les salariés restant en poste auraient à subir en raison de la réorganisation de leur travail.

Il s’agit là d’une solution inédite , montrant qu’au titre de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur est tenu de prévenir les risques psychosociaux de ses salariés avant d’envisager la réorganisation du travail.

De fait, il doit étudier les conséquences éventuelles et regarder si son intention aura pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

De quelle manière se déroule en pratique la prévention des risques psychosociaux ?

L’employeur doit évaluer et chiffrer les facteurs de risques psychosociaux, et tout particulièrement la charge de travail qui sera transférée aux salariés demeurés en fonctions et le stress éventuel que cela générera.

Si besoin, l’employeur ne devra pas hésiter à recourir à un complément d’expertise afin d’être certain que son évaluation n’est pas erronée.

Une fois ce travail réalisé, l’employeur devra communiquer son étude aux membres du CHSCT qui donneront leur avis.

S’ils estiment que l’étude réalisée laisse subsister un risque psychosocial (stress, harcèlement, violence) compromettant pour la santé et la sécurité, ils pourront saisir les instances judiciaires afin de faire annuler ou suspendre le projet de l’employeur pour avoir violé son obligation de prévention des risques psychosociaux ou violé son obligation de sécurité de résultat.

En effet, au même titre qu’un syndicat, les CHSCT, qui ont la personnalité morale, peuvent demander l’annulation du projet de réorganisation eu égard à leurs prérogatives propres et particulières d’institutions représentatives du personnel spécialisées dans les questions relatives aux conditions de travail des salariés de l’entreprise dans les domaines de la santé, de l’hygiène et de la sécurité, au sens des articles L. 4612-1 à 7 du Code du travail.

Les CHSCT ont un intérêt direct dans la mise en place de la réorganisation d’une entreprise qu’il représente, et ne peuvent donc agir pour les établissements qu’ils ne représentent pas.

En résumé, le pouvoir de direction de l’employeur est circonscrit par son obligation de prévention des risques psychosociaux.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]

[1Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45.888

[2CA PARIS, pôle 6, ch. 2, 13 décembre 2012, n° 12/00303

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