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La nouvelle procédure de régularisation des avoirs non déclarés détenus par les contribuables à l’étranger. Par Nicolas Marguerat, Avocat.
Parution : mardi 2 juillet 2013
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Eric Woerth, ancien Ministre du Budget, avait institué au cours de l’année 2009 une cellule de régularisation destinée à permettre aux contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger de les rapatrier à des « conditions fiscales avantageuses ».

Il était alors demandé aux contribuables d’acquitter les impositions éludées (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune (ISF), droits de succession ou de donation…) et une transaction leur était accordée avec une réduction des pénalités et amendes encourues.

Cette cellule qui avait officiellement fermé le 31 décembre 2009 avait permis le retour en France de plusieurs milliards d’euros.

Par la suite, bien que ladite cellule ait officiellement fermé ses portes, plusieurs agents de la Direction Générale des Finances Publiques étaient toujours chargés d’étudier les conséquences de la régularisation des dossiers qui avaient été déposés avant cette date et même de ceux qui ont continué à être déposés après…

La particularité de ces régularisations était que les dossiers étaient présentés et traités anonymement dans un premier temps.

Les régularisations se sont ainsi poursuivies pendant plusieurs mois jusqu’en octobre 2012 … les fonctionnaires en charge de ces dossiers les appelaient pudiquement les dossiers de « mise en conformité avec la loi fiscale ».

Suite à quelques affaires très récentes et à différents communiqués du gouvernement dans le cadre d’une volonté affichée de transparence fiscale, la procédure de régularisation de la situation des contribuables n’ayant pas déclaré les avoirs qu’ils détiennent à l’étranger vient d’évoluer.

En effet, la procédure officieuse qui existait a été remplacée par une procédure officielle qui vient de faire l’objet d’un communiqué du Ministre du Budget au Directeur Général des Finances Publiques en date du 21 juin 2013.

La procédure n’est plus anonyme et les nouvelles règles semblent clairement posées.

A) Le Champ d’application de la nouvelle procédure de régularisation

Sont concernés par le dispositif les contribuables personnes physiques qui détiennent des avoirs à l’étranger et qui se font connaître spontanément auprès de l’administration fiscale en demandant la régularisation de leur situation fiscale passée et en acquittant l’ensemble des impositions éludées pour les périodes non prescrites.

Les impositions sont établies dans les conditions de droit commun outre les pénalités et amendes y afférentes.

Ne sont concernés que les déclarations et rectifications effectuées de manière spontanée par des contribuables auprès de l’administration fiscale.

En conséquence, en sont donc exclus les contribuables dont la démarche ne serait pas considérée comme spontanée, ce qui vise notamment la situation des contribuables faisant l’objet d’une procédure de contrôle fiscal que ce soit un examen de situation fiscale personnelle ou un contrôle en matière de droits d’enregistrement ou encore une procédure engagée portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l’étranger…

Pour bénéficier des nouvelles modalités de régularisation, les contribuables doivent procéder au dépôt de l’ensemble des déclarations couvrant l’ensemble de la période non prescrite.

Le dossier devra comprendre :

1) un écrit exposant de manière précise et circonstanciée l’origine des avoirs détenus à l’étranger, accompagné de tout document probant justifiant de cette origine ou constituant un faisceau d’éléments de nature à l’établir ;

2) les justificatifs relatifs aux montants des avoirs détenus directement ou indirectement à l’étranger et des revenus de ces avoirs sur la période régularisée ;

3) lorsque les avoirs ont pour origine une succession ou une donation, une attestation de l’établissement financier étranger précisant l’absence d’alimentation du compte par le contribuable ou tout autre justificatif permettant de constater que le compte n’a pas été alimenté par le contribuable postérieurement à la succession ou à la donation ;

4) une attestation du contribuable selon laquelle son dossier est sincère et porte sur l’intégralité des comptes et avoirs non déclarés détenus à l’étranger qu’il possède ou dont il est l’ayant droit ou le bénéficiaire.

Les dossiers devront déposés soit auprès du Service des Impôts des Particuliers dont relève le contribuable, soit auprès de la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales (DNVSF) étant précisé que l’ensemble des dossiers seront traités par la DNVSF afin d’en assurer un contrôle centralisé et homogène.

B) Les conséquences fiscales de la nouvelle procédure de régularisation

Les contribuables devront s’acquitter du paiement intégral des impositions supplémentaires à leur charge.

Ces impositions supplémentaires seront calculées en faisant application de l’ensemble des dispositions fiscales en vigueur au titre de chacune des années concernées.

Les impositions seront dues dans la limite de la prescription fiscale à la date de dépôt du dossier en application des dispositions de droit commun du Livre des Procédures Fiscales (LPF).

Il convient de rappeler que le délai de prescription est porté à 10 années pour les avoirs détenus à l’étranger non déclarés en application de l’article L 169 du LPF (en matière d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux) et à l’article L 181-0 A du LPF (en matière d’ISF et de droits d’enregistrement).

Par ailleurs, les impositions supplémentaires sont normalement assorties, conformément au droit commun, des pénalités et amendes suivantes :

1) les intérêts de retard au taux légal prévu à l’article 1727 du Code Général des Impôts (CGI),

2) la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue à l’article 1729 du CGI, ou, en cas de défaut déclaratif dans les délais légaux, la majoration de 10 % prévue à l’article 1728 du CGI,

3) l’amende pour non-déclaration des avoirs à l’étranger prévue soit à l’article 1736 IV du CGI pour les comptes bancaires non déclarés soit à l’article 1766 du CGI pour les contrats d’assurance-vie non déclarés (amende de 1.500 euros par compte non déclaré ou de 10.000 euros lorsque le compte est détenu dans un État ou territoire non coopératif étant précisé que l’amende a été portée, depuis l’année 2012, à 5 % du solde créditeur de chaque compte, sans pouvoir être inférieure à 1.500 euros ou 10.000 euros, si le total des soldes créditeurs des différents comptes, et éventuellement des contrats d’assurance, excède 50.000 euros au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la déclaration devrait être faite).

Il convient de rappeler que cette amende s’applique pour chaque manquement déclaratif (c’est-à-dire chaque année et pour chaque compte non déclaré) en cas de détention directe et en cas de détention indirecte du compte (c’est-à-dire notamment pour les personnes dotées de procuration) dans la limite de la prescription de l’article L 188 alinéa 2 du LPF (prescription expirant à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises).

Dans l’hypothèse où la démarche est effectuée par les héritiers au nom du défunt, les droits supplémentaires mis à la charge des héritiers, à l’exception des droits de succession, seront assortis des seuls intérêts de retard, les pénalités de droit commun (intérêts de retard, majoration et amende) ne s’appliqueront qu’aux impositions supplémentaires dues par les seuls héritiers au titre de leur propre situation fiscale pour la période postérieure au décès.

L’intérêt essentiel de cette nouvelle procédure de régularisation spontanée est que, pour tenir compte de la démarche spontanée du contribuable, les majorations et pénalités seront réduites selon les modalités suivantes :

1) la majoration pour manquement délibéré sera ramenée à 15% soit pour les avoirs reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation soit pour les avoirs constitués par le contribuable lorsqu’il ne résidait pas fiscalement en France et à 30% dans les autres cas et notamment pour les avoirs constitués par le contribuable lorsqu’il résidait fiscalement en France,

2) l’amende pour défaut de déclaration des avoirs à l’étranger sera réduite, dans le cadre d’une transaction, à 1,5% du solde créditeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée soit pour les avoirs reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation soit pour les avoirs constitués par le contribuable lorsqu’il ne résidait pas fiscalement en France et à 3% du solde créditeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée dans les autres cas et notamment pour les avoirs constitués par le contribuable lorsqu’il résidait fiscalement en France.

Il est enfin précisé que la transaction pourrait être remise en cause et déclarée caduque s’il s’avérait ultérieurement que les déclarations des contribuables n’étaient pas sincères.

Nicolas MARGUERAT Avocat à la Cour Chargé d'enseignements [->nmarguerat.avocat@orange.fr]