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Le TEG : il est parfois trop taux, mais nécessairement un taux actuariel proportionnel. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : lundi 9 décembre 2013
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La Cour de Cassation, dans cet intéressant arrêt du 27 novembre 2013, donne raison aux emprunteurs quant au délai pour engager l’action en contestation d’un TEG.
Mais accorde aux banques prêteuses la reconnaissance d’une méthode juste pour le TEG, en rappelant qu’il est un taux annuel proportionnel, et non équivalent.
(Cour de Cassation, Civ. 1ère 27 novembre 2013 n°12-22.456, 12-24.115, 1373)

Le contentieux du Taux Effectif Global connaît décidément un vif succès.

Les actions judiciaires sont d’autant plus recherchées que la sanction du TEG erroné est sèche pour le prêteur : pas d’annulation du contrat de prêt, avec retour au taux d’intérêt légal.

A 0,04 % l’an, l’avantage financier est certainement plus direct pour l’emprunteur, qu’une fastidieuse renégociation...

La première Chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler, le 27 novembre 2013, la nécessaire rigueur attendue des Etablissements de crédit, en matière de TEG.

Deux contrats de prêts sont passés en novembre 1986. Le 28 juin 2008, la Cour d’appel admet l’action en annulation et ordonne une expertise -étape souvent indispensable pour "désembrumer" un sujet ou les mathématiques financières se mêlent au Droit. Le 24 mai 2012, la Cour d’appel a constaté l’erreur de TEG, attestée par un expert.

Les emprunteurs ont fait grief aux deux banques d’une base erronée de TEG, les actes de prêts indiquant un certain niveau de TEG, alors que la vérification avec ses composants aboutissait à un TEG différent.

La Cour d’appel a admis l’action en contestation et jugé que le TEG était erroné.

Les Établissements de crédit ont contesté ces deux décisions.

Le délai d’action de l’emprunteur en contestation des éléments juridiques du TEG d’un crédit non professionnel est de cinq années (article 2224 du Code civil). Mais ce délai court soit à partir de la date du contrat, soit à partir de la date de révélation d’un élément qui permet la découverte de l’erreur.

Une flexibilité juridique qui répond au manque de clarté ou de complétude de certains contrats de crédit.

La Cour de cassation confirme avec cet arrêt du 27 novembre 2013, que l’action en contestation des prêts de 1986 était recevable en juillet 2001, quinze années après la signature du contrat. En effet, les emprunteurs n’ont eu connaissance de l’erreur qu’en juin 2000, car les seuls éléments des contrats ne permettant pas de la révéler. Le rapport d’expertise a permis de mettre l’erreur en évidence, et d’enclencher l’action contentieuse.

L’action en contestation était donc recevable. Cette confirmation de l’application stricte de la règle de prescription des actions mobilières de l’article 2224 du Code civil est bienvenue.

En revanche, la Cour de cassation confirme les banques dans l’analyse de la nature mathématique du TEG, la Cour d’appel ayant, à tort, prononcé la nullité du calcul du TEG, en se fondant sur l’idée que celui-ci était un taux équivalent.

La Cour de cassation rappelle que le Taux Effectif Global est un taux annuel proportionnel (au taux de la période), au visa du Décret n°85-944 du 4 septembre 1985 et de l’article 1907 alinéa 2 du Code civil.

En Droit, le Taux Effectif Global d’un crédit non professionnel est posé par l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier et du Code de la consommation (art. 3 de la Loi n°66-1010 du 28 décembre 1966, modifié notamment par la Loi n°79-596 du 12 juillet 1979, et Décret n°2002-927 du 10 juin 2002) : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt comme pour celle du taux effectif pris pour référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels  ».

Le TEG doit être mentionné dans le contrat de prêt (articles L.312-8 et L. 313-2 du même Code monétaire et financier et du Code de la consommation).

L’inobservation de cette obligation substantielle, qu’il s’agisse d’un TEG erroné ou absent, entraîne la déchéance du droit du prêteur à l’intérêt au taux débiteur et l’application rétroactive du taux légal (Cour de cassation, Civ. 1ère 19 septembre 2007 n°06-16.964 et n°06-18.924), selon la règle de Droit : « l’erreur entachant le taux effectif global dont la mention est exigée dans un contrat de prêt est exclusivement sanctionnée par la substitution au taux d’intérêt contractuel du taux de l’intérêt légal ».

Le TEG erroné est sanctionné identiquement à l’absence de TEG (Cour de cassation, Civ. 1ère 30 septembre 2010, n°09-67.930 et Cour de cassation Civ. 1ère 23 novembre 2004 n°02-13.206).

L’emprunteur est fondé à obtenir du prêteur le remboursement du trop-perçu en remboursement du prêt en principal et intérêts (Cour de cassation, Civ. 1ère 13 mars 2007, Jurisdata 2007-037214).

L’article R. 313-1 du Code de la consommation procure les modalités mathématiques détaillées du taux conventionnel et du TEG, sur la base du Décret de 1985. Pour ce dernier, applicable aux prêts immobiliers, il s’agit bien d’un taux actuariel proportionnel. Compte tenu de la valorisation des flux financiers posée par le texte, les dates de réception des fonds produisent mathématiquement un impact sur ces taux.

Rappelons également que le TEG est calculé sur la base de l’année civile, laquelle comporte 365 jours ou 366 jours (Cour de cassation, Civ. 1ère 19 juin 2013 n°12-16.651 et Recommandation n°05-02 de la Commission des clauses abusives, du 20 septembre 2005), conformément au calendrier grégorien entré en vigueur le 9 décembre 1582.

Le taux conventionnel figure au contrat de prêt (article 1907 du Code civil) ; il est également calculé sur la base de l’année civile (arrêt précité).

Il doit être précis à 0,01 point (parfois indiqué « % ») près (Cour d’appel de Rennes, 22 avril 2011, 1ère Ch. B, n°10/00772).

Autant d’éléments de jurisprudence qui incitent à la plus grande rigueur, de la part des professionnels, dans l’établissement des contrats de prêts immobiliers. La précision juridique est, ici, une source de sécurité pour les parties à ce contrat de prêt.

Laurent Denis Juriste - Droit bancaire et financier www.isfi.fr www.droit-distribution-bancaire.fr
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