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Contestation d’un PLU : quels motifs d’annulation ? Par Vivien Guillon, Avocat.
Parution : mercredi 15 janvier 2014
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Les objectifs multiples, parfois contradictoires, des plans locaux d’urbanisme (PLU), sont susceptibles de contrarier les intérêts des administrés, qui ne manquent alors pas de contester leur validité, soit directement, soit par le biais d’associations constituées spécialement à cet effet. Or, l’élaboration de ces documents d’urbanisme s’analyse en un véritable parcours d’obstacles, qui constituent autant de risques d’annulation.

Créé par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, le plan local d’urbanisme (PLU) s’est substitué au plan d’occupation des sols (POS).

Dans les faits, le PLU organise le développement d’une commune, ou d’un établissement public de coopération intercommunale, en fixant les règles d’urbanisme applicables sur son territoire, comme par exemple, en zones constructibles, le coefficient d’occupation des sols, la hauteur maximale des constructions, ou les prescriptions architecturales.

Selon le Code de l’urbanisme, ce document doit permettre d’assurer, dans le respect des objectifs de développement durable, un délicat équilibre entre l’urbanisation, le développement rural, l’utilisation économe des espaces naturels, la protection des sites et du patrimoine bâti remarquable, la satisfaction des besoins en matière d’habitat, la mixité sociale et la protection de l’environnement.

Ces objectifs multiples, parfois contradictoires, sont susceptibles de contrarier les intérêts des administrés, qui ne manquent alors pas de contester les délibérations approuvant un plan local d’urbanisme, soit directement soit par le biais d’associations constituées spécialement à cet effet.

De plus, la procédure d’élaboration d’un PLU est longue et complexe, ce qui ouvre souvent aux détracteurs d’un tel projet la possibilité de soulever moult irrégularités.

La première chausse-trappe de la procédure d’élaboration réside dans la procédure de concertation prévue par l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme.

En effet, il a été jugé que « si en application de l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme, les opérations d’élaboration ou de révision du plan local d’urbanisme ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, la délibération définissant les modalités de la concertation doit être respectée  » (CAA Marseille, 17 déc. 2010, n° 10MA02529, Commune d’Artigues : Environnement2011, comm. 57, obs. D. Gillig).

Autrement dit, il importe surtout que la délibération prévoyant la concertation définisse avec force détails les modalités de la concertation. A défaut, la concertation est jugée insuffisante, ce qui entraîne l’annulation de la délibération approuvant le PLU.

Une fois le projet de PLU arrêté par délibération du conseil municipal, le parcours d’obstacles procéduraux se poursuit alors avec l’enquête publique prévue par l’article L. 123-10 du Code de l’urbanisme.

Cette enquête, prescrite par arrêté préfectoral, doit faire l’objet d’un avis diffusé dans un journal local, précisant le nom du commissaire enquêteur ainsi que toutes les informations permettant aux citoyens consultés d’entrer en contact avec lui.

A ce stade, encore une fois, plusieurs irrégularités peuvent entraîner l’annulation de la délibération approuvant le PLU.

Ainsi, l’enquête publique ne peut débuter à une date antérieure à celle de l’arrêté le prescrivant (CE, 26 janv. 1979, n° 04259, Lorans : Rec. CE 1979, p. 31).

L’avis d’enquête publique doit être diffusé dans un journal local dont l’audience ne doit pas être trop restreinte. Le contenu de l’avis doit être suffisamment précis, notamment en ce qui concerne le nom et les modalités d’intervention du commissaire enquêteur.

A défaut, l’enquête publique est entachée d’un vice susceptible d’entraîner l’annulation de toute la procédure.

Et bien entendu, le dossier soumis à enquête doit être le plus complet possible.

En effet, un dossier d’enquête est réputé incomplet si, par exemple, il ne contient pas les schémas des réseaux d’eau et d’assainissement existants (CE, 30 mai 1994, n° 129281, Comité écologique perpignanais et a.), ou s’il ne comporte pas en annexe les avis de personnes publiques consultées au cours de l’élaboration du plan (CE, 8 juin 1994, n° 96571).

De tels vices sont considérés comme substantiels et entraînent l’annulation de toute la procédure d’élaboration du PLU.

Si l’enquête publique se déroule sans écueils, la procédure peut néanmoins trébucher sur un dernier obstacle.

En effet, la délibération d’approbation du PLU peut être critiquée sur un plan purement formel, qu’il s’agisse des règles de convocation des conseillers municipaux (trois jours francs avant la séance), de la compétence de l’auteur de l’acte, des textes et avis dont la mention est obligatoire.

Mais quand bien même un PLU a été approuvé dans le respect le plus strict de la procédure, il peut encore être attaqué sur son contenu…

En effet, le PLU doit tout d’abord contenir un rapport de présentation expliquant les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement.

Ce document doit présenter un diagnostic économique, démographique, environnemental et foncier du territoire couvert par le plan, et présenter une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.

Autant dire que, dans les faits, le rapport de présentation est un véritable pavé.

Il risque néanmoins d’être jugé insuffisant s’il n’est pas suffisamment explicite.

Il suffit pour cela, par exemple, qu’il soit trop succinct, qu’il ne justifie pas les choix opérés par la collectivité, ou encore qu’il s’appuie sur un diagnostic incomplet.

S’il est jugé insuffisant, le rapport de présentation ne manquera pas d’entraîner l’annulation de la délibération approuvant le PLU.

Outre ce rapport, le PLU doit être constitué d’un projet d’aménagement et de développement durable (PADD), d’un document définissant les orientations d’aménagement et de programmation, de documents graphiques, d’une liste des servitudes d’utilité publique et, bien entendu, d’un règlement.

Il va de soi que l’absence de l’un de ces documents pourra mettre en péril l’approbation du PLU.

Sur le fond, il convient de rappeler que les appréciations portées par les auteurs des PLU ne peuvent être discutées au contentieux que si elles sont entachées « d’une erreur manifeste ou fondées sur des faits matériellement inexacts » (CE, 30 décembre 1998, n° 158873, Cne Saint-Jean-de-Sixt. – jurisprudence constante, CE, 8 oct. 2008, Babeuf : JCP A 2008, act. 900).

Cela signifie que le juge administratif ne sanctionnera les choix opérés par une commune que s’ils révèlent la méconnaissance grossière d’une situation préexistante.

Au-delà de ces erreurs manifestes, le PLU n’est pas valable si les documents qui le composent comportent des imprécisions, des erreurs ou des contradictions.

Par ailleurs, le juge sanctionne l’atteinte excessive aux libertés fondamentales, telles que le droit de propriété ou la liberté du commerce et de l’industrie.

Il est cependant assez rare que le juge administratif soit amené à sanctionner la violation de ces principes.

Le PLU doit également être compatible avec les règles d’urbanisme « supérieures », à savoir notamment les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les schémas de secteur, les chartes des parcs naturels régionaux et, bien entendu, les principes généraux des articles L. 111-1 à L. 111-13 du Code de l’urbanisme.

Enfin, l’approbation d’un PLU est sanctionnée s’il apparaît que les choix opérés caractérisent un détournement de pouvoir. Pour établir un tel détournement, il convient de démontrer que la modification d’une règle d’urbanisme poursuit un but étranger au but affiché.

Ainsi, a été jugé illégal le classement en zone NA destiné à permettre l’installation d’équipements hippiques par la famille du maire (CE, 6 nov. 2006, n° 277829, Assoc. Les amis du château d’Hénonville).

Au vu de ces multiples aléas, il apparaît que l’élaboration d’un PLU est une entreprise des plus périlleuses.

Pour contester un PLU, il convient de former un recours devant le Tribunal administratif, contre la délibération d’approbation, dans les deux mois de la publication de celle-ci.

Si le requérant souhaite faire échec à l’application du PLU pendant la durée de l’instance, il devra en outre introduire un référé-suspension, à condition de justifier de l’urgence à suspendre l’application du nouveau PLU, et d’une illégalité affectant la délibération qui l’approuve.

En cas d’illégalité, les effets de l’annulation de la délibération approuvant le PLU sont susceptibles de varier en fonction du motif d’annulation retenu.

Ainsi, l’annulation d’un PLU pour vice de procédure oblige les services à reprendre ladite procédure à dater de l’illégalité censurée (CE, 6 avr. 1992, Assoc. Amis Saint-Palais-sur-Mer : AJDA 1992, p. 761, note H. Jacquot).

L’annulation étant rétroactive, il convient d’appliquer l’ancien PLU ou POS dans l’intervalle.

Toutefois, si le PLU est entaché d’une illégalité de fond, il fera l’objet dans la plupart des cas d’une annulation partielle.

Ainsi, si le classement d’un terrain dans une zone donnée est jugé illégal, cette illégalité n’affectera au plus que le règlement de cette zone, et non l’ensemble du PLU (CE, 4 sept. 1995, Falcoz : BJDU, n° 4, 1995, p. 342).

L’élaboration d’un PLU se révèle donc être un véritable parcours d’obstacle, au cours duquel les motifs d’annulation potentiels ne manquent pas.

En dépit du rôle modérateur du juge, qui s’attache à limiter les effets des annulations contentieuses, la fragilité des procédures d’élaboration est susceptible, à terme, d’aller à l’encontre de l’intérêt général, et de mettre à mal l’adaptation des règles d’urbanisme à la réalité démographique, économique et environnementale des territoires.

Vivien GUILLON Avocat au Barreau de Paris http://www.avocat-guillon.com
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