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Les précisions du Conseil d’Etat sur le champ d’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme. Par Cyrille Tchatat, Avocat.
Parution : mardi 3 décembre 2013
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La circonstance qu’une autorisation d’urbanisme soit entachée d’une illégalité externe, notamment d’incompétence, ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, dès lors que cette irrégularité affecte une partie identifiable du projet et qu’elle est susceptible d’être régularisée. (CE 27 novembre 2013 Ass. Bois-Guillaume Réflexion, req. n° 358765)

Par cette décision en date du 27 novembre 2013, le Conseil d’Etat vient juger que :

« Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » ; qu’il résulte de ces dispositions que le juge administratif peut procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable d’un projet de construction ou d’aménagement et où cette illégalité est susceptible d’être régularisée par un arrêté modificatif de l’autorité compétente, sans qu’il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet ; que le juge peut, le cas échéant, s’il l’estime nécessaire, assortir sa décision d’un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d’autorisation modificative afin de régulariser l’autorisation partiellement annulée ;
5. Considérant que la circonstance qu’une autorisation d’urbanisme soit entachée d’une illégalité externe, notamment d’incompétence, ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 600-5 ; que, par suite, la cour a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger que ces dispositions permettaient de prononcer l’annulation de l’arrêté du 18 octobre 2007 du maire de Bois-Guillaume autorisant la création du lotissement « La Prévôtière II », en tant seulement qu’il concernait la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel, après avoir relevé que le maire de Bois-Guillaume n’était pas compétent sur ce point ; qu’il ressort par ailleurs des énonciations de l’arrêt attaqué qu’avant de prononcer l’annulation partielle du permis de lotir, la cour a relevé que l’illégalité invoquée affectait la partie identifiable du projet relative à l’aménagement d’une voie d’accès au lotissement et que cette irrégularité pouvait être régularisée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en s’abstenant de rechercher si l’illégalité en cause n’affectait qu’une partie identifiable du projet et si elle était régularisable ne peut qu’être écarté
 » (CE 27 novembre 2013 Ass. Bois-Guillaume Réflexion, req. n° 358765).

La Haute Juridiction confirme ainsi la position adoptée par la Cour Administrative d’Appel de Douai qui avait considéré que :
« Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet objet de l’arrêté litigieux se situe sur le territoire des communes de Bois-Guillaume et de Bihorel et prévoit notamment l’aménagement d’une voie située en partie sur le territoire de celle-ci ; que, toutefois, cet arrêté a été signé par le maire de Bois-Guillaume et n’a pas été autorisé, conjointement ou distinctement, par le maire de Bihorel ; que, par suite, l’ASSOCIATION BOIS-GUILLAUME REFLEXION est fondée à soutenir qu’il est entaché d’incompétence pour la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel ; que cette illégalité est toutefois susceptible d’être couverte par l’intervention d’un nouvel arrêté pris par l’autorité compétente ; que cette autorité sera désormais le maire de l’unique commune de Bois-Guillaume – Bihorel créée à compter du 1er janvier 2012 ; qu’il n’est pas établi que la nature du terrain ou du projet ou encore les règles du plan local d’urbanisme désormais applicable feraient obstacle à cette régularisation ; que, dans ces conditions, le motif ainsi retenu ne justifie l’annulation de l’arrêté contesté qu’en tant qu’il concerne la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel
 » (CAA Douai 16 février 2012 Ass. Bois-Guillaume Réflexion, req. n° 11DA00506).

La décision commentée fait suite aux décisions « SNC de la Bretonnerie » (CE 23 février 2011 SNC Hôtel de la Bretonnerie, req. n° 325179), « M. et Mme Fritot  » (CE 1er mars 2013 M. et Mme Fritot, req. n°350306), et «  M. Andrieu et Mme Perrée » (CE 4 octobre 2013 M. Andrieu et Mme Perrée, req. n° 358401) par lesquelles la Haute Juridiction a précisé les conditions d’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013.

Il convient de rappeler que dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme disposait que :

« lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ».

Et, eu égard à l’expression « une partie d’un projet de construction ou d’aménagement » une partie de la doctrine n’a pas manqué de considérer que la mise en œuvre de cette disposition supposait que les illégalités externes soient exclues de son champ d’application (Godfrin, Construction et urbanisme n° 7, juillet 2008, comm.120).

La jurisprudence est également apparue partagée sur ce point.

La Cour administrative d’appel de Versailles a ainsi jugé que l’article L 600-5 du Code de l’urbanisme ne pouvait s’appliquer pour une insuffisance du dossier de demande (CAA Versailles 28 avril 2013 Commune de Suresnes, req. n° 12VE01428, 12VE01429).

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a retenu, pour sa part, que l’irrégularité des documents graphiques ne peut bénéficier du régime de l’article L 600-5 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux 30 octobre 2007 SCI Les Terrasses de Marie, req. n° 05BX01764).

A l’inverse, certaines juridictions ont procédé à une l’annulation partielle d’un permis de construire après avoir constaté une illégalité externe.

C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Lyon a fait application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, alors même que le dossier de demande ne comportait pas l’autorisation du gestionnaire du domaine public et que les parties du bâtiment surplombant le domaine public étaient indivisibles du reste des constructions autorisées (CAA Lyon 19 février 2013 Mme Edith Simonnet et SCI Le Tetra, req. n° 12LY01811).

Cette position a également été adoptée par la Cour administrative d’appel de Douai pour une irrégularité de la notice descriptive pour la partie relative aux places de stationnement d’une habitation individuelle (CAA Douai 7 février 2013 Ass. Bois-Guillaume Réflexion, req. n° 12DA00745, 12DA00744).

La décision commentée a donc le mérite de trancher définitivement le débat et d’unifier la jurisprudence sur ce point, en jugeant expressément que, les motifs d’irrégularité externe affectant une partie localisée d’un projet peuvent conduire à une annulation partielle.

Etant souligné que la mise en œuvre de l’article L. 600-5 du CU, implique que le juge recherche si les modifications à entreprendre aux fins de régularisation, par le biais d’un permis de construire modificatif, n’affectent pas l’économie générale du projet.

Or, à l’instar du vice tiré de l’absence de mention du nom du signataire du permis de construire (CAA Bordeaux 13 novembre 2008 Commune de Gaillan en Médoc, req. n° 07BX01662), l’incompétence du signataire d’un permis de construire est au nombre des irrégularités de forme qu’un permis de construire modificatif peut avoir pour objet exclusif de régulariser (CAA Marseille 27 septembre 2012 Commune de Canet en Roussillon, req. n° 10MA02949, 10MA02966).

TC Avocat