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Le Ministère de la Justice persiste à ignorer une décision de justice qui a condamné l’Etat pour procédure excessivement longue devant le conseil de prud’hommes : surréaliste et choquant ! Par Marie-Paule Richard-Descamps, Avocat.
Parution : vendredi 26 juillet 2013
Adresse de l'article original :
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Notre précédent article publié le 24 juin 2013 faisait état d’une victoire sans précédent à notre connaissance.

L’agent judiciaire de l’État a été condamné à payer près de 300 000 € à 49 anciens salariés de Merck Santé pour procédure excessivement longue devant le Conseil de prud’hommes de Longjumeau par jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 05 juin 2013 :
« le préjudice de chaque demandeur, résultant notamment de l’attente d’une décision et des tensions psychologiques entraînées par l’incertitude où il s’est trouvé, renforcé par la perte de confiance dans les capacités de la juridiction à répondre à sa mission à chaque report annoncé, sera intégralement réparé… »,« le délai excessif des procédures … engage la responsabilité de l’État ».

Le jugement relève que le Conseil de prud’hommes de Longjumeau n’a respecté aucun des délais prévus par le Code du travail et que la date de délibéré a été prorogée à 7 reprises alors même que cela n’était justifié « en aucune manière par la complexité de l’affaire, en l’absence de toute mesure d’instruction, de demandes spécifiques de certains salariés ou d’une quelconque particularité. »
« … le caractère sensible du dossier concernant un grand nombre de salariés dans un contexte où le principe même des licenciements pour motif économique est discuté, compte tenu de la bonne santé de l’entreprise, devait inciter particulièrement la juridiction saisie à prendre toute mesure utile pour que le délai de traitement de l’ensemble du conflit soit adapté.  »

L’on aurait donc pu imaginer que l’État c’est-à-dire, en l’espèce, le Ministère de la Justice, soucieux de réparer ce déni de justice, aurait à cœur de procéder à un règlement particulièrement rapide des condamnations au profit de salariés déjà éprouvés par une attente hors du commun (de l’ordre de 3 ans ½ pour disposer du jugement voire plus).
Que nenni …
Les salariés n’ayant pu obtenir le paiement spontané des condamnations mises à la charge de l’État ont été contraints d’adresser à Madame Christiane Taubira, Ministre de la Justice, le 02 juillet 2013 une lettre ouverte qui est restée lettre morte…

Cette décision de justice est pourtant assortie de l’exécution provisoire et devait donc être exécutée immédiatement même dans l’hypothèse d’un appel.
En effet, le jugement en cause a décidé que l’exécution provisoire qui avait été sollicitée par les demandeurs « est nécessaire et compatible avec la nature de la décision. »

Le recouvrement forcé contre l’État n’est pas possible et le Ministère semble totalement ignorer cette décision qui a pourtant été signifiée par huissier à l’Agent Judiciaire de l’État le 18 juin 2013. Ainsi, les anciens salariés de Merck Santé continuent à désespérer de la Justice qui certes, une nouvelle fois, leur a donné raison et accordé une indemnisation.

Mais la réparation de leur préjudice se fait attendre encore et toujours : ils n’ont toujours rien perçu depuis leur licenciement en mars 2009.

Marie-Paule Richard-Descamps Avocat spécialiste en droit du travail Présidente de la Commission sociale du Barreau des Hauts de Seine https://www.cabinetrichard-descampsavocat.fr
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