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Présentation et analyse de trois arrêts clés en matière familiales rendus par la Cour de cassation le 23 octobre 2013. Par Sabine Haddad, Avocat.
Parution : lundi 4 novembre 2013
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La première Chambre civile a rendu le 23 Octobre 2013, 3 arrêts importants en matière de divorce et plus précisément sur les effets du divorce qu’il convient de rappeler.

I- 1 ere Civ 23 octobre 2013, pourvoi N° 12-25-301,

A) Analyse

La Cour rappelle que seules les facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci doivent rentrer en compte pour fixer une pension alimentaire.

De ce fait, la contribution ne pourra être fixée en référence à un barème annexé à une circulaire administrative.

La fortune des parents est un critère essentiel à prendre en compte lorsque la pension alimentaire doit être fixée.

L’article 371-2 du Code civil dispose :

Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.

Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur.

De ce point de vue, l’arrêt de la haute juridiction du 23 octobre 2013 sanctionne une Cour d’appel qui pour fixer une contribution alimentaire s’est fondée sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, alors qu’elle n’aurait dû prendre en compte que les seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

B) Présentation de l’arrêt

Vu l’article 371-2 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Marion est née le 25 octobre 1999 de M. X...et Mme Y... ; qu’après leur séparation, celle-ci a saisi le juge aux affaires familiales pour que la résidence habituelle de l’enfant soit fixée à son domicile, qu’un droit de visite et d’hébergement soit attribué au père et que soit fixée la contribution de celui-ci à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ;

Attendu que, pour condamner M. X...à verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’arrêt énonce, d’une part, que la table de référence " indexée " à la circulaire du 12 avril 2010 propose de retenir pour un débiteur, père d’un enfant, disposant d’un revenu imposable de 1.500 euros par mois et exerçant un droit d’accueil " classique " une contribution mensuelle de 140 euros, d’autre part, que l’exercice d’un droit d’accueil restreint augmente, de façon non négligeable, les charges du parent au domicile duquel l’enfant réside ;

Qu’en fondant sa décision sur une table de référence, fût-elle annexée à une circulaire, la cour d’appel, à laquelle il incombait de fixer le montant de la contribution litigieuse en considération des seules facultés contributives des parents de l’enfant et des besoins de celui-ci, a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS ;

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a fixé à 140 euros par mois pour la période du 28 décembre 2010 au 13 février 2012 le montant de la contribution de M. X...à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et à 180 euros par mois cette même contribution à compter du 13 février 2012, l’arrêt rendu l’arrêt rendu le 13 février 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ;

Remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes

II- 1 ere Civ 23 octobre 2013, pourvoi N° pourvoi N° 12-17-492

A) Analyse

La Cour rappelle que la prestation compensatoire demandée sous forme de rente l’est à titre exceptionnelle.

Suite au divorce, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge. [1]

Le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente viagère est en droit de lui substituer un capital dès lors qu’il justifie être en mesure de le régler et que l’âge ou l’état de santé du créancier ne fait pas obstacle à une telle substitution.

Ce principe d’un capital forfaitaire a été affirmé par la 1ère Civ, 10 juillet 2013  [2] au visa de l’article 276-4 du Code civil.

1°- Le principe est que la prestation compensatoire doit être versée sous forme de capital et par exception sous forme de rente si le créancier le demande

Le capital est le principe.

La prestation doit être versée en argent, ou par l’attribution d’un bien en pleine propriété ou en usufruit. Un droit d’usage et d’habitation sur le logement est aussi envisageable .
Si l’époux ne dispose pas de la totalité de la somme, le Juge peut l’autoriser à verser le capital en plusieurs échéances, dans un délai maximum de 8 ans.

L’article 274 du Code civil dispose que :

Le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;

2° Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété de biens qu’il a reçus par succession ou donation

La rente est l’exception

L’article 276 du Code civil dispose qu’à titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271.

Le montant de la rente peut être minoré, lorsque les circonstances l’imposent, par l’attribution d’une fraction en capital parmi les formes prévues à l’article 274.

Cette prestation sous forme de rente à vie, suppose une décision motivée du juge, lorsque la situation personnelle, l’âge ou l’état de santé du bénéficiaire ne lui permet pas de subvenir à ses besoins.

2°- Dans certaines circonstances, une prestation compensatoire mixte peut être versée. Dans ce cas, une fraction est versée en capital et l’autre fraction est versée sous forme de rente. [3]

L’arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2012 [4] estime qu’ayant relevé que Mme Y., en raison de son âge et de son état de santé, ne pouvait subvenir à ses besoins, la Cour d’appel a pu décider, à titre exceptionnel, que la prestation compensatoire serait versée sous la forme d’une rente viagère.

L’arrêt du 23 octobre 2013 a jugé au visa de l’article 276 du Code civil qu’il résulte de ce texte que seul le créancier peut demander l’allocation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;

B) Présentation de l’arrêt

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 276 du code civil ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que seul le créancier peut demander l’allocation de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... se sont mariés en 1966 ; qu’un juge aux affaires familiales a prononcé leur divorce et condamné M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire sous la forme d’une rente viagère ;

Attendu que, pour confirmer cette condamnation, l’arrêt retient que si le principe d’une prestation compensatoire n’est pas discuté, Mme X... n’ayant qu’une très faible retraite et s’étant consacrée à l’éducation de l’enfant, les demandes exorbitantes de celle-ci auraient pour effet de priver M. Y... de tout droit sur un patrimoine qu’il a constitué par son travail, qu’il n’est pas établi qu’il soit en mesure de régler une somme importante en capital, ni que son âge lui permette d’obtenir un prêt ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la créancière sollicitait une prestation compensatoire sous forme de capital, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a fixé la prestation compensatoire sous la forme d’une rente viagère de n... euros par mois, l’arrêt rendu le 31 janvier 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

III- 1ere Civ 23 octobre 2013, pourvoi N° 12- 12-21-556,

La décision par laquelle le juge du divorce reporte ses effets patrimoniaux entre les époux à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, n’a pas pour effet de conférer à l’occupation du logement conjugal par l’un d’eux un caractère onéreux avant la date de l’ordonnance de non-conciliation.

A) Analyse

Elle censure ainsi une Cour d’appel qui a combiné les articles 262-1 du Code civil ( sur les effets pécuniaires du divorce entre époux) et 815-9 du code civil en matière d’indemnité d’occupation.

En effet pour les juges du fond les dispositions de l’article 262-1 du Code civil doivent être combinées avec celles de son article 815-9 dès lors que l’indivision entre époux a succédé à la communauté à compter de la date d’effet du divorce entre les époux relativement à leurs biens, que le juge du divorce a reportée au 30 juin 1996 ;

Que prévoit cet article 262-1 du Code civil ?

« Le jugement de divorce prendra effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens : à la date de l’ordonnance de non-conciliation en principe sauf si à la demande de l’un des époux, le juge décidera de fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer »

La question de savoir si le report des effets du divorce jouera sur le point de départ de l’indemnité d’occupation antérieurement à la date de l’ordonnance de non conciliation lorsque la jouissance du domicile a été prononcée de manière onéreuse est ainsi posée.

L’article 815-9 du code civil envisage l’indemnité d’occupation en ces termes.

« L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité ».

La cour de Cassation censure et nous éclaire : il n’y a lieu à combiner ces textes.
Il n’ y a donc pas pas de report d’effets automatiquement, sauf décision spécifique.

La décision par laquelle le juge du divorce reporte ses effets patrimoniaux entre les époux à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, n’a pas pour effet de conférer à l’occupation du logement conjugal par l’un d’eux un caractère onéreux avant la date de l’ordonnance de non-conciliation, sauf disposition en ce sens dans la décision de report, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

B) Présentation de l’arrêt

Sur le moyen unique :

Vu l’article 262-1 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 13 mai 1989 sans contrat préalable ; qu’une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 27 janvier 2006 ; qu’un jugement du 30 mars 2007, devenu irrévocable, a prononcé le divorce des parties, reporté ses effets relativement à leurs biens au 30 juin 1996 et attribué préférentiellement à l’époux l’immeuble commun ; que, par jugement du 17 juin 2010, rectifié le 10 novembre 2010, le tribunal de grande instance a dit que celui-ci était redevable envers la communauté puis envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation du bien commun à compter du 15 mai 2004 jusqu’à la date de jouissance divise ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et dire que l’époux est redevable envers l’indivision post-communautaire d’une indemnité d’occupation au titre de sa jouissance privative du logement conjugal à compter du 30 juin 1996 jusqu’au jour du partage, l’arrêt retient que les dispositions de l’article 262-1 du code civil doivent être combinées avec celles de son article 815-9 dès lors que l’indivision entre époux a succédé à la communauté à compter de la date d’effet du divorce entre les époux relativement à leurs biens, que le juge du divorce a reportée au 30 juin 1996 ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la décision par laquelle le juge du divorce reporte ses effets patrimoniaux entre les époux à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, n’a pas pour effet de conférer à l’occupation du logement conjugal par l’un d’eux un caractère onéreux avant la date de l’ordonnance de non-conciliation, sauf disposition en ce sens dans la décision de report, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 mars 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

Sabine HADDAD Avocate à la Cour http://avocats.fr/space/sabine.haddad http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/modules/presentation.php

[1article 270 du Code civil

[2pourvoi N° 12-13.239 (cassation)

[31ere Civ, 23 juin 2010, pourvoi N° 09-13.872

[4N° de pourvoi 11-10449