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Mise au point jurisprudentielle sur la période d’essai et son renouvellement. Par Sabine Haddad, Avocat.
Parution : vendredi 6 décembre 2013
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Cet article a pour vocation théorique et pratique de faire une mise au point sur la période d’essai et les conditions légales et jurisprudentielles liées à son renouvellement

La période d’essai a pour but de permettre à un employeur d’évaluer les compétences de son salarié.

Elle permet l’écoulement d’une durée destinée aussi à permettre au salarié de vérifier si les fonctions proposées lui correspondent.

L’article L 1221-20 du Code du travail précise :

« La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent »

Ainsi en cas de période d’essai envisagée, le salarié ne sera embauché définitivement qu’à son terme et à défaut, il le sera définitivement dès le premier jour de l’embauche.

La situation créée durant cette période reste précaire et fragile puisqu’une rupture peut s’envisager à tout moment de part et d’autre.

C’est parce-que la protection est moindre au regard d’une embauche définitive que cette période, « de mise à profit ou d’analyse, » n’est nullement une obligation et ne se présume pas.

Le contrat de travail ne pourra contenir de dispositions moins favorables que la convention collective.

Le renouvellement de la période d’essai d’un CDI est envisageable sous CINQ conditions.

I- Le renouvellement doit être unique et intervenir au cours de la période initiale.

A) Rappel de la période initiale

1°- "L’essai"ne se présume pas

Cette période doit expressément être envisagée, soit dans un contrat de travail, soit dans une lettre d’engagement et se situe au commencement de l’exécution du contrat de travail. (Soc, 13 juin 2012 N° de pourvoi : 11-10645)

Lorsqu’elle est stipulée postérieurement au commencement de l’exécution du contrat, sa durée ainsi exécutée est déduite de cette période d’essai.

L’article L. 1221-23 du Code du travail précise que « la période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas : elles sont expressément stipulées dans le contrat de travail. ».

De ce fait,

- si le contrat de travail et la convention collective ne l’envisagent pas, dans ce cas le salarié est embauché définitivement dès le premier jour de l’engagement ;

- si le contrat de travail l’envisage avec une période de renouvellement le cas échéant ; dans ce cas le salarié sera embauché à l’issue de l’essai sauf rupture ;

- si le contrat de travail ne l’envisage pas, alors que les dispositions conventionnelles l’envisagent, la seule référence faite par le contrat de travail à la convention collective ne sera pas considérée comme suffisamment explicite pour permettre de retenir l’existence d’une période d’essai. Il faudra un écrit explicite.

Qui dit période d’essai dit possibilité de rupture libre, sans motifs et sans indemnités sous réserve du respect d’un délai de prévenance.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 mai 2012, est venue affirmer que la validité de la clause fixant la durée de l’essai doit s’apprécier à la date de la conclusion du contrat de travail et en se référant à la convention collective mentionnée dans le contrat même si cette indication s’avère erronée et que cette convention n’est pas celle appliquée dans l’entreprise

2°- Une durée initiale maximale prévue dans la lettre ou le contrat d’engagement

Les durées des périodes d’essai y compris en cas de renouvellement ont en principe un caractère impératif.

Cependant, celles-ci pourront être plus longues à travers des accords de branche conclus avant la date de publication de la Loi N°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail

A l’inverse, des accords collectifs conclus après la publication de ladite Loi pourraient prévoir des durées plus courtes, donc plus favorables au salarié.

En cas d’oubli de la mention de durée et de renouvellement dans le contrat il n’y aura pas de période d’essai et il sera impossible pour l’employeur de prétendre qu’il existe une période d’essai envisagée dans la convention collective.

— En CDI

L’article L 1221-19 du Code du travail, envisage cette durée maximale :

- 2 mois pour les ouvriers et les employés ;
- 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
- 4 mois pour les cadres.

Cela signifie que si l’employeur peut aller en deçà de cette durée, il ne pourrait y aller au-delà sauf exceptions. Il conviendra de se référer aux conventions collectives qui envisagent souvent cette période.

Exemple l’article 13 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 étendue par arrêté du 3 décembre 1997 JORF 6 décembre 1997. Mais toutes clauses du contrat de travail qui seraient moins favorables aux dispositions de la convention collective ne trouveront pas application. Soc 30 mars 1995, pourvoi n° 91-44079

Toute période de suspension du contrat prolongera d’autant la durée initiale de l’essai (ex absence pour maladie, congé annuel, fermeture... )

— En CDD,

Elle est de :

- 1 jour par semaine, avec un maximum de 2 semaines pour un contrat de 6 mois ou moins ;

- 1 mois maximum pour un contrat d’au moins 6 mois.

— En contrat de mission de travail temporaire ou d’intérim

Seulement si la lettre de mission adressée au salarié au plus tard dans les 48 heures (jours ouvrables) de sa mise à disposition l’envisage, avec une durée qui ne pourra dépasser un maximum en fonction de la durée du contrat :

- 2 jours d’essai pour un pour un contrat d’une durée inférieur ou égale à 1 mois ;

- 3 jours pour un contrat d’une durée comprise entre 1 et 2 mois ;

- 5 jours pour un contrat d’une durée supérieure à 2 mois

Le contrat peut comporter une période d’essai dont la durée est fixée par voie de convention ou accord professionnel de branche étendu ou de convention ou d’accord d’entreprise ou d’établissement.

— En contrat saisonnier destiné à la réalisation de travaux effectués chaque année à la même période.

La durée de période d’essai ne pourra excéder 1 jour par semaine de travail .

— En contrat d’apprentissage

Il peut être rompu par les deux parties sans préavis ni indemnités pendant les deux premiers mois.

B) Le renouvellement

L’ article L. 1221-21 du Code du travail précise que la « période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

- 4 mois pour les ouvriers et employés ;

- 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

- 8 mois pour les cadres. »

« Il résulte de l’article L. 1243-11 du code du travail que lorsque le salarié a été, après l’échéance du terme de son contrat à durée déterminée, engagé par contrat à durée indéterminée, la durée du ou des contrats à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail ; qu’il importe peu que le salarié ait occupé le même emploi, en exécution de différents contrats » ( Soc,9 octobre 2013,N° pourvoi : 12-12113)

II- Un accord ou une convention de branche doit prévoir la possibilité de renouvellement : fixer les conditions et durée de renouvellement.

Le renouvellement de la période d’essai dès l’origine ne peut résulter que d’un accord exprès des parties au cours de la période initiale et non d’une décision unilatérale de l’employeur (Cass soc. 11 mars 2009, pourvoi n° 07-44090).

Lorsque la convention collective ne prévoit pas la possibilité de renouveler la période d’essai, la clause du contrat de travail prévoyant son éventuel renouvellement est nulle quand bien même la durée totale de la période d’essai renouvelée n’excéderait pas la durée maximale prévue par la convention collective » est devenu la Loi ( article L 1221-21 précité)
(Soc 25 février 2009, pourvoi n° 07-40155)

« ...Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que la possibilité de renouvellement de la période d’essai n’est pas prévue par l’article 1 de l’annexe I "Cadres" de la convention collective de la confiserie-chocolaterie- biscuiterie, a exactement décidé que la clause du contrat de travail prévoyant un tel renouvellement est nulle, d’où il résulte que la rupture du contrat de travail intervenue postérieurement à l’expiration de la période d’essai de trois mois s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la moyen n’est pas fondé » (Soc 2 juillet 2008, pourvoi n°40-07132)

III- Le renouvellement doit être nécessairement porté dans le contrat ou la lettre d’embauche.

Il ne peut résulter que d’un accord exprès des parties au cours de la période initiale et non d’une décision unilatérale de l’employeur (Cass soc. 11 mars 2009, pourvoi n° 07-44090 précité.)

IV- Le renouvellement doit être accepté de façon claire et non équivoque au risque pour l’employeur de se voir condamner pour rupture abusive du contrat de travail

La cour de cassation exige une volonté claire et non équivoque.

Dans un arrêt du 25 novembre 2009, elle a rendu un arrêt d’une grande sévérité, qui doit susciter une vigilance encore plus grande de la part des employeurs. En effet, il a été jugé que :

« Le renouvellement ou la prolongation de la période d’essai doit résulter d’un accord exprès des parties et exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié ne pouvant être déduite de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l’employeur »

Il appert que la simple signature d’un salarié apposée en bas d’un document portant renouvellement ne suffira pas forcément à établir son acceptation expresse et non équivoque. Il faudra donc envisager de faire porter des mentions claires et précises avant de faire signer son salarié :

« Lu et approuvé, bon pour renouvellement de la période d’essai pour une durée de X mois, Bon pour accord de façon claire et non équivoque...  »

Toute clause qui viserait à accroître une durée de l’essai sans respect des règles précitées devra être considérée comme nulle et non avenue. Le salarié pourra alors ne pas en tenir compte et se cantonner à une exécution de la période d’essai légale maximale initiale.

De deux choses l’une, soit le salarié sera embauché définitivement dans l’entreprise, soit il partira, mais encore faut-il que son départ ne soit pas abusif....

Le renouvellement de la période d’essai ne peut résulter que d’un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale, même si les dispositions conventionnelles prévoient une simple information du salarié. (Soc ,12 juillet 2010, pourvoi : 09-41875 (premier moyen)).

« Le renouvellement de la période d’essai ne peut résulter que d’un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale, même si les dispositions conventionnelles prévoient une simple information du salarié. En conséquence, le salarié qui n’a pas donné son accord écrit au renouvellement de la période d’essai n’est pas présumé l’avoir accepté, de sorte que la rupture du contrat du travail intervenue au cours de la seconde période s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Renouveler l’essai ne peut résulter que d’un accord exprès des parties

V- Le renouvellement ne doit être ni abusif, ni détourné de la finalité de l’essai : l’aspect « déraisonnable de l’essai »

Illustrations sur l’aspect "déraisonnable" du renouvellement de l’essai

Soc, 13 juin 2012, rejet pourvoi N° 11-15283 et Soc. 13 juin 2012, N° pourvoi N°10-28286

Si l’employeur a déjà pu, dans le passé proche, évaluer les compétences et l’expérience du salarié dans son travail, alors s’il l’embauche dans les mêmes fonctions que celles exercées précédemment, il ne peut prévoir de période d’essai au contrat de travail.

Par ces deux arrêts, la Cour de cassation limite le recours à la période d’essai, qui rappelons-le, permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié ainsi que son adéquation au poste occupé.

Malgré l’accord des parties sur la durée de la période d’essai, les juges ont désormais le pouvoir de juger que la rupture durant la période d’essai s’analyse en un licenciement aux torts de l’employeur lorsque cette durée est « déraisonnable » .

Pour Soc,10 mai 2012 N° de pourvoi : 10-28512

Une période d’essai dont la durée est de six mois (en l’espèce, il s’agissait d’un salarié recruté en qualité d’assistant commercial est déraisonnable

Même analyse , sI le contrat de travail est de droit étranger et signé en 2006 : Soc, 26 mars 2013, N° de pourvoi 111-25580

Cass. Soc, 11 janvier 2012, pourvoi N° 10-17945 est venue rajouter une condition essentielle de durée ; estimant « déraisonnable, au regard de la finalité de la période d’essai et de l’exclusion des règles du licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an »

Ainsi la Cour considère qu’une période d’essai de UN an appréciée dans sa globalité, avec sa période de renouvellement prise en compte est déraisonnable au regard de sa finalité, puisqu’elle exclut la procédure de licenciement durant cette période.

En l’espèce, un cadre directeur d’un magasin « Champion », avait signé un CDI avec une période d’essai de 6 mois renouvelable une fois.

Dans le cadre du renouvellement l’employeur avait notifié la rupture de sa période d’essai presque à son terme.

Pour le salarié, une telle rupture de contrat après expiration de la période d’essai aurait dû viser un licenciement.

Il a ainsi plaidé à la rupture abusive, et sollicité, outre des dommages et intérêts pour rupture abusive, le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

Refus de la Cour d’appel au regard de la convention collective nationale du commerce de gros et de détail alimentaire, applicable, laquelle envisage dans l’article 2 de l’annexe III intitulé « cadres » que la durée normale de la période d’essai est fixée à 3 mois, sauf accord particulier entre les parties pour une durée différente pouvant atteindre 6 mois, renouvelable une fois après accord entre les parties.

Pour la Cour, la durée de la période d’essai portée au contrat de travail de 6 mois renouvelable est en respect des dispositions conventionnelles et n’est pas excessive eu égard à la qualification professionnelle du salarié et à la finalité de la période d’essai, destinée à permettre l’évaluation des compétences, de la capacité à diriger, à prendre en main la gestion d’un magasin dans son ensemble et à "manager" l’ensemble du personnel.

Censure de la cour de cassation.

« est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d’essai et de l’exclusion des règles du licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an, la cour d’appel a violé la convention internationale susvisée ».

Cette décision est fondée sur les dispositions de l’article 2-2, b) de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail qui prévoit que la durée de la période d’essai doit être fixée d’avance et être raisonnable.

Il convient de préciser que l’article L.1221-19, 3° du Code du travail, prévoit une période d’essai maximale de quatre mois pour les cadres.

L’article L.1221-21, 3° envisage son renouvellement une fois si un accord de branche étendu le prévoit,avec une durée, renouvellement inclus, ne pouvant dépasser huit mois pour les cadres.

Dans notre arrêt, censure parce que la période de six mois renouvelable pour les cadres atteignait 12 mois, soit au delà de la durée maximale de huit mois renouvellement compris.

Il faudra donc veiller à ce que le renouvellement de l’essai n’aille pas au delà d’une année en respect des dispositions de l’article L. 1221-21 du Code du travail qui dispose.

« La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

- 4 mois pour les ouvriers et employés ;

- 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

- 8 mois pour les cadres.  »

Sabine HADDAD Avocate à la Cour http://avocats.fr/space/sabine.haddad http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/modules/presentation.php
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