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Le pacte de préférence. Par Victoire de Bary, Avocat.
Parution : jeudi 5 décembre 2013
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Fréquent dans les baux commerciaux pour pallier l’absence de droit de préemption au profit du preneur à bail, le pacte de préférence mérite que l’on s’attarde sur ses contours afin d’éviter – autant que possible – le contentieux qu’il est susceptible de générer.

1- Objet

Le pacte de préférence est un contrat unilatéral au terme duquel le propriétaire d’un bien s’engage, pour le cas où il le vendrait, à le réserver au bénéficiaire de la clause de préférence à toute autre personne.

Un tel contrat crée donc – de façon consensuelle – un droit de préemption qui peut aboutir, sous certaines réserves, à la substitution du bénéficiaire du pacte à l’acquéreur.

En effet, dès la conclusion du pacte de préférence, le promettant – propriétaire – est obligé de proposer le bien au bénéficiaire du pacte s’il décide de vendre.

Le promettant ne peut être contraint à la vente, mais s’il prend la décision de vendre, il devra notifier son intention au bénéficiaire du pacte, et si celui-ci accepte l’offre ainsi faite, l’acceptation vaudra vente conformément aux dispositions de l’article 1583 du Code civil (Civ. 3ème, 22 septembre 2004, Bull. III, n°157).

Par ailleurs, il est important de délimiter très précisément l’objet du pacte de préférence.

En effet, si le pacte porte sur le local objet d’un bail commercial, mais que le propriétaire promettant décide de vendre l’immeuble dans lequel est situé le local, en un bloc, le pacte n’a pas vocation à être mis en œuvre et le locataire ne pourra alors pas soulever un manquement aux obligations issues du pacte.

En revanche, si le pacte est imprécis et ne distingue pas l’hypothèse de la vente de l’immeuble ou du local seul, le pacte pourra être mis en œuvre que la vente porte sur le local seul ou sur l’immeuble entier et devra même être mis en œuvre à deux reprises si la vente de l’un échoue et que le propriétaire s’oriente vers l’autre option (voir Civ. 3ème, 6 juin 2012, n°11-12893).

2- Durée et effets

Ainsi que nous l’avons indiqué, dès la conclusion du pacte, le promettant – propriétaire – est obligé de proposer le bien au bénéficiaire du pacte s’il décide de vendre.

Si le pacte prévoit une durée limitée, le promettant n’a plus d’obligation de proposer l’acquisition au bénéficiaire au-delà du délai mentionné dans le pacte.

En l’absence de délai, il appartiendra au juge de déterminer si l’engagement a perduré car les engagements perpétuels ne sont pas possible.

Cependant, et faute d’éléments permettant de considérer que le promettant ou le bénéficiaire ont renoncé au pacte, un tel engagement se transmet aux héritiers en cas de décès du promettant si le pacte ne contient aucune stipulation contraire.

Aucun formalisme n’est prévu par les textes pour la notification par le propriétaire de son intention de vendre. C’est pourquoi il est important d’encadrer cette notification dans le pacte.

En effet, seul le formalisme prévu dans le pacte de préférence doit être respecté.

Compte tenu de la nécessité – pour le promettant – de prouver qu’il a rempli son obligation, nous ne saurions que trop conseiller de recourir à une notification par lettre recommandé avec accusé de réception ou par exploit d’huissier.

Il est naturellement important de prévoir également dans le pacte les conditions dans lesquelles le bénéficiaire va informer le vendeur de sa volonté d’acquérir le bien ou de renoncer à son droit de priorité.

Relevons que si l’existence d’un pacte de préférence contraint le bailleur à notifier son intention de vendre, cela ne le contraint pas à notifier son intention d’apporter le bien à une société ou de le donner car, dans ce cas, le tiers ne pourrait pas se substituer.

Si le pacte de préférence crée – en principe – à la charge du propriétaire une obligation de faire, il apparaît que, dans certain cas, cette obligation peut se résoudre autrement qu’en dommages-intérêts.

3- Les conséquences des violations du pacte

La durée qui sépare la conclusion du pacte de préférence et l’exercice effectif du droit de préférence lorsque le promettant décide de vendre est propice à la reconnaissance d’une renonciation tacite du bénéficiaire à son droit.

On pourrait considérer par exemple que le bénéficiaire du droit de préférence soit réputé y avoir renoncé lorsqu’il a pris connaissance de la conclusion du contrat définitif avec un tiers et n’a pas formulé de réclamation pendant un temps raisonnable.

De même, la simple offre de vente d’un appartement adressée à une personne déterminée, et assortie d’une priorité au bénéfice de celle-ci, était devenue caduque à défaut de son acceptation dans un délai raisonnable, alors qu’entre-temps, le propriétaire avait vendu l’appartement à un tiers.

Pour pallier le risque de vente à un tiers, en violation du droit de préférence créé par le pacte, on peut publier le pacte, mais cela ne rendra pas le pacte opposable aux tiers.

En revanche, il sera plus difficile au tiers acquéreur de soutenir qu’il n’avait pas connaissance de l’existence de ce contrat.

Or, en cas de vente du bien sur lequel porte le pacte de préférence à un tiers, en méconnaissance du pacte, plusieurs situations doivent être distinguées :

Enfin relevons que le promettant a l’obligation de notifier à nouveau son intention de vendre au bénéficiaire du pacte s’il décide de vendre à un prix moindre que celui initialement envisagé et pour lequel était intervenue la première notification.

Victoire de BARY Avocat Associé www.sherpa-avocats.com
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