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Les certificats médicaux : règles de base de leur rédaction. Par Noëlle Tertrain, Avocat.
Parution : lundi 14 octobre 2013
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Quelles sont les régles à respecter par les médecins lors de la rédaction et la délivrance d’un certificat médical ?

A/ Définition

Le certificat médical (CM) est un acte qui constate ou interprète des faits d’ordre médical (diagnostic, examen clinique, résultats d’examen), à propos d’un individu, dans un but justifié et établi à la demande du patient ou d’une autorité publique habilitée.

B/ Le médecin qui rédige un certificat médical doit respecter certaines règles rédactionnelles

Le médecin doit pouvoir être identifié (qualité, adresse, signature).

Le certificat doit être daté. Si la remise, la constatation ou la rédaction ne sont pas faites le même jour, le CM doit mentionner toutes les dates (« suivant constatation du… », « fait le… », « remis le… »).

Le patient doit également être identifié. Si le médecin a des doutes, il doit inscrire : « déclarant se nommer x ».

Le médecin doit préciser à qui il remet le certificat et en garder un double.

Le certificat contient la constatation de faits médicaux et uniquement de faits médicaux. Aussi le médecin ne doit pas s’immiscer dans les affaires de famille ni la vie privée des patients (R. 4127-51 du Code de santé publique) (CSP).

Les faits allégués ou/et non médicaux seront rapportés sous la forme : « déclare avoir, dit que, allègue que…. » si le médecin ne les a pas constatés personnellement.

Le médecin devra préciser les documents communiqués par le patient qui lui ont permis de rédiger son certificat (radios, bilans sanguins…).

C/ Contenu du certificat médical

Le médecin ne peut délivrer de certificat et faire constat que de faits qu’il a personnellement et cliniquement constatés : aussi le médecin doit avoir vu le patient avant de rédiger un certificat, sinon il engage sa responsabilité (Attention à la révélation de diagnostic grave, article R. 4127-35 du CSP).

Le certificat doit contenir la description de lésions, de signes cliniques, de symptômes, des résultats d’examen.

Le médecin ne doit pas hésiter à rédiger un certificat qui facilitera l’obtention d’avantages sociaux au patient en raison de son état de santé (R. 4127-50 du CSP).

Mais il appréciera et refusera les demandes abusives (ex : arrêt de travail injustifié).

D/ Règles de délivrance

Hors les cas de révélations permises ou imposées par la loi, le secret médical doit être observé à l’égard des tiers (R. 4127-4, -50, -76 du CSP et 226-13 et -14 du CP).

C’est pourquoi la délivrance d’un certificat médical doit respecter certaines règles :

Il ne doit être délivré qu’à la demande du patient et lui est remis en main propre.

Exceptions : mineur, décédé, réquisition par les autorités publiques (garde à vue), majeurs protégés.

S’il n’est pas remis en main propre, le médecin doit mentionner au patient à qui il va être remis.

Il ne peut être remis à un autre médecin qu’avec l’accord du patient et s’il s’agit d’une démarche de soins.

Cas des assureurs : cf. infra

E/ La responsabilité du médecin peut être engagée en raison…

(Art. R. 4127-69 du Code de la santé publique : chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes)

1. Du contenu du certificat :

Certificats mensongers ou complaisants (apposition de mentions erronées sur un carnet de vaccination pour un enfant hospitalisé à cause du tétanos : médecin condamné à 1 an pour violation déontologie et mise en péril de l’enfant ; Certificat attestant qu’une personne est maltraitée psychologiquement par une autre, en l’occurrence le mari : manquement à la probité. Condamnation par le Tribunal Correctionnel et le Conseil de l’Ordre).

Ingérence dans la vie privée et familiale.

Rédaction d’un certificat alors qu’il n’y a pas eu examen du patient (Tribunal correctionnel de Sens : 2 mois avec sursis et 15000 € pour un certificat d’hospitalisation psychiatrique sans que le médecin ait vu le patient).

Violation d’une règle déontologique comme le secret médical.

2. De sa forme :

Absence ou fausse mention, relative à la date par exemple

3. De sa délivrance :

Le certificat a été remis à une personne non habilité à le recevoir. Ainsi le médecin ne doit pas délivrer de certificat directement au médecin-conseil de l’assureur, encore moins à l’assureur lui-même. C’est l’assuré qui transmettra.

En cas de doute, le médecin veillera à interroger le Conseil de l’Ordre

F/ Cas fréquents de demande de certificats médicaux où le médecin peut voir engager sa responsabilité :

1. Divorce. : Les principales fautes possibles sont une violation du Secret Médical et l’immixtion dans la vie privée

Le médecin doit veiller à ne pas faire de lien entre des constatations cliniques et des faits qui lui sont rapportés sans qu’il ait pu les vérifier lui-même.

Il ne doit pas énoncer des faits qui n’ont pas été médicalement constatés. Si le praticien souhaite rapporter les propos d’un enfant ou d’un conjoint, il doit employer le conditionnel ou les guillemets. Seul le patient doit être engagé par ses propos.

Un certificat ne peut être remis à quelqu’un d’autre que l’intéressé (beaux-parents par exemple).

Rien n’autorise le médecin à violer le secret médical, y compris avec l’accord de son patient (R. 4127-28 : délivrance de rapport tendancieux).

Un médecin peut refuser de rédiger un certificat en se couvrant par l’article R. 4127-51 (article relatif au fait que le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans la vie privée de ses patients) mais rien n’autorise un médecin a refusé de délivrer un certificat sur des faits qu’il a constaté médicalement.

Un médecin peut faire une simple attestation. Il agira alors comme simple citoyen et non comme médecin. Mais il ne doit pas avoir soigné l’un des époux ou enfant.

2. Virginité : Des médecins peuvent se voir demander par des familles ou des jeunes filles des certificats de virginité.

Le Conseil National de l’Ordre considère que si le certificat est réclamé pour des raisons religieuses, sans justification médicale, il s’agit d’une violation du secret médical et immixtion dans la vie privée : sa délivrance doit alors être refusée.

Si le but est d’obtenir l’annulation d’un mariage, le médecin doit rester prudent et ne parler que « d’absence de signes évidents de défloration ».

S’il s’agit d’une agression, le médecin devra respecter le cadre médico-légal.

3. Assurances : Il n’existe pas de secret partagé entre médecin du patient et médecin-conseil de l’assurance car ce dernier ne rentre pas dans une logique de soins. C’est pourquoi le médecin qui établit un certificat doit respecter là aussi certaines règles.

a. L’assureur peut réclamer des informations pour la signature d’un contrat ou évaluation d’un dommage : conflit d’intérêt possible entre assuré et assureur.

Le médecin doit refuser de remplir le questionnaire ou d’informer directement l’assureur, même avec accord du patient.

Il ne pourra remettre le certificat ou les informations qu’au patient et à lui seul. Seul l’assuré/patient peut décider de remettre les éléments médicaux à l’assureur.

Par ailleurs si des éléments sont remis au médecin-conseil, ce dernier ne peut les remettre à son mandant, c’est-à-dire à l’assureur (double violation du secret médical).

b. s’il s’agit de régler un capital à un ayant-droit :

Le médecin doit demander à l’assureur la police d’assurance pour constater que le demandeur est le bon bénéficiaire.

C’est à l’assureur de soulever une exclusion de garantie, pas au médecin.

Le médecin n’a aucune obligation de délivrer un certificat qui peut porter préjudice aux ayants-droits

Le médecin devra remettre le certificat aux ayants-droits sauf si la personne décédée lui en avait fait interdiction de son vivant ou si il y a un conflit dans la succession.

En tout état de cause, le certificat ne sera pas remis à l’assureur ou médecin-conseil de l’assureur directement.

Le médecin ne pourra dévoiler la cause du décès mais attestera que les causes ne sont pas de nature à exclure les garanties prévues au contrat.

Avocate associée du cabinet AVICENNE AVOCATS avicenne-avocats-sante.fr
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