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Evadé fiscal ou pas ? Par David Nyamsi, Juriste.
Parution : lundi 2 septembre 2013
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Il est un truisme de constater que les sanctions prévues par la loi pour juguler l’évasion fiscale, ou tenter de le faire sont pour le moins, intimidantes.

Un article paru dans la Tribune le 21/06/2013 précise les pénalités sont de 40% pour les "attrapés", et de 30% pour les fraudeurs se dénonçant eux-mêmes. Bien entendu, il n’est pas mal pensé de supposer qu’après avoir volontairement fraudé, l’on ait des remords et que l’on se présente soi-même à son bourreau pour avoir la sentence... Cela dit ces "honnêtes-fraudeurs", comme je les nomme, ont, malheureusement une panoplie de moyens pour n’avoir pas besoin de demander à leur conscience de les examiner. Et les solutions à leurs problèmes, malheureusement, semblent se trouver dans la loi qui vise à les ramener sur le droit chemin (fiscal, du moins).

Les questions soulevées par cet état de choses sont simples : qui est imposable en France ? Avoir des revenus à l’étranger suffit-il à faire l’évadé fiscal ? Qu’est-ce qu’un foyer fiscal ? ou encore quelles sont les brèches législatives permettant (de plus en plus), les fraudes fiscales.

Au sens de l’article 4 du Code général des impôts, les personnes qui ont en France, leur domicile fiscal sont passibles d’impôts sur le revenu sur l’ensemble de leurs revenus. C’est donc moins la résidence matérielle que la source des revenus qui est le facteur principal de l’imposition fiscale. C’est dans cette optique que l’on peut résider à l’étranger, et payer des impôts en France, s’il est déterminé que la source des revenus est Française, c’est à dire, que le travail ou les activités financières de l’individu ont été exercées en France. Ainsi la notion de domicile fiscal, au sens de l’article 4B du Code général des impôts dispose que sont assujetties ou considérées comme ayant leur domicile fiscal en France,

1) Les personnes qui ont en France leur foyer, ou leur lieu de séjour principal. Le foyer s’entendant par la famille du contribuable. Une personne dont le conjoint réside régulièrement en France, sera donc considéré comme fiscalement domicilié en France, même s’il travaille à l’étranger, à titre principal. Vivre, consécutivement ou pas, en France pendant 183 jours suffit aussi à être assujetti à l’impôt sur le revenu. En cas de résidence fiscale à l’étranger dans un pays sans convention avec la France pour la détermination du domicile fiscal, c’est la France (par défaut), qui sera le foyer fiscal du contribuable.

2) Cependant, il est de bon ton de considérer que les évadés fiscaux sont ceux qui, travaillant en France, n’y sont pas imposables, échappant ainsi au fisc. Cette considération devrait être éclairée par le fait que la loi prévoit qu’en cas d’activité dite accessoire exercée en France, une personne ne sera pas dite imposable en France. Comment déterminer la nature accessoire d’une occupation professionnelle, alors même qu’on ne sait pas quels sont les revenus exacts possédés dans d’autres pays ? Bien sûr, c’est à l’intéressé de démontrer que son activité en France est accessoire. Quoi de plus facile que de présenter des preuves factices. Il est en outre légalement prescrit qu’une résidence continue ou pas de 183 jours rend imposable en France. Quid d’une personne ayant ses plus grands revenus, cependant considérés comme accessoires, et s’arrangeant pour résider en France...182 jours ? Une telle personne ne peut à juste titre, être considérée comme évadée fiscale, puisque respectant scrupuleusement la loi. Mais d’impôts en France, elle ne paiera point. De nombreuses personnes à la richesse colossale et aux activités nombreuses échappent ainsi aux "serres" du fisc, qui en réalité, ne semble pas encore avoir pris la décision de mettre en œuvre des mesures plus adaptées au "comportement fiscal" de ses potentiels futurs contribuables.

3) Il s’agira aussi des personnes ayant en France, le "centre de leurs intérêts économiques". il s’agit là, du lieu où les contribuables font leur plus gros investissements. Dans un système fiscal déclaratif, et fondé sur la bonne foi, il peut être extrêmement difficile de déterminer si les investissements faits sont les principaux. En outre, le contribuable, n’ayant pas de seuil (c’est à dire de minima pour lequel un investissement ou un intérêt économique cesserait d’être considéré comme accessoire), peut aisément indiquer gagner des sommes colossales sans être redevable de la moindre contribution fiscale. il serait certainement plus opportun, que ses montants minimum soient fixés, afin de garantir dans les caisses du fisc, de meilleurs revenus. A titre d’illustration, une personne résidant en France moins de 183 jours, n’y ayant pas résidence habituelle, ni attache familiale particulière (conjoint, enfants), vivant dans un pays avec lequel la France a signé une convention permettant de déroger au principe du domicile fiscal, et gagnant accessoirement (c’est à dire sans avoir le siège de ses activités en France, ni le centre de ses intérêts économiques), la modique somme de 1.000.000 €, ne sera pas imposable sur le revenu, ni considérée comme évadée fiscale.

Sont donc, au total, évadés fiscaux, les personnes qui, remplissant ne serait-ce qu’une des conditions énoncées plus haut, s’arrangeraient à ne pas reverser au fisc ce que de droit.

Références :
Code général des impôts, articles, 4 et 4B
Les conventions internationales : BOI-PAT-ISF-20-20
Jurisprudence : Cass. com., 30 mai 2000, n° 98-10983

Secrétaire Général du Centre d\'Arbitrage du Gicam Enseignant-Chercheur Consultant