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Le médiateur du crédit aux entreprises et la rupture de crédit à durée indéterminée. Par Florian Desbos, Avocat.
Parution : mercredi 17 juillet 2013
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En ces temps difficiles il peut être utile de rappeler l’existence et l’intérêt du médiateur aux entreprises dans le cadre de la rupture de crédit à durée indéterminée.

Initiée par une simple lettre de mission du Président de la république en octobre 2008, mise en place grâce à la coopération des pouvoirs publics, de la Banque de France, du secteur bancaire et des chambres de commerce, l’institution du médiateur du crédit s’est appuyée sur un accord de place du 27 juillet 2009.

Son succès manifeste a conduit à une première prorogation jusqu’au 31 décembre 2011 puis à une seconde jusqu’au 31 décembre 2013 (accord du 14 avril 2011).

Depuis sa création, la médiation du crédit a permis de sauvegarder 293.444 emplois et de conforter 16.621 entreprises dans la poursuite de leurs activités.

Le 1er mars 2013 un accord de place a été signé à BERCY afin de prolonger le dispositif de médiation du crédit aux entreprises jusqu’au 31 décembre 2014.

Le ministre des finances a dévoilé les objectifs de cette médiation :

- Continuer et amplifier son rôle pour aider les entreprises à trouver des financements complémentaires et en particulier contribuer à faire connaître les nouveaux instruments que met en place la Banque Publique d’Investissement et qui peuvent aider les entreprises à faire face à des difficultés de court terme : 500 millions d’euros de crédits de trésorerie, préfinancement du Crédit Impôt Recherche, préfinancement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ;
- Continuer à jouer son rôle de vigie du financement des entreprises en France, qui éclaire utilement les décisions des pouvoirs publics en la matière
travailler avec le ministère et les assureurs crédit pour mettre en œuvre les recommandations du rapport Charpin, qui étudiait les moyens pour les PME et TPE de mieux financer les besoins de trésorerie courants

Peuvent être éligibles à la médiation :

- les entreprises commerciales qu’elle que soit leur taille ou leur forme juridique (EI, EURL, SNC, SARL,SA, SAS, SASU, Holding regroupant des sociétés dont l’activité économique se situe en totalité ou en majeure partie en France) ;
- les jeunes entreprises (moins de 3 ans d’activité) ;
- les artisans ;
- les commerçants ;
- les entrepreneurs individuels ;
- les professions libérales réglementées et non réglementées ;
- les créateurs enregistrés au registre du commerce et les repreneurs ; d’entreprise ayant essuyés un refus de financement de leurs établissements financiers sur des projets fiabilisés ;
- les auto entrepreneurs dotés d’un numéro SIREN ;
- les SCI professionnelles ;
- les associations, y compris celles de 1901, dès lors qu’elles sont soumises aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés, TVA, taxe professionnelle…)
- les entreprises soumises à procédures amiables (mandat ad hoc, conciliation…) ;
- les entreprises soumises à procédures collectives placées en sauvegarde, en redressement judiciaire et même en liquidation judiciaire suite à une demande de l’administrateur judiciaire sur un éventuel projet de reprise acté par le Tribunal de commerce nécessitant des financements ;

Le recours au médiateur du crédit peut être notamment intéressant lorsque des concours bancaires à durée indéterminée sont interrompus par une banque.

Il est rappelé que l’établissement bancaire peut rompre à tout moment les crédits à durée indéterminée consentie sous réserve du respect d’un délai de 60 jours visé par l’article L.313-12 du Code monétaire et financier.

Ce délai de 60 jours est néanmoins extrêmement bref et souvent insuffisant.

C’est ainsi que la rupture peut être source d’un préjudice important pour l’entreprise bénéficiaire d’une ouverture de crédit en compte courant à durée indéterminée.

En effet, elle va perdre ses financements, qui peuvent être vitales pour elle, dans un délai extrêmement bref qui ne lui permet souvent pas de retrouver d’autres sources de financement, et ce d’autant plus au regard de la conjoncture actuelle.

C’est ainsi qu’au titre de l’accord de place précité les établissements de crédit ont pris des engagements.

« (…) Article 13 : Les établissements de crédit s’engagent à optimiser le traitement des dossiers de financement ou de crédit en développant le dialogue avec l’entreprise et en accélérant les processus de décision. Dans ce cadre, les banques françaises ont pris pour objectif de répondre dans un délai de 15 jours aux demandes de financement de besoins courants dès lors que le dossier de l’entreprise reçu est complet.

Les établissements de crédit font leurs meilleurs efforts pour articuler au mieux leurs interventions avec OSEO et l’Agence Française de développement (AFD) auprès des entreprises, en anticipant leurs besoins d’investissement en garantie ou en partage de risque de trésorerie ; en particulier l’intervention en garantie destinée à répondre aux difficultés de trésorerie des entreprises subissant les effets asymétriques de la nouvelle réglementation en matière de délais de paiement.

Les établissements de crédit s’efforcent d’identifier toutes les sources de financement possibles pour répondre aux besoins des entreprises, y compris lorsque cela est possible, en mobilisant les fonds d’investissement. 

Article 14 : Les établissements de crédit s’engagent, en cas de rupture de la relation bancaire, à informer l’entreprise de la possibilité de recourir au Médiateur du crédit et à lui laisser un temps suffisant pour qu’elle puisse, avec l’aide du médiateur, trouver une solution adaptée à ses besoins ou à sa situation

Article 15 : Pendant la durée de la médiation, les établissements de crédit s’engagent à maintenir l’enveloppe globale des encours alloués aux entreprises et à ne pas demander de garanties personnelles supplémentaires ».

Ces dispositions sont en pratique parfaitement adaptées. Cela peut permettre à la société de trouver une solution pérenne.

La question de la sanction de ces dispositions peut se poser.

Que se passe t il lorsque l’établissement bancaire ne fait pas état dans la lettre de rupture de l’engagement de l’existence du médiateur, ou encore, alors même que son client en fait la demande, ne le saisit pas ou indique qu’une telle médiation est impossible ?

Il paraît évident dans cette hypothèse que la banque engagerait sa responsabilité pour faute commise dans la rupture des engagements.

Cette sanction apparaît indispensable pour que cet accord, souhaité par les pouvoirs publics, soit respecté.

Cela est d’autant plus vrai qu’à l’article 22 de cette accord il est expressément stipulé que les établissements de crédit s’engagent à participer de bonne foi au processus de médiation, qu’ils doivent participer au processus de négociation si la demande de l’entreprise a été considérée comme recevable, et faire leur possible pour donner au processus une issue favorable.

Il existe encore peu de jurisprudence en la matière mais il semble impossible d’envisager une solution contraire.

Florian DESBOS www.avocats-desbosbarou.fr
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