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Transfèrement de personnes condamnées à l’étranger vers la France. Par Juan Carlos Heder, Avocat.
Parution : lundi 2 septembre 2013
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La loi pénitentiaire de 2009 avait fixé comme but la réinsertion des personnes condamnées. Cette réinsertion par le biais du transfèrement existe depuis la loi nº 84-1150 du 21 décembre 1984 relative au transfèrement en France des personnes condamnées et détenues à l’étranger.

Dans ce cadre, lorsqu’une personne de nationalité française est condamnée à l’étranger, il est indispensable pour sa réinsertion qu’il puisse être proche de sa famille en pouvant purger sa peine en France.

C’est pourquoi le mécanisme du transfèrement de personnes condamnées à l’étranger afin qu’elles purgent leur peine en France a été créé par la loi du 21 décembre 1984.

Cette loi de 1984 a son origine dans la Convention de Strasbourg du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées.

Qui a ratifié ou s’est adhéré à la Convention de Strasbourg de 1983 ?

64 pays ont ratifié la Convention de Strasbourg dont les États membres du Conseil de l’Europe (France, Espagne, Italie, Allemagne etc ..) mais aussi des pays tiers tels que, par exemple, les États-Unis, le Canada, le Japon, le Venezuela, le Mexique, etc... http://www.conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?NT=112&CM=8&DF=14/05/2013&CL=FRE

Qui peut demander le transfèrement ?

La personne condamnée peut exprimer, soit auprès de l’État de condamnation, soit auprès de l’État d’exécution, le souhait d’être transférée en vertu de la Convention (art. 2.2 Convention Strasbourg). Elle devra le faire par écrit (art. 5.1 Convention Strasbourg). Ce sera ensuite le ministère de la Justice de l’État requérant qui s’adressera au ministère de la Justice de l’État requis (art. 5.2 Convention Strasbourg).

L’État de condamnation fera en sorte que la personne qui doit donner son consentement au transfèrement le fasse volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences juridiques qui en découlent (art. 7.1 Convention Strasbourg)

Conditions du transfèrement (art. 3 Convention Strasbourg)

Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la Convention de Strasbourg qu’aux conditions suivantes :
-  le condamné doit être ressortissant de l’État d’exécution : c’est à dire qu’il doit être de nationalité française pour le cas d’un condamné à l’étranger. Petite précision : dans le cas des États Membres de l’Union Européenne chaque État membre assimilera à ses propres nationaux les ressortissants de tout autre État membre dont le transfèrement semble approprié et à l’intérêt de la personne en cause, compte tenu de sa résidence habituelle et régulière sur le territoire dudit État (art. 2 Accord relatif à l’application, entre les États Membres des Communautés Européennes, de la Convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées).
-  le jugement doit être définitif donc non susceptible de recours d’aucune sorte.
-  la durée de condamnation que le condamné a encore à subir doit être au moins de six mois à la date de réception de la demande de transfèrement, ou indéterminée.
-  le condamné ou, lorsqu’en raison de son âge ou de son état physique ou mental l’un des deux États l’estime nécessaire, son représentant doit consentir au transfèrement.
-  les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au regard du droit de l’État d’exécution ou devraient en constituer une s’ils survenaient sur son territoire.
-  l’État de condamnation et l’État d’exécution doivent s’être mis d’accord sur ce transfèrement : c’est la condition la plus importante, à savoir que la demande de transfèrement est une faculté ouverte aux États et non un droit du condamné. Le condamné a juste le droit de demander le transfèrement mais pas de l’obtenir. Même, si les conditions antérieures sont réunies, il suffit que l’un des États (celui de la condamnation ou celui de l’exécution) s’y oppose pour que le transfèrement n’ait pas lieu. En cas de refus d’un des États au transfèrement, il n’y a aucun recours possible.

Conséquences du transfèrement pour l’État de condamnation (art. 8 Convention Strasbourg) :

La prise en charge du condamné par les autorités de l’État d’exécution a pour effet de suspendre l’exécution de la condamnation dans l’État de condamnation.

Conséquences du transfèrement pour l’État d’exécution (art. 9 Convention Strasbourg) :

Les autorités compétentes de l’État d’exécution doivent soit poursuivre l’exécution, soit convertir la condamnation en une décision de cet État, substituant ainsi à la sanction infligée dans l’État de condamnation une sanction prévue par la législation de l’État d’exécution pour la même infraction

Que se passé t-il une fois le condamné arrivé sur le sol français :

Supposons que le condamné a franchi tous les obstacles de la Convention de Strasbourg et du bon vouloir des États en présence.

Dès son arrivée sur le sol français, le condamné détenu est présenté au procureur de la République du lieu d’arrivée (art. 728-3 Code de procédure pénale). Le procureur de la République requiert l’incarcération immédiate du condamné.

La peine prononcée à l’étranger est, par l’effet de la Convention de Strasbourg, directement et immédiatement exécutoire sur le territoire national pour la partie qui restait à subir dans l’État étranger.
Le condamné a deux possibilités qui s’offrent à lui afin de voir réduire sa peine ou même d’être remis en liberté.

Le condamné qui était à l’étranger devient un condamné incarcéré en France avec toutes les conséquences légales d’application de la peine que cela suppose puisque l’application de la peine est régie par les dispositions du Code de procédure pénale (art. 728-8 CPP).

Il peut, par exemple, demander une libération conditionnelle –si les conditions légales du Code de procédure pénale français sont réunis- ou demander des réductions de peines –s’il remplit les conditions légales- ou régime de semi-liberté ou permission de sortie. A l’étranger, peut-être n’était-il pas libérable à la conditionnelle et en France si. Cela dépendra de chaque cas.

Autre possibilité de réduction de peine, est celle offerte par l’art. 728-4 du Code de procédure pénale.

A savoir, que lorsque la peine prononcée à l’étranger est, par sa nature ou sa durée, plus rigoureuse que la peine prévue par la loi française pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel du lieu de détention, saisi par le procureur de la République ou le condamné, lui substitue la peine qui correspond le plus en droit français ou réduit cette peine au maximum légalement applicable. Il détermine en conséquence, suivant les cas, la nature et, dans la limite de la partie qui restait à subir dans l’État étranger, la durée de la peine à exécuter.

Dans le cas de longues peines et selon les différents cas en pratique, cette possibilité de l’art. 728-4 CPP peut être intéressante.

En tout état de cause, chaque cas étant particulier et avant de demander le transfèrement, il sera toujours utile d’étudier le dossier en tenant compte toujours des relations diplomatiques entre l’État de condamnation et la France.

Me Juan Carlos Heder Avocat au Barreau de Valencia & au Barreau du Gers http://www.maitrejcheder.com
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