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Pêche maritime en eau profonde : la guerre des communications. Par Jérôme Heilikman, Juriste.
Parution : lundi 25 novembre 2013
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Différents organismes, dont une association au combat dirigé vers la protection de l’environnement marin, ont contribué à une campagne de désinformation concernant la pêche en eau profonde.

La pétition dont le format répond aux codes sociétaux urbains actuels à savoir la pédagogie par l’image et la forme au détriment du fond, a permis à l’association militante une visibilité exceptionnelle. Cette pétition présente la pêche des grands fonds comme une activité hautement destructrice, économiquement déficitaire et largement subventionnée.

Mise à jour importante : Par décision du 30 juin 2016, l’Union européenne vient de décider l’interdiction de la pêche en eaux profondes au-delà de 800 mètres. Après quatre années d’intenses négociations, le sort des poissons d’eau profonde et de leurs écosystèmes a enfin été pris en compte.Les trois institutions de l’Union européenne (UE) – la Commission de Bruxelles, le conseil des ministres de la pêche et le Parlement – ont conclu un accord sur ce mode de prise très contesté.

La mesure la plus attendue est sans conteste l’interdiction du chalutage au-delà de 800 mètres de profondeur, une technique destructrice qui racle et endommage les fonds marins. Les ONG souhaitaient qu’elle s’applique aux flottes européennes y compris dans les eaux internationales. Ce ne sera pas le cas : l’interdiction est limitée aux eaux communautaires.

Les pêcheurs vont également être mis à contribution dans la collecte d’informations que l’UE a incluse dans l’accord, et devront entre autres accueillir des observateurs sur leur pont.

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Averti par des spécialistes du secteur maritime et de l’environnement, l’association Jurisplaisance souhaite, à l’appui de sources fiables et scientifiques, alerter de ces confusions et cette désinformation.

Le contexte

Les espèces d’eau profonde sont capturées dans les eaux de l’Atlantique au-delà des principaux lieux de pêche du plateau continental, à des profondeurs pouvant atteindre 4 000 mètres. Leurs habitats et écosystèmes sont largement méconnus, mais nous savons qu’elles abritent des récifs coralliens vieux de plus de 8 500 ans et des espèces anciennes qui sont encore peu étudiées

Il s’agit d’un environnement fragile qui, une fois abîmé, a peu de chances de se reconstituer. Extrêmement vulnérables à la pêche, les stocks de poissons d’eau profonde s’effondrent rapidement et sont lents à se rétablir du fait de leurs faibles taux de reproduction.

La proposition de la commission européenne

Actuellement le Parlement européen étudie une proposition de la Commission européenne visant à interdire le chalutage en eaux profondes d’ici 2015 afin de garantir une exploitation durable des espèces en eaux profondes et interdire l’utilisation des chaluts de fonds pour la capture des espèces en eaux profondes dans l’Atlantique Nord-Est.

La Commission propose de durcir le système des autorisations et de supprimer progressivement les engins de pêche qui ciblent spécifiquement les espèces d’eau profonde d’une manière moins durable, à savoir les chaluts de fond et les filets maillants de fond.

Elle prévoit également d’instaurer des exigences spécifiques pour la collecte des données sur les activités de pêche en eau profonde. Les ajustements nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures pourraient bénéficier d’un soutien financier au titre des fonds de l’UE.

Pour aller plus loin : http://ec.europa.eu/fisheries/cfp/fishing_rules/technical_measures/index_fr.htm

Démêlé le vrai du faux

A l’appui d’un communiqué du Comité National des Pêches, il est important de souligner que l’effort de pêche a diminué ces dernières années : depuis 2003, l’Union européenne a commencé à fixer des limites à la quantité de poissons pouvant être capturée, au nombre de navires autorisés et au nombre de jours pouvant être passés en mer (l’effort de pêche) pour pêcher ces espèces.

Quelques éléments à rappeler :

- Le chalutage des espèces en eau profonde représente à l’échelle de la France moins de 10 navires industriels. Plus de la moitié des espèces dites d’eau profonde vivent au dessus de 200 mètres de profondeur. Une mesure d’interdiction générale pénaliserait également la pêche artisanales déjà fort impactée.

- La pêche en eau profonde (au delà de 1500 mètres de profondeur) a un impact très faible sur les ressources halieutiques, celles ci étant très faibles.

- Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer a rappelé que la pêche en eau profonde est encadrée par le principe du "rendement maximum durable" autrement dit une exploitation durable des stocks dans le cadre de la Politique commune des pêches permettant aux ressources de se renouveler.

- Selon les sources IFREMER, 90% des captures sont constituées de seulement 8 espèces.

Pour conclure, depuis 20 ans, les professionnels consentent à rationaliser l’exploitation des ressources. La Politique commune des pêches encouragent et encadrent l’adaptation des capacités de pêches aux ressources d’exploitation. Il faut souligner les efforts de la profession pour assurer la durabilité de leur activité.

Des mesures extrêmes comme proposées par cette association auraient des conséquences importantes au sein d’un milieu déjà fragilisé.

Alors ayons raison gardée,et en tant que professionnel du droit, notre réflexion doit s’appuyer sur des arguments fiables et rigoureux.

Jérôme Heilikman Président fondateur de l\\\'Association Legisplaisance Doctorant en droit privé Juriste maritime et droit social des marins http://www.legisplaisance.fr http://www.facebook.com/legisplaisance
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