Village de la Justice www.village-justice.com

Le droit et vous : Parcours et portrait de Eve François.
Parution : mercredi 21 août 2013
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/droit-Parcours-portrait-Francois,15017.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Eve François est avocate au barreau de Paris et auteure de nombreux essais. Nous poursuivons avec elle notre série de portrait des acteurs du monde du droit, avec Eve François, au parcours original, elle alimente votre rubrique bien-être depuis un peu plus de deux ans.

Eve, quel est votre parcours, pouvez-vous vous présenter ?

J’ai prêté serment en 1981 et j’ai tout de suite trouvé ce métier (ou cette vocation ?!) passionnant et exaltant, m’engageant pleinement en tant que stagiaire puis collaboratrice dans un cabinet généraliste où chaque jour apportait son lot d’imprévus, de nouveauté, exigeant réactivité et créativité.

J’ai mis une petite décennie à cependant réaliser qu’être avocat est aussi souvent stressant, épuisant parfois et surtout énergivore ! Mon insatiable curiosité pour l’humain dans toute sa diversité m’a dirigée vers les cultures orientales où l’équilibre corps-esprit n’est pas qu’un concept mais une vraie philosophie de vie. Après avoir suivi une formation professionnelle de yoga, et expérimenté le zazen et le shintado (disciplines japonaises) j’ai retrouvé une passion de jeunesse, la danse et entrepris une formation de danse-thérapeute. Parallèlement, j’ai ressenti le désir de mettre en mots mes expériences, mes rencontres, mes découvertes sur ce rapport du corps/psyché. Un « heureux » hasard ( ou une belle coïncidence !) a permis la rencontre avec une directrice de collection d’un éditeur (Editions Prat) pour qui j’eus le plaisir de participer à tout à la fois des ouvrages juridiques et la création d’une collection de livres sur le bien-être ! C’est ainsi qu’après avoir écrit sur l’affaire Calas pour un livre collectif sur Les grandes erreurs judiciaires, je réalisais le premier Agenda Bien-être qui, depuis 2008, est un ouvrage annuel conçu dorénavant en collaboration avec ma partenaire d’écriture bien-être, Carine Anselme, journaliste et auteure.

De la même manière à peine terminée la direction d’un ouvrage collectif sur l’Histoire du droit et de la justice, j’amorçais la co-écriture d’une série de livres de la collection 1001 secrets de… autour de ce thème du bien-être. Avocate je suis restée en créant rapidement mon propre cabinet et en exerçant depuis maintenant plus de dix ans en association avec un confrère. Mon chemin de praticienne du droit est ainsi constamment enrichi de ces autres activités qui me permettent de trouver un équilibre de vie où le mental n’est pas le seul grand maître à bord !

Pourquoi cette volonté d’écrire ?

L’écriture, la parole, la gestuelle sont des langages, une manière de s’exprimer, de communiquer. Petite, je parlais peu, je dansais tout le temps et j’écrivais beaucoup ! On évoque souvent au sujet du Ministère Public (dite magistrature debout) ce principe coutumier selon lequel « la plume est serve mais la parole est libre » pour évoquer le rapport hiérarchique des membres du Parquet. Le Procureur Général est sous l’autorité directe du Garde des Sceaux mais dispose d’une liberté d’expression par rapport à ses écrits lorsqu’il se lève pour prendre ses réquisitions à l’audience. Nous autres, avocats, sommes-nous libres d’écrire ce que nous voulons ? Vaste sujet ! Il est certain que l’écriture de conclusions ou de mémoires demandent outre une certaine retenue dans le style, un ordonnancement des idées afin d’aller vers l’objectif à atteindre : convaincre le magistrat du bon droit de la thèse que l’on défend. Ecrire sur le bien-être en général, mais aussi sur le « féminin », « le bonheur à deux », ou encore, avec humour et amour, sur « les hommes » permet plus de…. fantaisie et de liberté !

J’alterne donc entre la sérieuse rigueur et la joyeuse souplesse…un peu à l’image de cette incessante balance en soi et autour de soi entre le Yin et le Yang, deux énergies non pas contraires mais différentes et complémentaires. Et lorsque, sortant d’une audience difficile avec des adversaires retors dans une ambiance de grande tension, j’anime un atelier de méditation ou de dansenergie©, ou encore que je m’installe devant mon clavier d’ordinateur pour rédiger quelques lignes de mon prochain livre, je sens que je me reconnecte à quelque profondeur en moi qui m’apaise et qui me fait aussi être tournée vers l’Autre, mais avec des outils différents.

Le rapport à soi, à l’autre…puisez-vous votre inspiration dans votre quotidien d’avocate ?

Lorsqu’il m’a été proposé de participer à l’ouvrage collectif Le Verbe et la Robe le sujet que j’ai traité est venu à moi de manière instinctive. «  Les femmes en avocature… une belle aventure » retrace l’évolution de la place de la femme dans notre profession. C’est bien mon vécu depuis toutes ces années qui a façonné mon regard sur la condition de notre profession au féminin et donné envie de dresser à ma manière un tableau de l’histoire des avocates pour que nos jeunes consœurs sachent comment c’était « avant » et ce qu’il reste encore à faire. Les femmes deviennent majoritaires en magistrature comme dans la plupart des grands barreaux de France. Ce n’est pas forcément souhaitable sur le long terme mais c’est un passage, une transition après tant d’années de domination masculine dans (aussi !) ce domaine si important de la vie dans la Cité.

Lorsque j’écris sur le bien-être, il s’agit de mettre en mots ce que j’expérimente, j’observe, je ressens à travers les disciplines que je pratique ou que j’anime dans des ateliers, au sujet desquelles je me documente beaucoup en allant puiser dans les textes anciens et les ouvrages philosophiques. Le rapport à l’Autre c’est – presque – « toute » notre vie sur cette terre qui n’est pas une île déserte ! Depuis notre première respiration en dehors du ventre de notre mère jusqu’à notre dernier souffle, tout est source et objet de rapport créatif et… instructif ! Rien n’est formaté. Certes la société donne un cadre, des règles, mais à l’intérieur de celui-ci toute communication, entre deux êtres et plus, peut être source de paix…ou de guerre. Ma nature non belliqueuse me fait vivre mon métier d’avocate avec cette incessante recherche d’apaisement des conflits par la voie de l’écoute, de la médiation. Mais pour parvenir à régler un litige à l’amiable il faut, entre autres paramètres, que le désir de ne plus être en conflit soit présent en tous les protagonistes (et leurs avocats !). On entre alors dans la complexité de l’humain, de son bien-être comme de son mal-être. Mes expériences « bien-être » et sur lesquelles j’écris sont autant d’outils pour accéder à un rapport à soi plus authentique, lequel permet, peut-être, un rapport à l’Autre où le « jeu » ne consiste pas à batailler mais à respecter et être respecté.

Comment concilier ces activités qui, on le suppose, prennent beaucoup de temps ?

Ce n’est pas tant concilier ces différentes passions de vie qui est délicat que de faire en sorte que cet équilibre soit aussi économique ! Entre les droits d’auteur qui sont (encore !) assez faibles et le temps non passé à travailler au Cabinet qui est un temps non facturé, il s’agit de composer et de bien s’organiser. Créer une valeur ajoutée en termes de richesse intérieure tout en préservant son mode de vie matérielle, c’est là aussi une histoire d’équilibre ! Il est vrai que je ne m’ennuie pas et que j’ai toujours sur le feu de ma vie des « dossiers » en cours aussi divers que variés …

Forte de votre expérience, avez-vous des conseils, des recommandations à donner ?

J’observe autour de moi beaucoup de confrères qui sont non seulement stressés mais aussi nerveusement exténués, parfois déprimés voire en dépression. Des délais impératifs à ne pas rater aux pressions psychologiques (souvent inconscientes) des clients, des relations pas si faciles avec les juges aux décisions injustes qu’il faut « digérer », du poids de la gestion d’un cabinet au relationnel parfois tendu avec certains confrères… cette profession exige un état de contrôle permanent, grand consommateur d’énergie. Aussi, il est important à intervalles réguliers - dans la journée, et toute l’année- de lâcher prise, de se laisser aller pour éviter d’engranger inutilement quelque part en soi, dans la tête comme dans le corps, tous les composants d’une bombe à retardement ! Trouver un moment à soi -même très bref- pour détendre tout ce qui se noue à l’intérieur quand l’ambiance est tendue à l’extérieur.

La détente ne passe pas nécessairement par un effort physique qui parfois conduit à l’épuisement mais aussi à une surexcitation nerveuse. Du petit geste de relâchement que l’on s’accorde toutes les deux heures au cabinet aux quelques minutes de méditation après une audience ou un rendez-vous, en passant par une sieste flash après le déjeuner ou un auto massage de fin de journée , il y a mille et une petites astuces qui permettent de s’accorder un temps de soin body and soul. J’ai mis au point un programme de gestion d’énergie (notre patrimoine énergétique le vaut bien !) qui permet en quelques séances de se re-programmer selon nos rythmes naturels sans pour autant se déconnecter du reste du monde ! Bien au contraire lorsqu’on a gouté à cette capacité d’être présent dans le tumulte du monde sans qu’il crée des tempêtes intérieures, on n’est plus candidat au burn-out et à la déprime mais au bien-être (quasi !) permanent !

Pour finir, quels sites internet vous sont utiles dans votre quotidien d’avocate et professionnelle du droit ?

Village de la Justice est une plateforme très intéressante par son éclectisme et le focus sur l’actualité juridique qui nous permet d’avoir dans le même temps une information et une opinion.
Lexisnexis est ma base juridique bien que je trouve que certains sujets manquent d’actualisation.
Legifrance est un outil bien pratique quand on ne décolle pas son nez de l’écran d’ordinateur, mais j’aime encore vraiment utiliser mon code civil version papier !

Bibliographie :
-  Guide Bio (Michel Lafon, 1997)
-  Guide des produits bio et du terroir (Flammarion, 2000)
-  Les grandes erreurs judiciaires ( Prat, 2006)
-  L’homme est-il un moindre mâle ? (Chiflet & Cie 2006)
-  Histoire du droit et de la justice (ouvrage collectif, Prat, 2007)
-  Agenda Bien-être 2008 et autres (Prat, parution en septembre pour 2014)
-  Avocats, le Verbe et la Robe (ouvrage collectif, Prat, 2009)
-  1001 secrets de bien-être (Prat, 2009)
-  1001 secrets de bonheur à deux (Prat, 2010)
-  1001 secrets au féminin (Prat, 2012)
-  Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? (Carpe Diem, 2012)
-  Mes rituels bien-être en toutes saisons (Prat, 2013).

Rédaction du village