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Les conditions suspensives insérées dans un compromis de vente d’un immeuble sont la loi des parties en cas de difficultés lors de la vente. Par Sophie Risaletto, Avocat.
Parution : vendredi 20 septembre 2013
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Au regard de l’article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

De fait, la signature d’un compromis de vente, appelé également promesse synallagmatique, constate le consentement des parties au transfert de l’immeuble et permet de demander en justice la réalisation forcée de cet acte.

Néanmoins, il est souvent inséré des conditions suspensives dans le compromis de vente qui ont pour effet principal de conditionner la réalisation de la vente à la survenance d’évènements prédéterminés.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 29 mai 2013 (n° pourvoi 12-17077) a précisé le sort réservé à ce compromis lorsqu’une condition suspensive insérée dans l’acte ne s’est pas réalisée à la date prévue contractuellement.

Depuis le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, les notaires bénéficient du monopole de publication au fichier immobilier qui recense toutes les modifications pouvant intervenir sur un immeuble.

Par conséquent, les compromis portant sur les terrains, maisons, appartements…, actes préalables à la réalisation définitive de la vente, sont majoritairement rédigés par les officiers publics.

Le législateur français afin d’apporter une protection supplémentaire aux acquéreurs est intervenu pour prévoir l’insertion obligatoire de condition suspensive à la formation définitive du contrat de vente telle que l’obtention d’un prêt immobilier pour un immeuble à usage d’habitation (cf. article L.312-2 et suivants du Code de la consommation).

Ainsi le notaire insère dans la promesse synallagmatique une ou plusieurs conditions suspensives en fonction du type de bien concerné et de la volonté des clients. Il prévoit également une date de réitération pour l’acte authentique.

Il est de jurisprudence constante que la non-réalisation de l’évènement indiqué dans la condition suspensive dans le délai imparti contractuellement entraîne la caducité du compromis de vente.

Le vendeur est donc autorisé à demander en justice que la promesse synallagmatique soit déclarée caduque par les tribunaux lorsqu’il a été assigné en réitération forcée de la vente (Civ. 3ème, 13 juillet 1999, n°pourvoi 97-20110)

Pourtant des difficultés subsistaient en cas de condition suspensive relative à la réitération du compromis par acte authentique.

En effet, cette clause lorsqu’elle n’a pas été rédigée de façon assez claire et précise avait pour conséquence de permettre à l’une des parties au compromis de demander la vente forcée de l’immeuble.

Est-ce que la date indiquée pour la réitération du compromis est impérative et donc emporte caducité de celui-ci lorsque la signature de l’acte authentique est demandée postérieurement ?

Ou est-ce seulement une date à partir de laquelle l’une des parties peut obliger l’autre à s’exécuter ?

La juridiction suprême répond à ces interrogations en se basant sur les termes utilisés dans la condition suspensive et sur la commune intention des parties.

Tantôt l’épuisement de ce délai n’aura pas d’effet extinctif du compromis lorsque la date précisée est susceptible de prorogation automatique selon la Cour de cassation qui relève la spécificité de la stipulation contractuelle à savoir « la vente sera réalisée par acte authentique(…) au plus tard le 31 décembre 2004 (…) sauf prorogation pour obtention de la dernière pièce nécessaire au notaire rédacteur pour l’établissement de l’acte » (cf. Civ. 3ème, 21 novembre 2012, n° pourvoi 11-23382)

En revanche, lorsque la promesse synallagmatique prévoit une date de réitération par acte authentique à un terme fixé sans aucune autre précision, la prolongation du délai est soumise à l’accord express des deux parties. Le silence du vendeur opposé à la demande de l’acquéreur n’empêche pas la caducité du compromis une fois le terme dépassé pour la réitération par acte authentique. Il ne peut en conséquence y avoir de réitération forcée de la vente par les tribunaux. (cf. Civ. 3ème, 29 mai 2013, n°pourvoi 12-17077)

En conclusion, il convient d’être particulièrement vigilant aux termes employés dans les conditions suspensives du compromis de vente afin de ne pas se retrouver « piégé » dans un contrat qui se révèlerait être une mauvaise opération économique pour le vendeur ou l’acquéreur. Le contrôle préalable de cet acte par un avocat avant sa signature est, par conséquent, vivement recommandé.

Me Sophie Risaletto, E.I., Avocat au Barreau de Lyon, Diplômée Notaire. Site web : http://risaletto-avocats.com/
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