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Comment mesurer la rentabilité d’un cabinet d’avocats ?
Parution : mardi 11 février 2014
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La particularité du cabinet d’avocats est son caractère protéiforme, tant sur la forme des structures, que sur la composition des structures. On y trouve des avocats exerçant seuls, d’autres en groupement, d’autres encore en groupement de structures, des cabinets soumis à l’IS, d’autres aux Bénéfices non commerciaux (BNC), et plus de dix formes de structures d’exercice.
Aussi, avons-nous tenté de consolider la notion de rentabilité du cabinet à partir de l’ensemble des cabinets de toutes formes que nous suivons.

Au premier abord, la rentabilité du cabinet se définit, assez simplement comme étant le résultat, issu de la différence entre le chiffre d’affaires de la structure et les charges nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci, avec toutefois une nuance :
-  En BNC : les charges s’entendent hors rémunération des associés, le résultat constitue donc la rémunération des associés,
-  En BIC : les charges incluent la rémunération des associés et les charges sociales y afférent, il s’agit donc d’un résultat net, capitalisable ou distribuable.

Une tentative d’analyse de la rentabilité d’un cabinet, consisterait donc à comparer son résultat à celui des autres cabinets, selon plusieurs méthodes :
-  Méthode des Bénéfices non commerciaux (BNC) : Considérer un résultat en regard du chiffre d’affaires, avant rémunération des associés. Cependant, ce rapport n’est qu’un indicateur imparfait ; le résultat réel obtenu reste ensuite à répartir entre plusieurs associés. Il dépend donc d’un nombre d’associés,

-  Méthode des Bénéfices industriels et commerciaux (BIC) : Considérer un résultat net en regard du chiffre d’affaires de la structure, après rémunération des associés ; cette méthode revient à présupposer une rémunération d’associés et à ne considérer le résultat que comme un dividende résiduel, à répartir l’année suivante ou à capitaliser.

Ces deux approches étant incomplètes, il y a lieu de proposer une combinaison de méthodes vous permettant de se situer.
Cette combinaison propose d’approcher la rentabilité du cabinet selon les trois critères suivants :
-  Part du résultat net dans le Chiffre d’Affaire
-  Approche de la rémunération moyenne d’un associé
-  Chiffre d’affaires généré par producteur

1. Situer la rentabilité par le poids du résultat dans le chiffre d’affaires

Cabinets en BNC

Rappelons que la particularité des cabinets en BNC, réside dans une tenue comptable qui ne prend en compte que ce qui est matériellement constaté par un flux de décaissements ou d’encaissements.
En d’autres termes, le CA annoncé est constitué par le CA encaissé, les charges comptabilisées, sont des charges décaissées.
En ce sens, le résultat annoncé est le reflet d’un mouvement de trésorerie réel. Mais il n’est qu’un pâle reflet de la réalité économique du cabinet, puisqu’il ignore tout aussi bien les factures émises et non encore recouvrées, que les charges engagées non encore réglées.

Malgré le caractère imparfait de cette approche, qui réside également dans le fait que le résultat est lui-même à répartir entre plusieurs associés, il existe des seuils qui nous permettent de situer les bonnes rentabilités, des rentabilités moyennes ou mauvaises :

• Résultat/ CA > à 50% : Excellente rentabilité
• 40% < Résultat/ CA < 50% : Bonne rentabilité
• 35% < Résultat/ CA < 40% : Rentabilité moyenne
• 30% < Résultat/ CA < 35% : Rentabilité à parfaire : investiguer
• Résultat/ CA< 30% : Faible rentabilité : mesures à prendre.

Ces seuils, s’entendent d’un résultat ayant déjà pris en compte au rang des charges déductibles, les charges sociales des associés.

Cabinets en BIC

Le résultat en BIC, est un résultat tenant compte :
-  des factures émises et non encore réglées,
-  des charges engagées, qu’elles soient réglées ou non réglées.

Il est présenté après déduction :
-  De la rémunération et des charges sociales des associés,
-  Des provisions pour risques et charges,
-  Des provisions pour dépréciation des postes clients,
-  Des provisions pour charges sociales des salariés,
-  De l’IS.

Il est donc très dépendant, outre des charges de gestion courantes, du niveau de rémunération des associés et du système des provisions qui s’offrent aux structures soumises à l’IS.

En ce sens, le résultat net des structures en BIC, n’est pas révélateur de la rentabilité de la structure. Cet indicateur est difficile à comparer de façon nationale.

De surcroît, la rémunération des associés peut être régulièrement ajustée en cours d’année si le ou les associés tiennent une comptabilité rigoureuse, et visent un résultat fiscal de structure proche de zéro.

Il conviendra donc, pour apprécier la rentabilité de ce type de cabinet, de revenir à la méthode d’appréciation visée plus haut, dans la méthode des BNC. Pour ce faire, il faudra réintégrer au résultat net, la rémunération des associés avant charges sociales (la rémunération nette perçue), ainsi que les provisions et le montant de l’IS.

2. Situer la rentabilité par la rémunération des associés

Ainsi que nous l’avons fait observer plus haut, la méthode visant à apprécier le rapport Résultat/ CA brut, est un indicateur nécessaire mais non exhaustif de la mesure de la rentabilité du cabinet. En effet, le rapport peut être excellent, mais le nombre d’associés tel, que le résultat réparti entre associés ne sera que finalement très faible.

Il est donc à compléter par une analyse de la rémunération de l’associé.
Le CNB nous renseigne sur le revenu moyen annuel net des avocats de plus de 10 ans d’exercice (cas de la majorité des associés de cabinet), toute région confondue et toute population confondue.
Celui-ci s’établit à 96 K€ par an.

Nous estimons par ailleurs que ce résultat est à relativiser :
• En fonction de la région :

Les 4 régions où les avocats sont les mieux rémunérés (moyenne +10%) :
-  Ile de France
-  PACA
-  Rhône Alpes
-  Aquitaine.

• En fonction d’un exercice à plusieurs ou d’un exercice isolé :


-  Rapport de revenu net de 1 à 1.15

L’exercice de cette relativité va donc constituer une pondération (détails dans l’ouvrage « Améliorer la rentabilité du cabinet »). A titre d’exemple pour les 4 grandes régions, nous pouvons classer les cabinets de la manière suivante :

Situation de rentabilité Résultat net annuel moyen
par associé en K€
Hors norme > 220
Excellente 200
Bonne 160
Moyenne 120
A parfaire 80
Faible 50

3. Situer la rentabilité par le CA développé

Cette méthode ne vise qu’à apprécier un montant de CA par producteur avocat et ne préjuge pas de la manière dont est géré et administré le cabinet. Elle est, en ce sens, incomplète, mais peut constituer un indicateur intéressant de ce qu’il est coutume d’appeler la productivité, autre approche de la rentabilité.

Si de plus en plus de cabinets travaillent au forfait,
-  le taux horaire, pris comme base de gestion,
-  le nombre d’heures productives moyen à facturer par avocat,
demeurent les bases incontournables de l’approche de la productivité.

Compte tenu des taux horaires moyens et des temps moyens facturés, base 2012, (détails dans l’ouvrage « Améliorer la rentabilité du cabinet »), nous pouvons classer les cabinets de la manière suivante pour le critère de chiffre d’affaires par producteur :

Ordre des rentabilités par CA produit par producteur :

• CA >= 260 K€ : Excellente rentabilité
• 220 < CA < 260 : Bonne rentabilité
• 180 < CA < 220 : Rentabilité moyenne
• 140 < CA < 180 : Rentabilité à parfaire : investiguer
• CA < 140 : Faible rentabilité : mesures à prendre.

Conclusion :

L’analyse de la rentabilité du cabinet, pour être exhaustive, doit combiner les trois méthodes :
- Part du résultat net dans le chiffre d’affaires du cabinet (à redresser en BIC)
- Analyse de la rémunération des associés
- Chiffre d’affaires par producteur.


En savoir plus :
- Le guide « Améliorer la rentabilité du cabinet »
- Articles du Village sur le sujet :
Une parution incontournable
Les politiques de motivation en cabinet d’avocats.

Rédaction du village